Dans un communiqué, la commission des Affaires étrangères du Palais du Luxembourg déplore le « désarmement informationnel » engagé par le budget 2025 avec une réduction de 10 millions d’euros à l’audiovisuel extérieur. En conséquence, les élus ont voté un amendement de transfert de crédits de 5 millions d’euros de France Télévisions à France Médias Monde (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya).
Suivi des terroristes sortis de prison : que prévoyait le texte adopté au Sénat en 2021 ?
Par François Vignal
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L’attaque au couteau, à Paris, le week-end dernier, a relancé la machine. Faut-il légiférer à nouveau sur la lutte antiterroriste ? Depuis 2017, on compte plusieurs textes renforçant l’arsenal, entre la loi Silt (loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme) de 2017, la loi Silt 2 de 2021 ou encore la loi sur le respect des principes de la République, après l’assassinat de Samuel Paty.
Bruno Retailleau pour « une mesure judiciaire de surveillance de sûreté »
A droite, ou à l’extrême droite, les voix s’élèvent pour demander un renforcement de la législation. Le gouvernement réfléchit lui-même à une « injonction de soins » pour le suivi des terroristes sorties de prison. Au Sénat, les sénateurs LR ne manquent pas d’idées sur le sujet. Le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse avançait hier l’idée d’une proposition de loi « pré-JO », « à titre préventif », pour « renforcer un certain nombre de dispositions, à titre d’expérimentation ».
Dans un entretien au Parisien, le président du groupe LR, Bruno Retailleau, appelle également à un durcissement. « Il faut impérativement des mesures d’exception pour les individus les plus dangereux. Mais la rétention de sûreté, à jurisprudence constante, serait sanctionnée par le Conseil constitutionnel », met en garde le sénateur LR de Vendée, qui appelle en conséquence à l’adoption de sa proposition de loi constitutionnelle sur l’immigration, pour y remédier. « Mais sans attendre, je propose – et le Sénat l’a déjà votée – une mesure judiciaire de surveillance de sûreté qui permettrait d’astreindre les personnes condamnées pour terrorisme, et qui ont fini de purger leur peine, à des obligations d’injonction de soins, de placement sous bracelet électronique, de soumission à des mesures de contrôle, comme le pointage au commissariat, etc », demande le patron des sénateurs LR. « Les textes sont là, ils existent, si le gouvernement a le courage de les reprendre », ajoute ce mardi le sénateur LR des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi, en marge de la réunion de groupe, avant de lancer : « Qu’il suive le Sénat, ça ira beaucoup mieux pour le gouvernement ».
Le texte du Sénat tentait de répondre à une censure du Conseil constitutionnel
La majorité sénatoriale s’est en effet penchée sur ce sujet épineux en 2021, par la proposition de loi du président LR de la commission des lois, François-Noël Buffet, « renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention ». Ce texte, adopté par le Sénat en mai 2021, n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée. Il n’a donc pas été adopté définitivement.
Il faisait suite à la censure, par le Conseil constitutionnel, d’un autre texte, en partie similaire, et adopté par les deux chambres : la proposition de loi Renaissance instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des condamnés pour terrorisme, à l’issue de leur peine. Dans leur PPL, les sénateurs reprenaient le principe du dispositif adopté dans le texte Renaissance, tout en y apportant des aménagements pour tenir compte de la décision des Sages, notamment sur la durée de la mesure. La proposition de loi prévoit ainsi toujours un suivi, mais selon une durée réduite et fixée en fonction de la peine prononcée, et non de la peine encourue.
En présentant son texte, en séance, François-Noël Buffet soulignait que « les mesures de police administrative » déjà existante, « plus connues sous l’acronyme de Micas (mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance), aujourd’hui privilégiées, n’offrent pas, au regard de leur durée, un cadre de surveillance suffisant ». C’est pourquoi un « suivi judiciaire prononcé au stade postsentenciel », lui paraissait « plus adapté pour répondre à l’enjeu ». Un enjeu chiffré. Le rapport du texte précisait qu’au 3 mai 2021, 469 personnes étaient détenues dans les prisons françaises pour des actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste. 162 devaient sortir de détention dans les quatre prochaines années.
« Gradation » des contraintes
« Cette mesure sera prononcée pour une durée limitée, de trois à cinq ans maximum, et les autres mesures existantes ne pourront être prononcées ensemble », précisait la rapporteure du texte, la sénatrice LR Muriel Jourda. C’est pour tenir compte de la censure du Conseil que le texte prévoyait de réduire la durée maximale de la mesure de sûreté prise à la sortie de prison, en la fixant à 3 ans, au lieu de 5 ans, pour les personnes condamnées à moins de dix ans d’emprisonnement, et à 5 ans, au lieu de 10, au-delà.
Point important du texte : il prévoit une « gradation » des contraintes. « Plus le détenu est dangereux à sa sortie de détention, plus les mesures auxquelles il est soumis seront importantes », expliquait Muriel Jourda. Une manière d’assurer que les mesures soient strictement nécessaires et proportionnées, comme le veut le Conseil constitutionnel. Autres conditions : la personne doit avoir suivi un programme de réinsertion en détention, et pour assurer les droits de la défense, il est prévu un avis systématique du juge de l’application des peines antiterroriste.
Eric Dupond-Moretti craignait « une forme de justice prédictive »
S’il saluait une proposition de loi qui va « dans le bon sens » et louait « le travail de réécriture du Sénat », le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, s’était pourtant opposé au texte. Il ne lui paraissait « pas suffisant pour parer à toutes les critiques formulées par le Conseil constitutionnel ». Il craignait même « une nouvelle censure ». Et mettait en garde : « Il ne saurait être question d’instaurer une forme de justice prédictive, qui est la négation même de l’idée de justice, car elle revient à condamner sur un simple soupçon ».
Le garde des Sceaux préférait aussi, et surtout, le propre texte du gouvernement. Il ne s’en cachait d’ailleurs pas : « Je luis préfère toutefois la version gouvernementale qui vous sera présentée le mois prochain : elle sera plus à même de répondre aux exigences constitutionnelles désormais clairement établies ». S’il avait été validé pour l’essentiel, le projet de loi en question, adoptée ensuite par le Parlement, avait pourtant, lui aussi, été en partie censurée par le Conseil constitutionnel en juillet 2021. Les Sages s’étaient opposés à l’allongement d’un à deux ans des Micas, après la sortie de prison.
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