MIPTV Exhibition in Cannes

Réforme de l’audiovisuel public : report de l’examen du texte à l’Assemblée, le calendrier parlementaire chargé invoqué

Alors que les députés devaient examiner la proposition de loi controversée prévoyant la fusion de l’audiovisuel public au 1er janvier 2026, le gouvernement a décidé de retirer son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée. Raison officielle ? Un calendrier parlementaire très fourni, entre l’examen du projet de loi agricole et celui sur la fin de vie. Une décision qui intervient cependant le jour même d’un vaste mouvement de grève à Radio France, et de la signature d’une tribune par plus d’un millier de salariés de Radio France, parmi lesquels Léa Salamé et Nagui.
Alexis Graillot

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Simple contretemps ou recul gouvernemental ? Si la première hypothèse semble la plus probable, rien n’est moins sûr après la décision de l’exécutif de reporter l’examen du projet de loi prévoyant la fusion de l’audiovisuel public en une entité unique, France Médias. Saluée par la droite, torpillée par la gauche, le texte fait néanmoins l’objet de toutes les critiques au sein même des différents médias publics, en atteste le large mouvement de grève démarré aujourd’hui par les salariés, qui craignent une réduction de moyens.

« On ne va uniformiser, ni les métiers, ni les activités », tentait de rassurer ce mercredi 22 mai au Sénat, la ministre de la culture, Rachida Dati. Du côté du sénateur centriste Laurent Lafon, qui a porté la proposition de loi au Sénat (qui ne prévoyait cependant pas la fusion), on « espère » apporter des réponses, face aux « inquiétudes légitimes » des salariés.

« Uniquement des raisons de calendrier parlementaire »

Alors que l’annonce du report intervient le jour même d’un vaste mouvement de grève lancé dans l’audiovisuel, à l’Assemblée comme au Sénat, on se défend de tout lien avec le contexte actuel : « Ce report tient uniquement à des raisons de calendrier parlementaire », souligne Laurent Lafon, pour qui au regard du « grand nombre d’amendements » sur le projet de loi agricole discuté à l’Assemblée nationale, le risque de report correspondait à quelque chose de « réel » et « d’attendu ».

Un même argumentaire déployé par Sylvain Maillard, chef de file des députés Renaissance, qui déclarait ce matin en séance : « Nous souhaitons tous terminer vendredi ce texte, pour nos agriculteurs, qui est attendu par toute la profession ».

« Pas de date » d’examen au Sénat

Cette annonce du report n’est néanmoins pas sans conséquence pour l’avenir du texte au Sénat, la fenêtre de tir la plus proche pour son examen à l’Assemblée, étant celle de la semaine du 24 juin, dédiée à l’examen des projets de loi de l’exécutif. Une telle date repousserait très probablement l’examen du texte à l’automne au Sénat. « Nous n’avons pas encore de date d’examen au Sénat », confirme pour sa part, Laurent Lafon, contacté par Public Sénat.

La proposition de loi telle qu’amendée par le gouvernement prévoit notamment la création d’une holding commune pour l’ensemble de l’audiovisuel public au 1er janvier 2025, avant une fusion, prévue quant à elle, un an plus tard. C’est d’ailleurs cette fusion qui cristallise les craintes des salariés. « Qu’il y ait des réactions sociales n’est pas surprenant. Il y a besoin d’un travail de fond sur la fusion, travail qui n’a pas eu lieu à l’Assemblée nationale », regrette Laurent Lafon, qui « espère qu’on apportera des réponses au Sénat ».

