Paris: Illustrations Assemblee nationale

Présidence, bureau, commissions : comment fonctionne la répartition des postes-clés à l’Assemblée nationale ?

Président de l’hémicycle, vice-présidents, questeurs, secrétaires, présidents de commission : les députés vont se répartir les postes à responsabilité de l’institution à partir de jeudi. Une étape lourde d’enjeux pour les différents groupes, alors que la notion de groupes majoritaires et de groupes minoritaires est mise à rude épreuve.
Guillaume Jacquot

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À défaut d’une nouvelle équipe gouvernementale, on connaîtra au moins, en fin de semaine, l’ensemble des noms des personnes qui vont régir la vie de l’Assemblée nationale pour les douze prochains mois. Il s’agit de postes clés pour le fonctionnement de cette institution, qui se retrouve au centre du jeu politique après le second tour des législatives du 7 juillet.

Alors qu’aucune majorité nette ne s’est dégagée des urnes, la question de la désignation de ces fonctions à responsabilité au sein du palais Bourbon se pose avec une acuité particulière. La première bataille se jouera jeudi après-midi, avec l’élection du ou de la président(e) de l’Assemblée nationale. Poste très convoité, le quatrième personnage de l’État dispose d’un éventail de pouvoirs, comme la désignation d’une des trois personnes renouvelées tous les trois ans au Conseil constitutionnel, ou encore la possibilité d’apprécier la recevabilité d’un amendement.

Présidence de l’Assemblée nationale : un suspense sur trois tours

La course au Perchoir revêt surtout dans cette législature une importance symbolique. Pour le bloc de gauche comme pour le bloc central, les deux ensembles les mieux placés numériquement, une victoire démontrerait la capacité de l’un ou de l’autre à rassembler le plus de voix dans l’hémicycle, de quoi appuyer sérieusement une légitimité pour assurer la formation d’un gouvernement. Les tractations vont d’ailleurs bon train dans chaque famille en vue de faire émerger une candidature commune, pour maximiser les chances de victoire. Le député (LIOT) Charles de Courson, veut de son côté, bousculer les clivages.

Le mode de scrutin favorise également l’émergence de stratégies. Particularité de cette élection à bulletins secrets, elle peut nécessiter jusqu’à trois tours. Et compte tenu de la configuration de l’Assemblée nationale, il est quasiment acquis qu’il en faudra autant. Pour l’emporter au premier ou au second, il faut réunir la majorité absolue des suffrages (la moitié des voix plus une). Au troisième, la majorité relative suffit : le vainqueur est alors celui qui recueille le plus de voix. Les candidats peuvent se maintenir ou ses désister à n’importe quel tour. Le comportement des candidats des groupes de taille plus modeste, comme la Droite républicaine (LR canal historique) est donc déterminant. En cas d’égalité, le plus âgé remporte le scrutin.

Bataille en vue dans la composition du Bureau de l’Assemblée nationale

En parallèle de l’élection à la présidence se tient une autre échéance. Les groupes ont jusqu’à jeudi 18 heures pour faire connaître la liste de leurs membres et mentionner sur leur déclaration politique, s’ils le souhaitent, leur appartenance ou non dans l’opposition. La composition est publiée vendredi au Journal officiel, elle a son importance pour la suite.

Car c’est le même jour que s’organise la répartition des postes du Bureau, la plus haute autorité collégiale de l’Assemblée nationale. Et ce, pour une durée d’un an. Centrale dans le quotidien de l’institution, c’est elle qui intervient en cas de sanction par exemple. Le Bureau se compose du président, de six vice-présidents, qui l’assistent pour superviser une séance ou le représenter, de trois questeurs (ils gèrent notamment les questions financières et l’intendance) ainsi que de 12 secrétaires, qui complètent ce collège du Bureau et qui constatent les votes dans l’hémicycle.

Comme le précise l’article 10 du Règlement de l’Assemblée nationale, « l’élection des vice‑présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s’efforçant de reproduire au sein du Bureau la configuration politique de l’Assemblée et de respecter la parité entre les femmes et les hommes ». Il existe un système de points, pour faciliter une répartition équitable. Chaque poste a une valeur : 4 points pour la fonction de président, 2 points pour celle de vice‑président, 2,5 points pour celle de questeur, 1 point pour celle de secrétaire, soit un total de 35,5 points pour l’ensemble du Bureau. Cet ensemble est alors réparti « entre les groupes à la représentation proportionnelle sur la base de leurs effectifs respectifs ». À noter qu’un poste de questeur doit toujours revenir à un groupe s’étant déclaré dans l’opposition.

