Sécurité : le Sénat vote le renforcement de la surveillance des auteurs d’infractions sexuelles et terroristes

Ce 5 novembre, le Sénat a voté une proposition de loi élargissant l’usage des fichiers dans lesquels sont inscrits les auteurs d’infractions sexuelles, violentes ou terroristes. En commission des lois, un amendement avait été ajouté au texte pour allonger la durée de rétention administrative des étrangers auteurs d’une infraction sexuelle ou violente grave. À la demande du gouvernement, celui-ci a été retiré.
Rose Amélie Becel

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« Cette proposition de loi a pour but de mieux protéger les enfants », résume simplement la sénatrice Les Républicains Marie Mercier, en ouverture de l’examen de son texte visant à « renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes ».

La proposition de loi, adoptée par le Sénat ce 5 novembre, vise avant tout à prévenir la récidive pour les auteurs de ces infractions, en s’appuyant sur un dispositif qui existe déjà : les fichiers judiciaires. « Les mesures proposées par Marie Mercier viennent combler des vides qui peuvent exister dans ces fichiers et être préjudiciables aux mineurs et aux personnes vulnérables », précise la présidente de la commission des lois et rapporteure du texte Muriel Jourda.

Les inscrits au Fijaisv et au Fijait interdits d’exercer dans le transport de mineurs et de majeurs vulnérables

Le texte de la sénatrice permet d’abord d’étendre les possibilités de consultation des fichiers dans lesquels sont inscrits les auteurs d’infractions sexuelles et violentes (le Fijaisv) et les auteurs d’infractions terroristes (le Fijait). Aujourd’hui, ces fichiers peuvent être consultés par les autorités judiciaires et la police, dans le cadre d’enquêtes, mais aussi par les administrations de l’Etat pour sécuriser certains recrutements. Les élus locaux doivent, par exemple, demander une preuve de non-inscription au Fijaisv avant tout recrutement d’un agent susceptible d’être en contact avec des mineurs.

La proposition de loi ouvre ainsi cette demande de consultation aux opérateurs de transports publics, pour empêcher toute personne inscrite au Fijaisv ou au Fijait d’exercer une mission de transport « de mineurs ou de majeurs vulnérables ». « Bien loin de nous l’idée de jeter l’opprobre sur les chauffeurs de bus, mais nous avons été alertés par les opérateurs de transports sur le fait que seul le permis de conduire est demandé lors d’une embauche », explique la sénatrice.

En commission des lois, un nouvel article a également été ajouté au texte pour permettre aux chefs d’établissement d’être automatiquement informés si un élève a été condamné ou est mis en examen pour une infraction terroriste. Un dispositif qui existe déjà dans le cas des infractions sexuelles. « Le nombre de mineurs déférés pour ce type d’infractions est en augmentation constante », rappelle Muriel Jourda pour justifier cette mesure. Adopté par la majorité des sénateurs, l’article ne recueille toutefois pas l’assentiment des sénateurs écologistes et socialistes, qui s’opposent à toute communication aux chefs d’établissements en cas de simple mise en examen. « Cette information porte gravement atteinte à la présomption d’innocence et au secret de l’instruction », fustige le sénateur écologiste Guy Benarroche.

Changement de nom, déplacements à l’étranger… Plus de contraintes pour les inscrits au Fijaisv et au Fijait

La proposition de loi de Marie Mercier entend aussi combler une faille dans le dispositif des fichiers judiciaires, ouverte en 2022 avec l’adoption d’un texte permettant de changer de nom de famille par une procédure simplifiée, nécessitant seulement l’envoi d’un formulaire. Une faille déjà exploitée par le passé par des criminels souhaitant échapper au fichage, explique Marie Mercier : « Francis Evrard, un pédocriminel récidiviste, a changé de nom en prison et il n’était donc pas inscrit au Fijaisv sous son nouveau nom. »

