Scandale des eaux en bouteille : les directeurs des usines Perrier et Vittel sous le feu des questions au Sénat
Alors que le tribunal de Paris vient d’ouvrir une information judiciaire pour « tromperie » à l’égard de Nestlé Waters, deux directeurs d’usine du groupe étaient auditionnés au Sénat. Utilisation de filtres illégaux, contamination de forages… Leurs sites, qui produisent les eaux de Perrier et de Vittel, sont particulièrement visés.
Le 13 février, le pôle santé publique du tribunal de Paris a ouvert une enquête visant le géant suisse Nestlé Waters (Perrier, Vittel, Hépar…) et le groupe Sources Alma (Cristaline, St-Yorre…). Une information judiciaire qui fait suite à une plainte contre X déposée par l’association Foodwatch pour « tromperie », accusant les deux groupes de traiter illégalement leurs eaux de source minérale.
Le scandale des eaux en bouteille agite l’opinion depuis plus d’un an, avec la publication d’une enquête du Monde et de Radio France, révélant que des eaux vendues comme « de source » ou « minérales naturelles » par le groupe Nestlé Waters ont subi des techniques de purification interdites. Un sujet que le Sénat a pris à bras le corps, avec l’ouverture d’une commission d’enquête à l’initiative du groupe socialiste.
« C’est franchement inaudible » : les sénateurs agacés du silence des directeurs
Ce 6 mars, les sénateurs ont auditionné des acteurs clés du scandale : l’ancien directeur de l’usine de Nestlé Waters dans le Gard, où est produite la marque Perrier, et l’actuel directeur du site des Vosges, où sont produites les marques Vittel, Contrex et Hépar. Deux auditions clés, pour comprendre les origines du scandale. Le groupe Nestlé a notamment reconnu avoir utilisé des traitements ultraviolets et au charbon actif pour purifier l’eau sur ces sites, une pratique qui n’est aujourd’hui plus en cours.
À quoi ces filtres servaient-ils ? Sur ce point, les directeurs des deux usines, qui n’étaient pas en poste au moment où les filtres ont été installés, restent silencieux devant les sénateurs. « Je ne peux pas répondre, je n’étais pas là, ce n’est pas moi qui les ai mis en place », se défend Philippe Fehrenbach. « Je n’ai pas vu ces filtres, il est extrêmement difficile de dire à quoi ils servaient. J’ai bien sûr ma petite idée, mais ce serait de la pure spéculation », explique le directeur de l’usine des Vosges, Luc Desbrun. Tous deux assurent que le retrait des filtres s’est accompagné de plans de modernisation des usines, aujourd’hui toujours en cours, pour un coût de plus de 50 millions d’euros dans le Gard et de 20 millions d’euros dans les Vosges.
Un silence qui a rapidement agacé les sénateurs. « Des investissements de 50 millions d’euros sont réalisés, parce qu’il faut remplacer des traitements dont on ne sait pas à quoi ils servent », résume ironiquement le sénateur socialiste Alexandre Ouizille, rapporteur de la commission, devant Philippe Fehrenbach. « C’est quand même franchement inaudible, je ne vois pas comment vous n’avez pas la réponse ! »
Des forages suspendus, vétustes ou contaminés
Avec l’arrêt de l’utilisation de ces filtres illégaux, les deux usines ont été contraintes de suspendre plusieurs forages, dont l’eau ne pouvait plus être considérée comme minérale naturelle. Après plusieurs questions sur la raison de ces fermetures, le rapporteur a tout de même fini par obtenir quelques explications de la part du directeur du site de Perrier, pour justifier l’usage des filtres. « Ce sont des forages qui datent… L’aquifère, c’est de l’eau minérale naturelle. Si on mettait un forage à côté, on pourrait demander sa qualification en eau minérale naturelle », explique Philippe Fehrenbach. « Donc, finalement, les traitements illégaux étaient là pour dissimuler la vétusté de l’outil industriel », conclut Alexandre Ouizille. « Je ne dirais pas la vétusté, mais plutôt la sensibilité », corrige le directeur de l’usine.
Si le directeur de l’usine de Perrier assure que les ressources en eau sur son site sont encore pures, simplement dégradées par la vétusté de certains forages, ce n’est pas vraiment le cas sur le site de Nestlé dans les Vosges. « Visiblement, les conclusions de l’ARS sur l’un des forages pour justifier sa fermeture, c’est de dire qu’il y avait de la matière fécale dans les analyses. Est-ce que vous confirmez ? », demande le rapporteur à Luc Desbrun. « Sur un des forages suspendu ou fermé avant que j’arrive, peut-être. Je ne sais pas, je n’étais pas sur place… », élude le directeur. Ce type de contamination a en tout cas déjà touché d’autres marques du groupe. Il y a un an, Perrier a ainsi ordonné la destruction de deux millions de bouteilles contaminées par des bactéries « d’origines fécales ».
Filtration de l’eau : « Vous estimez qu’on peut s’assoir sur la réglementation ? »
Enfin, les sénateurs ont interrogé les directeurs d’usine sur un point clé de leur commission : la microfiltration. Derrière ce terme technique, se cache un potentiel « scandale d’Etat », selon les mots de la sénatrice écologiste Antoinette Guhl, autrice d’un rapport d’information sur le contrôle des eaux minérales naturelles en octobre dernier. Dans leurs enquêtes, Le Monde et Radio France révèlent que Nestlé Waters aurait utilisé des filtres de mois de 0,8 micron pour traiter son eau minérale naturelle, en dépit des normes en vigueur en France et dans l’Union européenne, le tout avec l’aval de l’Etat.
Avant d’autoriser de nouvelles pratiques de filtrage lors d’une réunion interministérielle en février 2023, le gouvernement avait en effet sollicité l’avis de l’agence sanitaire sur l’impact du passage d’une filtration de 0,8 micron à 0,2 micron. Dans sa note, rendue en janvier 2023, l’Anses indique que toute filtration en dessous d’un seuil de 0,4 micron peut être assimilée à une désinfection de l’eau, une pratique interdite pour les eaux minérales. Devant les sénateurs, Luc Desbrun défend pourtant cette pratique. « Pour nous, le filtre à 0,2 a une caractéristique importante, il conserve la minéralisation de l’eau. Ces filtres ne désinfectent pas l’eau. Nous avons fourni de nombreuses études aux administrations, que ce soit nationales ou locales, afin de prouver cet effet », justifie-t-il.
Des études que les sénateurs n’ont pas réussi à obtenir pour le moment, mais qui ont un objectif : prouver à l’Etat qu’une microfiltration avec des filtres plus fins ne modifie pas les caractéristiques de l’eau minérale naturelle, pour que cette pratique soit officiellement autorisée. En attendant, Nestlé assume pratiquer cette filtration non-règlementaire dans ses usines. « Vous estimez qu’on peut s’assoir sur la réglementation française et, finalement, faire ce que l’entreprise juge bon, avec ses propres experts ? C’est un peu problématique », résume la sénatrice centriste Marie-Lise Housseau. Les sénateurs devraient prochainement auditionner les responsables de l’étude sur la microfiltration au sein de Nestlé Waters, l’occasion peut être d’obtenir quelques éclaircissements.
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