Prix de l’électricité : le Sénat adopte une aide ciblée sur les ménages les plus modestes

Après avoir supprimé le bouclier électricité généralisé, le Sénat a adopté lors de l’examen des crédits « Ecologie », le principe d’une aide ciblée, un chèque énergie qui touchera les 60% des ménages les plus modestes et dont le montant sera modulé en fonction des revenus
Tâm Tran Huy

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Après avoir supprimé en première partie le bouclier électricité pour les particuliers, le Sénat a voté aujourd’hui une aide ciblée pour les 60% (18 millions) de ménages les plus modestes. Economie réalisée par rapport au projet du gouvernement : 500 millions d’euros et un dispositif qui ne touchera que les 6 premiers déciles (revenus jusqu’à 2275€/mois selon les données de l’INSEE).

Le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement a été indispensable aux ménages ces deux derniers hivers pour éviter que leur facture d’électricité s’envole. Mais il coûte cher, très cher à l’Etat (un coût évalué entre 31 à 34 milliards d’euros en 2023). Depuis plusieurs mois déjà, Bruno Le Maire prépare les esprits à une sortie progressive du bouclier. Le projet de loi de finances 2024 prévoit toutefois de le reconduire avec un coût total estimé à 10 milliards d’euros pour l’année prochaine. Beaucoup trop cher et mal ciblé estime le Sénat.

Un bouclier tarifaire supprimé le 27 novembre

Le bouclier tarifaire sur l’électricité a permis de bloquer la hausse des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVe) à 4% en 2022 et à 15% à partir de février 2023. Pour cela, le gouvernement a notamment minoré la taxe qu’il perçoit sur l’électricité, l’accise sur l’électricité à 0,5 €/MWh pour les professionnels et 1 €/MWh pour les particuliers (au lieu de 22, 50 à 32 €/MWh). Le 27 novembre dernier, lors de l’examen de la première partie du Budget 2024,  le Sénat a supprimé ce dispositif, le jugeant trop coûteux, trop large et mal ciblé. Le Conseil d’analyse économique avait d’ailleurs pointé du doigt le bouclier tarifaire qui a bénéficié davantage aux ménages les plus aisés, plus consommateurs d’électricité. Un argument repris par la commission des finances qui rappelle qu’« en moyenne, les 10% de ménages les plus aisés consomment 60% d’électricité de plus que les 10% les plus modestes (INSEE) ».

Un nouveau bouclier tarifaire du gouvernement pour un coût de 2,4 milliards d’euros

La perte de recettes correspondant au bouclier électricité est évaluée au total à 10 milliards d’euros mais ne s’élève qu’à 4,6 milliards d’euros si on s’en tient au périmètre des particuliers. Selon la commission, les TRVe devraient augmenter seulement de 2% l’an prochain et c’est pourquoi le gouvernement a choisi d’augmenter sa taxe : la semaine dernière, il a ainsi présenté une nouvelle version de son bouclier tarifaire avec une accise sur l’électricité relevée à 16€/MWh. Une mesure qui représente, si on s’en tient au périmètre des particuliers, seulement 2,4 milliards d’euros de recettes en moins. Une économie de 1,8 milliards d’euros par rapport au dispositif initial, et qui selon la rapporteure spéciale Christine Lavarde a pour objectif d’arriver à une hausse des tarifs TTC de l’électricité de 10% en février 2024 (par rapport à août 2023). Un scénario démenti par Agnès Pannier Runacher qui argue, elle, que la hausse de février n’était pas encore connue, et dépend des marchés internationaux (le nouveau tarif sera acté au mois de janvier 2024 par la Commission de régulation de l’énergie avant une entrée en vigueur au mois de février). La ministre dément aussi tout projet d’augmenter le tarif de l’électricité à 10% en février, expliquant au contraire vouloir contenir cette hausse à moins de 10%.

Ce n’est pas l’ampleur du bouclier mais son principe même qui est contesté par la commission des finances. Christine Lavarde fustige ainsi une mesure « génératrice d’effets d’aubaines massifs, en flagrante contradiction avec les promesses de sortie du quoi qu’il en coûte », un dispositif qui favorise aussi les ménages les plus aisés et plus consommateurs d’électricité. En retirant le bouclier électricité, la commission des finances prévoit, elle, un TRVe TTC qui atteindrait 228 €/MWh au mois de février prochain, ce qui représente un surcoût évalué par les sénateurs à 50€/an pour une personne seule habitant dans un 35 m2 et jusqu’à 120 €/an pour une famille de 5 personnes habitant 120 m2. « C’est une hausse de 15% » s’exclame le gouvernement, « vous matraquez ! » attaque Agnès Pannier Runacher. « Vous vous êtes félicités de supprimer le bouclier énergie mais si on y met fin de suite, c’est 20% pour tous » ajoute le sénateur communiste Fabien Gay. Qui dit mieux ?

Un chèque énergie ciblé proposé par le Sénat

Cet après-midi, la commission a donc rendu une partie de ce qu’elle avait pris la semaine dernière, en adoptant un dispositif d’aide plus ciblée. Une « mesure de responsabilité et d’équité », argumente ce matin Christine Lavarde en ouverture de la discussion générale. Dans un document communiqué aux journalistes vendredi 8 décembre, la commission détaille sa mesure : elle propose un chèque énergie qui serait au moins équivalent à la mesure fiscale du gouvernement sur les 6 premiers déciles et qui serait bien supérieur pour les ménages les plus modestes (800 millions d’euros prévus dans la mesure sénatoriale au lieu de 350 millions consacrés aux deux premiers déciles de revenus pour le gouvernement). Coût du dispositif adopté par le Sénat : 1,9 milliard d’euros pour 2024. Face à cette nouvelle dépense, Agnès Pannier-Runacher fustige un « amendement qui aggrave le déficit public ». La commission fait les yeux ronds et réplique qu’il permet au contraire d’économiser 500 millions d’euros (car couplé à la suppression du bouclier tarifaire). Bataille de chiffres… Le socialiste Franck Montaugé qualifie le « débat de très technique ».

« Vous arrosez le sable chaud : ça ne fait même pas de vapeur, ça fait que dalle ! »

C’est finalement au rapporteur général du Budget, le sénateur LR Jean-François Husson que revient le mot de la fin. Dans une longue tirade qui vise à expliquer le chèque énergie-électricité du Sénat pour les nuls, le voilà qui résume. « On vous propose de corriger un tarif aveugle, non ciblé. Vous arrosez le sable chaud : ça ne fait même pas de vapeur, ça fait que dalle. Parce que le dernier décile consomme 60% de plus que le premier. Nous disons qu’il faut cibler, avec un soutien plus important pour les plus modestes (…) Et ceux qui vivent avec plus de confort et de moyens financiers, on pense qu’ils peuvent faire un arbitrage sur leur consommation d’électricité. C’est le courage d’agir ! » finit-il dans une envolée. On croirait entendre un sénateur de gauche. Il n’a pas pour autant remporté le suffrage des communistes : Fabien Gay préfère, lui, « un grand service public de l’énergie » à cette « solution pas pérenne » proposée par le Sénat. Mais les écologistes, que l’on a peu entendus sur cet amendement, ont voté avec la majorité sénatoriale.

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. 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Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. 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