Après plusieurs semaines d’un agenda plutôt allégé – le gouvernement ayant pris son parti d’éviter un Parlement où il n’a pas de majorité absolue -, le projet de loi sur la simplification de la vie économique s’annonce comme l’un des « gros morceaux » du printemps pour le Sénat. Inspiré de différents travaux parlementaires et d’une consultation citoyenne lancée par Bercy auprès des PME et TPE, ce texte très technique entend réduire l’impact des charges administratives sur la vie des entreprises.
Divisé en 28 articles, le projet de loi touche à des domaines variés, des télécommunications à la commande publique, en passant par l’information des salariés et la transmission des baux commerciaux. Ce qui a nécessité la mise en place d’une commission spéciale au Sénat, le palais du Luxembourg ayant eu la primeure de l’examen parlementaire sur ce texte.
Et c’est peu dire que le projet de loi nourrit de nombreuses crispations du côté de la Chambre haute, comme en témoignent les quelque 400 amendements déposés en prévision du seul examen en commission, ce lundi 28 mai. Un chiffre inhabituellement élevé, qui laisse présager de débats particulièrement nourris pour la discussion en séance publique, à partir du 3 juin.
« Désormais, chaque texte législatif qui nous arrive porte déjà un volet sur la simplification. Avec ce texte, qui contient essentiellement des micro-mesures, il devient difficile de s’y retrouver, et l’on perd la cohérence d’ensemble », confie Dominique Estrosi-Sassonne, la présidente de la commission des affaires économiques.
Le recours aux ordonnances retoqué
Durant leur examen, les membres de la commission ont fait sauter les demandes d’habilitations à agir par ordonnances portées par ce texte, et qui doivent permettre au gouvernement de simplifier plus rapidement certaines démarches administratives. Il s’agit notamment de supprimer les formulaires Cerfa et diverses obligations de déclaration. Outre l’agacement que nourrit chez les parlementaires la multiplication du recours aux ordonnances, la sénatrice LR Catherine Di Folco, l’une des deux rapporteurs, a estimé que les termes de l’habilitation étaient trop larges, ce qui revenait à donner à l’exécutif une marge de manœuvre susceptible d’aller au-delà des seules ambitions affichées dans le texte.
Autre point de tension : la disparition de cinq commissions administratives consultatives au sein desquels plusieurs parlementaires sont amenés à siéger. Ce coup de rabot est dénoncé comme un affaiblissement du Parlement par les sénateurs, qui ont tenu à rétablir la Commission supérieure du numérique et des postes. Le gouvernement, de son côté, estime que le rôle de cette instance est « redondant » avec celui de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la Presse (Arcep) et du Conseil national du numérique.
Le nouveau bulletin de paie « ne constitue pas une simplification »
La commission a également fait disparaître la mesure la plus commentée de ce projet de loi en faisant sauter l’article 7 sur la simplification du bulletin de paie. Le gouvernement entend limiter les informations figurant sur la fiche de salaire à quelques grandes lignes : le montant total des cotisations sociales et patronales, le salaire brut, le net fiscal… Le détail de la rémunération pourra toujours être communiqué au salarié sur demande, avant la mise en ligne à l’horizon 2027 d’une « banque de données sociales » permettant d’accéder aux contributions versées.
« Il semble que cet article ne constitue pas une simplification, dans la mesure où la suppression de certaines lignes du bulletin de paie s’accompagne d’une nouvelle obligation pour l’employeur. Ce dernier devrait continuer de collecter ces mêmes éléments, les conserver et les mettre à disposition de manière sécurisée pour les salariés », a justifié l’un des deux rapporteurs, le centriste Yves Bleunven.
Aménagement du Code du commerce
La commission a notamment remanié l’article 15 qui prévoyait d’octroyer automatiquement aux projets d’implantation de data center le qualificatif de « projet d’intérêt national majeur », ce qui permet de s’émanciper de plusieurs obligations relatives au droit de l’environnement. Les rapporteurs ont préféré réserver cette appellation aux projets de grande envergure, d’une puissance d’au moins 400 MW.
Parmi les autres dispositifs que contient le projet de loi, relevons : la dématérialisation de l’accès à la commande publique, des mesures de facilitation à l’installation des commerces et pour les travaux dans les boutiques, ou encore la mensualisation des loyers pour les baux commerciaux. Par ailleurs, un allégement du droit commercial doit permettre de simplifier les ventes de fonds de commerces et d’entreprises de moins de 50 salariés.