EU – Digital Service Act – Social Media

Retrait définitif de TikTok Lite : « Ces géants ne s’exécutent que lorsqu’on les menace », estime Claude Malhuret

Lundi 5 août, la Commission européenne a annoncé le retrait de l’application TikTok Lite compte tenu de ses risques addictifs. Un succès, certes, mais insuffisant selon le sénateur Claude Malhuret auteur d’un rapport sur TikTok. Ce dernier déplore une asymétrie de moyens entre les régulateurs et les plateformes.
Henri Clavier

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« Nous avons obtenu le retrait définitif du programme de récompenses TikTokLite qui aurait pu avoir des conséquences très addictives », a annoncé le 5 août sur X, le commissaire européen au Numérique, Thierry Breton. « Le temps de cerveau disponible des jeunes Européens n’est pas une monnaie d’échange pour les réseaux sociaux », a-t-il ajouté.

Lancée au printemps en France par la maison mère, la nouvelle application TikTok Lite entendait récompenser les utilisateurs en fonction de leur temps d’utilisation de l’application. TikTok, propriété du groupe chinois ByteDance, avait suspendu le déploiement de ce nouveau service après l’annonce par la commission européenne du lancement d’une enquête compte tenu « des risques graves pour la santé mentale des utilisateurs ». Chargée de la régulation de l’espace numérique, conformément au Digital Services Act (DSA) entré en vigueur le 25 août 2023, la Commission européenne a obtenu le retrait définitif de l’application. « La décision prise aujourd’hui envoie un message clair à l’ensemble du secteur des médias sociaux », a souligné de son côté la commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager.

« Ces géants ne s’exécutent que lorsqu’on les menace »

Entièrement applicable depuis le 17 février 2024, le DSA permet de contrôler les géants du numérique afin de faciliter la lutte contre la diffusion de contenus illicites, renforcer la transparence de ces plateformes – notamment sur le fonctionnement des algorithmes – ainsi que le développement de la responsabilité des plateformes au regard des risques qu’elles génèrent, notamment sur les processus électoraux ou sur les questions de santé publique. Le règlement offre donc à la Commission européenne des pouvoirs d’enquêtes qui peuvent déboucher sur des sanctions comme une amende pouvant aller jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial. Si les violations sont répétées, les plateformes peuvent être exclues du marché européen.

« C’est une très bonne nouvelle et une victoire pour la Commission européenne », se réjouit Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants au Sénat et rapporteur de la commission d’enquête du Sénat sur TikTok. « Mais ce n’est qu’une petite victoire pour la Commission européenne car c’est une goutte d’eau dans l’océan des violations des droits d’utilisateurs des plateformes du numérique », déplore Claude Malhuret. Si le DMA et le DSA avaient été identifiés par les sénateurs comme des textes efficaces pour réguler les plateformes numériques, on constate une certaine asymétrie de moyens entre les régulateurs et les plateformes. « Les plateformes changent en permanence alors que les régulateurs doivent mener leurs enquêtes sur des mois ou des années, donc on est dans un combat asymétrique, perdu d’avance », rapporte le sénateur insistant sur la persistance de certaines entorses à la règle. « Les promesses sont formulées, mais ne sont jamais tenues et les enquêtes prennent des années, il y a toujours un manque de transparence sur l’algorithme et des transferts de données vers la Chine. Ces géants ne s’exécutent que lorsqu’on les menace », continue Claude Malhuret. TikTok fait notamment l’objet d’une enquête de la Commission européenne depuis février pour des manquements présumés en matière de protection des mineurs.

« Les plateformes ont réussi à faire croire qu’elles sont des hébergeurs »

Dans le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence de TikTok, l’une des recommandations préconisait de considérer TikTok comme un éditeur et non comme un hébergeur de contenus. La différence ? En tant qu’éditeur, TikTok serait directement responsable des contenus postés sur sa plateforme. « Les plateformes ont réussi à faire croire qu’elles sont des hébergeurs. Elles ont pourtant bien une fonction éditoriale à travers leurs algorithmes qui suggèrent des contenus en fonction des précédents visionnages et du potentiel de celui-ci, à partir du moment où vous êtes une plateforme et que vous triez le contenu, vous êtes un éditeur », affirme Claude Malhuret. Alors que les risques relatifs à la santé mentale et aux fuites de données sont de mieux en mieux documentés, le DSA pourrait se révéler insuffisant sur le temps long. En 2021, Claude Malhuret avait pourtant ouvert la voie en faisant adopter un amendement pour qualifier d’éditeurs les plateformes qui assurent un traitement et classement des informations par algorithme. A l’Assemblée nationale, l’amendement n’avait pas été retenu.

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