Pas sûr que cela rassure pour autant les salariés de Radio France et France Télévisions, qui ont prévu de reconduire le mouvement de grève pour ce vendredi. En attendant, les prochaines annonces du calendrier seront à scruter. Alors même que le texte aurait dû revenir sur la table du palais du Luxembourg ces prochaines semaines, le timing fixé par le gouvernement paraît assez utopique. « En l’état actuel du dossier, rien n’est prêt. Ça me paraît irréaliste. Il faut travailler sur des dates plus faisables, qui tiennent comptent du point du départ », soutenait Laurent Lafon, sur publicsenat.fr, le 13 mai dernier. « Que le gouvernement ait changé de position, on ne peut que s’en réjouir. On attendait cela depuis longtemps. Mais maintenant, il faut que le fasse de manière sérieuse ». Cela fait peu de doute qu’un report de l’examen du texte au Sénat à l’automne, pour la création d’une holding en janvier prochain, rendrait le calendrier encore plus irréaliste.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Réforme de l’audiovisuel public : report de l’examen du texte à l’Assemblée, le calendrier parlementaire chargé invoqué
3min

Parlementaire

Budget de la Sécu : le Sénat vote la « taxe lapin » pour faire payer les patients qui ne se présentent pas à un rendez-vous médical

Comme l’année dernière, le Sénat a adopté, contre l’avis du gouvernement un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale visant « à responsabiliser les patients qui n’honorent pas un rendez-vous » médical, la fameuse « taxe lapin ». Son principe est simple : si vous ne vous présentez pas au rendez-vous ou si vous annulez au dernier moment un rendez-vous, vous paierez une pénalité.

Le

ISSY-LES-MOULINEAUX: France 24, press conference
3min

Parlementaire

France Médias Monde : les sénateurs alertent sur la baisse des crédits dans un contexte de guerre informationnelle

Dans un communiqué, la commission des Affaires étrangères du Palais du Luxembourg déplore le « désarmement informationnel » engagé par le budget 2025 avec une réduction de 10 millions d’euros à l’audiovisuel extérieur. En conséquence, les élus ont voté un amendement de transfert de crédits de 5 millions d’euros de France Télévisions à France Médias Monde (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya).

Le

Réforme de l’audiovisuel public : report de l’examen du texte à l’Assemblée, le calendrier parlementaire chargé invoqué
7min

Parlementaire

Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

Le

La sélection de la rédaction

Réforme de l’audiovisuel public : report de l’examen du texte à l’Assemblée, le calendrier parlementaire chargé invoqué
4min

Politique

Fusion, redevance : la ministre de la Culture à l’écoute des propositions sénatoriales sur l’audiovisuel public

Pour sa première audition devant le Sénat, la nouvelle ministre de la Culture, Rima Abdul Malak n’a pas échappé aux questions portant sur l’avenir de l’audiovisuel public. Au moment où une grève perturbe les ondes, la ministre n’a pas fermé la porte à une fusion de Radio France et de France Télévisions, l'une des propositions d’un rapport du Sénat.

Le

Réforme de l’audiovisuel public : report de l’examen du texte à l’Assemblée, le calendrier parlementaire chargé invoqué
4min

Culture

Fusion de l’audiovisuel public : « On ne va uniformiser, ni les métiers, ni les activités », répond Rachida Dati

À la veille d’une grève à Radio France et France Télévisions, la ministre de la Culture a été interpellée au Sénat sur la réforme de l’audiovisuel par la socialiste Sylvie Robert. La sénatrice l’a accusé de « passer en force ». Rachida Dati a rétorqué que le secteur était « très dispersé » face à des groupes privés « qui s’organisent ».

Le

Fusion de l’audiovisuel public : « Le gouvernement a repris exactement ce que l’on défendait », salue le rapporteur LR au Sénat
8min

Culture

Fusion de l’audiovisuel public : « Le gouvernement a repris exactement ce que l’on défendait », salue le rapporteur LR au Sénat

Le ministère de la Culture est sorti du flou et préconise désormais de fusionner les sociétés de l’audiovisuel public en une entité unique, France Médias. Les sénateurs de la majorité sénatoriale approuvent cette idée portée depuis plusieurs années dans leur maison, mais le président centriste de la commission de la culture se dit inquiet sur le calendrier proposé. La socialiste Sylvie Robert dénonce l’absence d’étude d’impact.

Le