Paris: Gerard Larcher elu President du Senat

Suivi des terroristes sortis de prison : que prévoyait le texte adopté au Sénat en 2021 ?

Pour éviter la récidive des personnes condamnées pour terrorisme, le Sénat avait adopté une proposition de loi du sénateur LR, François-Noël Buffet, instituant un suivi des personnes, à leur sortie de prison, et permettant des mesures de sûreté de trois à cinq ans, selon la dangerosité de l’individu. Le texte n’a pas été inscrit à l’Assemblée.
François Vignal

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L’attaque au couteau, à Paris, le week-end dernier, a relancé la machine. Faut-il légiférer à nouveau sur la lutte antiterroriste ? Depuis 2017, on compte plusieurs textes renforçant l’arsenal, entre la loi Silt (loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme) de 2017, la loi Silt 2 de 2021 ou encore la loi sur le respect des principes de la République, après l’assassinat de Samuel Paty.

Bruno Retailleau pour « une mesure judiciaire de surveillance de sûreté »

A droite, ou à l’extrême droite, les voix s’élèvent pour demander un renforcement de la législation. Le gouvernement réfléchit lui-même à une « injonction de soins » pour le suivi des terroristes sorties de prison. Au Sénat, les sénateurs LR ne manquent pas d’idées sur le sujet. Le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse avançait hier l’idée d’une proposition de loi « pré-JO », « à titre préventif », pour « renforcer un certain nombre de dispositions, à titre d’expérimentation ».

Dans un entretien au Parisien, le président du groupe LR, Bruno Retailleau, appelle également à un durcissement. « Il faut impérativement des mesures d’exception pour les individus les plus dangereux. Mais la rétention de sûreté, à jurisprudence constante, serait sanctionnée par le Conseil constitutionnel », met en garde le sénateur LR de Vendée, qui appelle en conséquence à l’adoption de sa proposition de loi constitutionnelle sur l’immigration, pour y remédier. « Mais sans attendre, je propose – et le Sénat l’a déjà votée – une mesure judiciaire de surveillance de sûreté qui permettrait d’astreindre les personnes condamnées pour terrorisme, et qui ont fini de purger leur peine, à des obligations d’injonction de soins, de placement sous bracelet électronique, de soumission à des mesures de contrôle, comme le pointage au commissariat, etc », demande le patron des sénateurs LR. « Les textes sont là, ils existent, si le gouvernement a le courage de les reprendre », ajoute ce mardi le sénateur LR des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi, en marge de la réunion de groupe, avant de lancer : « Qu’il suive le Sénat, ça ira beaucoup mieux pour le gouvernement ».

Le texte du Sénat tentait de répondre à une censure du Conseil constitutionnel

La majorité sénatoriale s’est en effet penchée sur ce sujet épineux en 2021, par la proposition de loi du président LR de la commission des lois, François-Noël Buffet, « renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention ». Ce texte, adopté par le Sénat en mai 2021, n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée. Il n’a donc pas été adopté définitivement.

Il faisait suite à la censure, par le Conseil constitutionnel, d’un autre texte, en partie similaire, et adopté par les deux chambres : la proposition de loi Renaissance instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des condamnés pour terrorisme, à l’issue de leur peine. Dans leur PPL, les sénateurs reprenaient le principe du dispositif adopté dans le texte Renaissance, tout en y apportant des aménagements pour tenir compte de la décision des Sages, notamment sur la durée de la mesure. La proposition de loi prévoit ainsi toujours un suivi, mais selon une durée réduite et fixée en fonction de la peine prononcée, et non de la peine encourue.

En présentant son texte, en séance, François-Noël Buffet soulignait que « les mesures de police administrative » déjà existante, « plus connues sous l’acronyme de Micas (mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance), aujourd’hui privilégiées, n’offrent pas, au regard de leur durée, un cadre de surveillance suffisant ». C’est pourquoi un « suivi judiciaire prononcé au stade postsentenciel », lui paraissait « plus adapté pour répondre à l’enjeu ». Un enjeu chiffré. Le rapport du texte précisait qu’au 3 mai 2021, 469 personnes étaient détenues dans les prisons françaises pour des actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste. 162 devaient sortir de détention dans les quatre prochaines années.

« Gradation » des contraintes

« Cette mesure sera prononcée pour une durée limitée, de trois à cinq ans maximum, et les autres mesures existantes ne pourront être prononcées ensemble », précisait la rapporteure du texte, la sénatrice LR Muriel Jourda. C’est pour tenir compte de la censure du Conseil que le texte prévoyait de réduire la durée maximale de la mesure de sûreté prise à la sortie de prison, en la fixant à 3 ans, au lieu de 5 ans, pour les personnes condamnées à moins de dix ans d’emprisonnement, et à 5 ans, au lieu de 10, au-delà.

Point important du texte : il prévoit une « gradation » des contraintes. « Plus le détenu est dangereux à sa sortie de détention, plus les mesures auxquelles il est soumis seront importantes », expliquait Muriel Jourda. Une manière d’assurer que les mesures soient strictement nécessaires et proportionnées, comme le veut le Conseil constitutionnel. Autres conditions : la personne doit avoir suivi un programme de réinsertion en détention, et pour assurer les droits de la défense, il est prévu un avis systématique du juge de l’application des peines antiterroriste.

Eric Dupond-Moretti craignait « une forme de justice prédictive »

S’il saluait une proposition de loi qui va « dans le bon sens » et louait « le travail de réécriture du Sénat », le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, s’était pourtant opposé au texte. Il ne lui paraissait « pas suffisant pour parer à toutes les critiques formulées par le Conseil constitutionnel ». Il craignait même « une nouvelle censure ». Et mettait en garde : « Il ne saurait être question d’instaurer une forme de justice prédictive, qui est la négation même de l’idée de justice, car elle revient à condamner sur un simple soupçon ».

Le garde des Sceaux préférait aussi, et surtout, le propre texte du gouvernement. Il ne s’en cachait d’ailleurs pas : « Je luis préfère toutefois la version gouvernementale qui vous sera présentée le mois prochain : elle sera plus à même de répondre aux exigences constitutionnelles désormais clairement établies ». S’il avait été validé pour l’essentiel, le projet de loi en question, adoptée ensuite par le Parlement, avait pourtant, lui aussi, été en partie censurée par le Conseil constitutionnel en juillet 2021. Les Sages s’étaient opposés à l’allongement d’un à deux ans des Micas, après la sortie de prison.

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. 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