Par cette proposition de loi, le procureur serait informé de toutes les demandes de changement de nom des personnes inscrites au Fijaisv ou au Fijait et pourrait s’y opposer. Plus largement, pour tout changement de prénom et de nom via une procédure simplifiée, le demandeur devrait fournir un extrait de son casier judiciaire ainsi qu’un document démontrant qu’il n’est pas inscrit dans l’un des deux fichiers. À la gauche de l’hémicycle, la mesure interroge. « Cette disposition n’aura aucun impact sur la prévention de la récidive mais impactera des dizaines de milliers de personnes qui souhaitent changer de nom ou de prénom en mairie », déplore Guy Benarroche. De son côté, le sénateur communiste Ian Brossat craint que la complexification de la procédure de changement de prénom impacte en premier lieu les personnes transgenres, qui représentent plus d’un quart des demandeurs. « Alourdir la procédure ne ferait qu’aggraver la situation pour des personnes déjà discriminées », observe-t-il.

Outre l’obligation de déclarer tout changement de nom ou de prénom, les inscrits au Fijaisv et au Fijait seront désormais soumis à de nouvelles obligations. En séance, la sénatrice Olivia Richard a fait voter un amendement les obligeant à déclarer leurs déplacements à l’étranger. Par un second amendement, l’élue centriste a également tenu à combler une autre faille dans le dispositif de fichage. Aujourd’hui, un Français inscrit au Fijaisv – ayant par conséquent interdiction d’exercer certaines professions au contact de mineurs – n’est pas inquiété si ces contacts avec des enfants ont lieu à l’étranger, dans des pays où l’infraction n’existe pas. « Nous devons mettre à jour notre arsenal face à une pédocriminalité itinérante et en ligne qui explose », alerte Olivia Richard, citant l’exemple d’un professeur condamné en France qui continuait à accueillir des enfants à son domicile à l’étranger.

L’allongement de la durée de rétention administrative abandonné

Enfin, avant même l’inscription d’une nouvelle loi immigration à l’ordre du jour, l’examen de cette proposition de loi a été l’occasion de premiers débats sur l’allongement de la durée de rétention administrative. Aujourd’hui fixé à 90 jours maximum, la commission de loi a choisi de s’appuyer sur le texte de Marie Mercier pour défendre un passage de ce délai à 210 jours, pour les étrangers auteurs d’une infraction sexuelle ou violente grave. Un amendement directement pensé en réponse au meurtre mi-septembre de la jeune Philippine, dont le principal suspect avait séjourné en centre de rétention administrative (CRA) après une condamnation pour viol.

Cet ajout au texte a suscité l’interrogation d’une large partie des groupes politiques, mais aussi du gouvernement. « Le texte qui nous réunit aujourd’hui ne semble pas être le bon véhicule législatif pour cette mesure », observe ainsi la ministre des Relations avec le Parlement Nathalie Delattre. De son côté, la présidente de la commission des lois réfute tout cavalier législatif : « L’allongement de la durée de rétention administrative a une réelle efficacité sur la sécurité de nos concitoyens, or ce texte est en lien avec la sécurité de nos concitoyens ». Muriel Jourda a toutefois émis un avis favorable à l’amendement de suppression défendu par le gouvernement, entrainant le retrait de l’article. « La seule et unique raison pour laquelle le gouvernement demande le retrait de cet article, c’est pour pouvoir l’inscrire dans un véhicule législatif adapté en début d’année prochaine », justifie le secrétaire d’Etat chargé de la Citoyenneté Othman Nasrou.

Souhaité par le ministre de l’Intérieur, l’allongement de la durée de rétention administrative devrait donc être de nouveau débattu, dans le cadre d’une nouvelle loi immigration. Une mesure déjà qualifiée de « démagogique » et « sans fondement objectif sérieux » sur les bancs de la gauche, ce qui promet de prochains débats houleux dans l’hémicycle au début de l’année 2025.

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