Rentrée parlementaire : « Le groupe socialiste au Sénat va devenir le premier groupe d’opposition »

Avec la nomination, début septembre, d’un nouveau Premier ministre et l’absence de gouvernement, la rentrée parlementaire prend une tournure incertaine. Une situation dans laquelle le groupe socialiste du Sénat se voit peser, comme « premier groupe d’opposition ».
Mathilde Nutarelli

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Après le feuilleton sur la nomination du Premier ministre, qui a paru interminable à certains, toujours pas de gouvernement et encore moins d’agenda parlementaire en vue. Ce qui n’empêche pas les parlementaires de faire leur rentrée. Les sénateurs socialistes tenaient aujourd’hui au Sénat leur première réunion de groupe après l’été. Une rentrée comme la Ve République en a rarement vu.

« Depuis le mois de juin, le Parlement est à l’arrêt »

Premier sujet de cette rentrée pour la gauche, et en particulier pour les socialistes : l’ouverture d’une session extraordinaire. Hier, Patrick Kanner, président du groupe au Sénat, Guillaume Gontard, président du groupe écologiste et Cécile Cukierman, présidente du groupe communiste, ont envoyé un courrier au nouvellement nommé Michel Barnier pour lui demander de solliciter Emmanuel Macron pour l’ouverture d’une session parlementaire avant la session ordinaire qui doit commencer le 1er octobre. Le Président est en effet le seul qui puisse la convoquer, par un décret, sur la demande du Premier ministre ou de la majorité de l’Assemblée nationale. Souhait formulé également par Marine Le Pen et Yaël Braun-Pivet. « Depuis le mois de juin, le Parlement est à l’arrêt, tout comme les politiques publiques, alors que nous devons en principe préparer le budget. C’est une situation totalement anormale sur le plan du fonctionnement de nos institutions », se désole Patrick Kanner.

Malheureusement pour ces élus, ni l’Elysée, ni Matignon, ni la présidence du Sénat ne sont ouverts à une telle éventualité, rapporte le Parisien. « C’est la preuve qu’ils sont un peu dans la panique et qu’ils ne savent pas très bien comment ils vont former ce gouvernement », raille Corinne Narassiguin, sénatrice PS de Seine-Saint-Denis, « on voit bien que c’est le Rassemblement national qui donne le la ».

« Ceux qui étaient la majorité sénatoriale auparavant seront maintenant clairement la force au pouvoir »

La rentrée 2024, aussi inédite qu’elle est, est également l’occasion de clarifications, pour les socialistes du Sénat. Avec l’arrivée du LR Michel Barnier à Matignon, « cela va changer la manière dont on travaille ici », affirme Corinne Narassiguin. « Au Sénat, nous étions dans deux oppositions : l’opposition à la majorité gouvernementale et l’opposition à la majorité sénatoriale », raille Patrick Kanner, « j’ai bien compris que maintenant, c’était la même chose ». Pour la sénatrice Séquano-dyonisienne, les choses sont claires : « Le groupe socialiste au Sénat va en réalité devenir le premier groupe d’opposition, puisque maintenant, ceux qui étaient la majorité sénatoriale auparavant (LR et centre), qui étaient parfois dans la majorité, parfois dans l’opposition, seront maintenant clairement la force au pouvoir ».

Une opposition que Patrick Kanner veut « ferme et constructive ». Loin de la censure automatique ou de la politique de blocage, le socialiste l’affirme, « tout ce qui nous semblera aller dans le bon sens pour les Français, nous le voterons ». Un message qui sera sûrement reçu avec soulagement par le prochain ministre des Finances, qui devra faire voter un budget très difficile à l’automne.

Loi d’abrogation de la réforme des retraites : « Il va y avoir des pièges qui vont être tendus par le RN »

Sur le plan parlementaire, peu de choses sont sûres. Il y en a une qui l’est, c’est la niche parlementaire des députés du Rassemblement national le 31 octobre prochain. Au cours de cette journée, lors de laquelle le groupe est maître de l’ordre du jour, il souhaite déposer une proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites. Une mesure que les groupes de gauche soutiennent également, mais qui les met dans une position délicate. Oseront-ils voter en faveur d’un texte émanant de l’extrême-droite ? « On leur offre sur un plateau la possibilité d’abroger la réforme des retraites », affirmait Sébastien Chenu, député RN, dans la matinale de Public Sénat du 9 septembre.

« Il va y avoir des pièges qui vont être tendus par le RN », répond Corinne Narassiguin, « le but c’est de faire de la politique au service des Français, mais sans tomber dans des polémiques inutiles ». Au sein du parti à la rose, les débats sur la nécessité de soutenir ou non un tel texte ont déjà commencé. L’opportunité de faire adopter à l’Assemblée nationale un texte abrogeant la réforme contre laquelle la gauche a été vent debout pendant des mois se représentera-t-elle ? La sénatrice de Seine-Saint-Denis l’affirme : d’autres textes seront déposés en ce sens, à l’instar de la proposition de loi portée par les socialistes au Sénat lors de la mandature précédente. « Nos collègues députés décideront souverainement de savoir s’il faut ou pas la voter. Ce qui est certain, c’est que cette loi est un chiffon rouge pour des millions et des millions de Français et qu’elle doit au moins être suspendue, au mieux être abrogée », synthétise Patrick Kanner. Un tel texte, s’il était adopté au palais Bourbon, aurait de toute façon très peu de chances de passer l’étape du Sénat.

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. 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