Trouver une voie de passage entre la protection des dauphins et la reprise de la pêche dans le golfe de Gascogne. Voilà à quoi se sont attelés les trois rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat qui ont rendu leur rapport sur les conséquences de la suspension de la pêche un mois par an dans cette zone. Une interdiction définie dans l’espace et dans le temps, demandée par plusieurs organisations non gouvernementales comme Sea Shepherd ou France Nature Environnement et mise en œuvre depuis 2024. « Cette interdiction relève de l’Europe et a été confirmée par le Conseil d’Etat » au moins jusqu’en 2026, rappelle Dominique Estrosi-Sassone, présidente de la commission des Affaires économiques.
La mesure est justifiée par la hausse de captures accidentelles de dauphins dans la zone. L’observatoire des mammifères et oiseaux marins Pelagis, composé de scientifiques, estime qu’en moyenne sur les hivers 2017-2023, 6100 dauphins ont été capturés accidentellement. Un chiffre supérieur à ce qu’autorise le droit pour protéger les dauphins puisqu’il s’établit à 4927 captures soit 1 % de la population estimée de dauphins dans l’Atlantique Nord-Est. Lors de la fermeture de la pêche à l’hiver 2024, les scientifiques n’ont recensé que 1450 captures accidentelles.
Si les sénateurs ne remettent pas en cause cette interdiction qui sera à nouveau en vigueur à l’hiver 2026, Dominique Estrosi-Sassone note que « le lien de confiance a été rompu entre la filière pêche qui n’a pas compris la mesure de fermeture brutale et les chiffres qui ne sont pas toujours les mêmes si on se place du côté des scientifiques, des ONG ou des pêcheurs ».
« Trous dans la raquette »
L’un des trois rapporteurs de la mission d’information, Yves Bleunven, sénateur centriste du Morbihan, estime aussi que la colère de la filière s’explique par un manque de préparation de l’arrêt temporaire de la pêche : « On ne décide pas du jour au lendemain d’arrêter une activité professionnelle. L’étude d’impact n’a pas été faite, c’est pour ça qu’il y a plein de trous dans la raquette avec pleins d’acteurs de l’écosystème qui n’ont pas été pris en considération. »
Ainsi, le rapport préconise avant tout de rétablir un dialogue entre les acteurs car « les gens ne se parlent plus », déplore Yves Bleunven. Les sénateurs demandent notamment la nomination d’un médiateur par la ministre chargée de la pêche « avant la fin de l’automne 2025 ». Une étape essentielle en vue de rétablir « un lien de confiance » nécessaire pour préparer la réouverture de la pêche en 2027.
Préserver l’aide de 20 millions d’euros de la Commission européenne en 2026
Les sénateurs insistent aussi sur les conséquences économiques de ces fermetures. La filière pêche a perdu 30 millions d’euros rien qu’avec l’arrêt de son activité à l’hiver 2024. Ce coût concerne tous les métiers des pêcheurs à la réparation navale en passant par le transport frigorifique des produits. Pour pallier ces pertes, la Commission européenne a distribué une aide de 20 millions d’euros pour le secteur de la pêche, soit 80-85 % du chiffre d’affaires. Un niveau d’aide que les rapporteurs demandent à la Commission de maintenir en 2026. Ils réclament, en plus, une meilleure prise en compte des autres métiers de la filière pour leur garantir par exemple le chômage partiel.
Mais pour éviter de faire face à une nouvelle fermeture de la pêche à l’hiver 2027, le rapport recommande à la filière de poursuivre les efforts déjà engagés comme multiplier les « pingers » sur les coques des bateaux. Ces dispositifs émettent des sons pour éloigner les dauphins qui s’approchent trop près des navires. Les sénateurs demandent aussi une augmentation du nombre de caméras à bord « non pas pour fliquer, mais pour réussir à apporter la preuve puisque dans ce débat personne ne peut apporter de manière très nette des chiffres », ajoute le rapporteur Yves Bleunven. Pour améliorer ces données, les sénateurs demandent à améliorer la qualité et la transparence des données issues du Réseau national échouages lui-même coordonné par le Pelagis. Ils enjoignent également à renforcer les labels existants pour valoriser « les pratiques d’atténuation des captures de la part des pêcheurs ». « Après ces trois ans de fermeture d’un mois », Yves Bleunven espère que 2026 sera le dernier hiver d’arrêt de la pêche dans le golfe de Gascogne et qu’une solution de « cohabitation des intérêts professionnels et de préservation de la ressource » sera trouvée.