Santé périnatale : les sénateurs demandent une « stratégie nationale » et le « retour d’une ambition politique forte »

La mission d’information sur la périnatalité a rendu ce mercredi 11 septembre son rapport, après six mois de travaux et de nombreuses auditions. Les sénatrices à sa tête espèrent ainsi être moteur d'une « ambition politique forte. »
Camille Romano

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Face à une situation alarmante, une réponse « organisée et assumée ». La mission d’information sénatoriale sur la santé périnatale a rendu ce mercredi 11 septembre son rapport et dresse une liste de 16 recommandations pour prendre à bras-le-corps ce problème de santé publique. Pour sa présidente centriste Annick Jacquemet, on peut même parler de « décrochage certain dans le champ de la santé périnatale » : la France étant désormais 21e et 22e rangs européens en matière de mortinatalité spontanée et de mortalité infantile.

La mission partait d’un double constat : d’une part les indicateurs de santé des mères et des nourrissons se dégradent, de l’autre le réseau de maternités pouvant les accueillir montre des « fragilités préoccupantes » : en 30 ans, le nombre de maternités a baissé de 40 %, passant à 481 maternités en 2019 selon le ministère de la Santé. Ces dernières années, la fermeture des maternités d’Autun et de Nevers a indigné les politiques, comme le sénateur de Saône-et-Loire Fabien Genet.

Travailler en proximité

Après six mois de travaux, le Sénat veut apporter une « réponse organisée et assumée » à ces fragilités multiples. Ainsi, la mission préconise de réorganiser « l’offre de soins assurant une sécurisation accrue des accouchements et parallèlement, un renforcement du suivi en proximité durant la grossesse et après la naissance. » La toute première recommandation du rapport, dont découlent toutes les autres, veut mettre en place une véritable politique nationale autour du sujet, en « adoptant une stratégie nationale de santé périnatale et en rétablissant les commissions nationales et régionales des naissances ». Ce qui passerait notamment par la création d’un registre national des naissances et de la mortalité néonatale, et le rapprochement des bases de données » donnant accès à des informations détaillées sur la mère et sur l’enfant pendant la grossesse, l’accouchement et la période néonatale. » Devant la presse, la rapporteure, la sénatrice RDSE Véronique Guillotin, précise que ce pilotage « ne peut se concevoir sans les professionnels, ni les usagers. » « C’est une question de vision, mais aussi de responsabilité », conclut-elle.

Les membres de la mission insistent sur ce point : la question de la proximité est clé, à toutes les étapes de la grossesse et des premiers mois de vie des nourrissons. Plusieurs recommandations du rapport se concentrent sur ce point : toute réorganisation de l’offre de soin doit partir d’un « diagnostic territorial, en organisant la réflexion autour des « bassins de naissances. » C’est une question « d’équité sociale et territoriale », précise le rapport : l’offre de soins doit être la même sur tout le territoire, qu’il s’agisse de sa qualité, de sa sécurité, mais aussi de son accessibilité. Le rapport veut sortir du dogme du « seuil », qui voudrait que l’on ferme une maternité si elle n’effectue pas 1 000 naissances par an, comme l’avait préconisé un rapport de l’Académie de médecine en 2023. Au contraire, les sénatrices proposent de réfléchir en termes de « services » dans les territoires. Elles insistent sur cette idée de la « transformation de l’offre de soins », qui se ferait après ce diagnostic territorial : une maternité pourrait être conservée sur un territoire isolé et accueillir le suivi pré et postnatal et les accouchements transférés sur un autre site, plus sécurisés.

Pour la rapporteure de la mission, il faut distinguer le suivi pré et postnatal de l’accouchement et leur accoler différentes priorités. Pour les suivis, qu’ils soient avant ou après la naissance, c’est la notion de « proximité qui est la priorité ». Mais quand on parle de l’acte d’accoucher, c’est alors la « sécurité qui doit primer. » Notamment sur la question de la réanimation néonatale, le rapport préconise un « ratio minimal d’un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances. » L’accent doit aussi être mis sur la présence de professionnels de la santé périnatale dans les équipes de « régulation des urgences ainsi qu’au sein des équipes de transports médicaux d’urgence ».

La mission reconnaît le rôle crucial des services de protection maternelle et infantile dans l’offre de soins et recommande ainsi de leur « assurer un modèle viable de financement ». Les sénateurs suggèrent également de développer des antennes de PMI au sein des maternités. L’un des enjeux cruciaux étant également le nombre de soignants, la mission souhaite « former davantage de praticiens et améliorer l’attractivité de ces professions ». Un des leviers identifiés par les sénatrices repose notamment sur le « renfort de la formation initiale des infirmiers dans les activités de santé périnatale ».

Accompagner les parents

Trop peu de jeunes parents sont bien informés sur les possibilités de prise en charge pendant la grossesse et les premiers mois de vie des nouveau-nés selon le rapport.

Ainsi, la mission préconise un coup d’accélérateur sur la « communication grand public » autour de la santé périnatale, et propose notamment de « développer des partenariats entre pouvoirs publics, médias et réseaux sociaux ». L’idée étant de lutter contre la diffusion de fausses informations, notamment sur les premiers mois de vie des nourrissons.

Le manque d’accompagnement pendant les premiers mois du post-partum a été relevé dans l’enquête d’opinion commandée à l’institut CSA par les sénateurs : « une femme sur cinq déclare ne pas être satisfaite des informations communiquées sur cette période et ne pas avoir bénéficié d’un suivi postnatal. » Afin d’y remédier, la rapporteure préconise un renforcement du « Prado maternité pour faciliter un recours sécurisé à domicile post-accouchement » ainsi qu’un processus de labellisation « d’offres d’accompagnement autour des 1 000 premiers jours ».

Ne pas oublier la santé mentale

Si la santé physique est en première ligne dans le rapport, les sénateurs n’ont pas oublié de se pencher sur la question de la santé mentale : une mère sur cinq et un père sur dix souffrent de dépression du post-partum et on dénombre 15 suicides par an lié au post-partum. Sur cette question, la mission considère qu’il faut « renforcer le repérage des vulnérabilités », mais également former les professionnels de santé en généralisant un « questionnement systématique » autour de ces questions de santé mentale. Là encore, le maillage territorial et de proximité est crucial.

Public Sénat

Comme un vœu pieux ou une main tendue au gouvernement, la mission d’information insiste sur la nécessité d’un « retour d’une ambition politique forte » sur le sujet de la santé périnatale, sans pour autant passer par un poste au sein du gouvernement alloué uniquement à cette question. Dans un contexte politique rendu compliqué par la dissolution et la formation d’un nouveau gouvernement, la sénatrice Véronique Guillotin veut rester « optimiste ». Pour autant, la rapporteure comme la présidente entendent faire vivre ce rapport : « C’est une belle opportunité, qui reste un rapport de santé publique. Il faudra porter politiquement ce rapport, au Premier ministre et au ministre de la Santé quand nous en aurons un. Il est urgent de s’attaquer au problème », conclut la sénatrice. Alors que Michel Barnier manœuvre pour composer un gouvernement, entendra-t-il le message ?

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