Généralement, la répartition des postes fait l’objet d’un accord entre les différents groupes. Le règlement précise que cette « répartition s’effectue par choix prioritaire en fonction des effectifs respectifs des groupes et, en cas d’égalité de ces effectifs, par voie de tirage au sort ». En cas d’échec par cette méthode, la répartition des postes du Bureau se fait par scrutin plurinominal majoritaire. Avec le même système que pour la présidence, deux tours où la majorité absolue est requise pour l’élection, et un troisième où la majorité relative suffit.

L’Assemblée nationale prend probablement le chemin de cette seconde option. Les députés Renaissance ont l’intention de ne soutenir ni la France insoumise, ni le Rassemblement national dans ce processus. Quant au Nouveau Front populaire, ses composantes ont appelé à maintenir un cordon sanitaire pour contrecarrer le parti de Marine Le Pen. Cet après-midi, les quatre groupes de la coalition de gauche ont adressé une lettre aux trois groupes du camp présidentiel (Renaissance, MoDem, Horizons) et à la Droite républicaine, afin « d’aborder ensemble les enjeux de la mise en place de ce barrage républicain ».

Si un groupe s’estimait mal servi, il serait difficile d’entamer un recours, pour protester contre le non-respect du règlement. « Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la désignation du président de l’Assemblée nationale, ce qui vaut pour les autres membres du Bureau et les présidents et bureaux des commissions », nous explique Jean-Pierre Camby, professeur associé à l’université de Versailles Saint Quentin, et ancien administrateur à l’Assemblée nationale. Une exclusion des postes clés aurait à coup sûr des conséquences politiques. « Tout cela est fait pour déterminer un consensus, un mode de vivre ensemble. Si l’éclatement persiste, c’est un mauvais signal pour le fonctionnement à venir de l’Assemblée nationale. On part de mauvaises bases s’il y a un désaccord de fond sur la répartition des postes », considère Jean-Pierre Camby.

Le bras de fer se poursuit le jour suivant sur la présidence des différentes commissions

Les tractations en cours intègrent également les présidences des 7 commissions permanentes (culture et éducation, affaires économiques, affaires sociales, défense, développement durable et aménagement du territoire, finances, lois). Au préalable, les groupes auront réparti leurs forces dans chaque commission. La composition de ces dernières reflétera les équilibres de l’hémicycle. La désignation des bureaux de chaque commission se fait par scrutin au niveau de chaque commission, là aussi sur trois tours.

Dans une configuration d’hémicycle marqué par la tripartition, des surprises ne sont pas à exclure. Rappelons par exemple qu’après les législatives de 1986, les seules organisées à la proportionnelle sous la Ve République, on ne comptait pas exclusivement des présidences issues de la majorité de droite ou du centre, c’est-à-dire RPR ou UDF. Le socialiste Roland Dumas avait réussi à se faire élire à la tête de la présidence des affaires étrangères, grâce aux voix du Front national, qui ont fait barrage au centriste Bernard Stasi.

Comme pour l’un des trois sièges de la questure, la présidence de la très demandée commission des finances revient aussi à un député inscrit dans un groupe inscrit dans l’opposition. Le règlement de l’Assemblée nationale ne dit pas s’il doit s’agir du groupe le plus important numériquement dans cette catégorie. En 2022, le débat s’était déjà posé, pour savoir de qui de la France insoumise ou du Rassemblement national devait hériter du poste, auquel la loi organique confère d’importants pouvoirs de contrôle. C’est finalement l’insoumis Éric Coquerel qui avait été élu, la majorité présidentielle n’avait pas pris part au vote. « Classiquement, la majorité s’abstient. Il serait curieux que la majorité désigne « son » opposition », rappelle le constitutionnaliste Jean-Pierre Camby.

Mais dans le paysage actuel, où le gouvernement est démissionnaire, difficile de cerner avec exactitude ces notions de groupe majoritaire et de groupe d’opposition.

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