Paris: Designation Bureau Assemblee Nationale

Postes-clés à l’Assemblée : le RN, bredouille, dénonce un « déni de démocratie »

Malgré 126 députés au Palais Bourbon, aucun poste clé du Bureau de l’Assemblée nationale n’a été attribué au RN. Le parti à la flamme dénonce des « magouilles » des macronistes et de la Droite républicaine et du Nouveau Front Populaire, taxés d’avoir prolongé le barrage républicain jusque dans les travées de la Chambre basse. La stratégie du RN, notamment sur les vice-présidences, fait débat.
Jonathan Dupriez

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Pas un poste, le Rassemblement National n’aura rien. A l’issue des votes pour la répartition des 22 fonctions clés du Bureau de l’Assemblée nationale samedi, le parti de Jordan Bardella est sorti bredouille de l’élection de la plus haute instance exécutive du Palais Bourbon.

Le RN, qui totalise 126 députés, est pourtant le premier groupe politique représenté à l’Assemblée nationale. Selon le règlement intérieur de l’Assemblée, le Bureau doit « s’efforcer de reproduire la configuration politique » de l’hémicycle. En l’occurrence, le RN prétendait à deux vice-présidences sur 6, deux postes de secrétaires et un poste de questeur. En 1986, le Front national de Jean-Marie Le Pen avait obtenu deux secrétaires au bureau de l’Assemblée, alors qu’ils ne comptaient que 35 députés élus.

 

« Nos deux vice-présidents n’avaient pas fait honte à la fonction »

 

Le RN tablait d’autant plus sur ces postes que le parti à la flamme avait bénéficié, lors des précédentes législatives de 2022, de deux postes de vice-présidents pour Hélène Laporte, députée du Lot-et-Garonne et le député du Nord, Sébastien Chenu. « Bien sûr que ça déçoit, on avait deux vice-présidents en 2022 et ils n’avaient pas fait honte à la fonction »,  se désole Joshua Hochart, sénateur RN du Nord.

 

Une stratégie risquée

 

Pourtant, concernant les postes de vice-présidences, le RN a appliqué une stratégie risquée. En voulant faire œuvre de « transparence », le Rassemblement national avait acté que ses députés voteraient non seulement pour ses candidats, mais aussi pour des candidats issus de rangs adverses au premier tour du scrutin dans l’optique d’assurer disaient-ils, une « juste représentation » des partis au Perchoir. Cette stratégie a notamment permis de faire élire les deux vice-présidentes LFI de l’Assemblée, Clémence Guetté et Nadège Abomangoli. Or, les autres formations politiques, à commencer par le NFP, ne lui ont pas rendu la pareille. « C’est encore une fois un coup tactique de l’extrême droite, mais nous ne lui renverront pas l’ascenseur » avait balayé l’écologiste Benjamin Lucas auprès de nos confrères de LCP.

 

Le RN défend sa « cohérence » face au « choix du chaos »

 

Certains observateurs soupçonnaient le RN d’avoir voulu laisser ces postes stratégiques à LFI pour « bordéliser » l’Assemblée nationale, voire se victimiser en s’excluant des instances. Certains parlementaires, comme le député du groupe Droite républicaine, Ian Boucard, ont même accusé le RN d’avoir « fait le choix du chaos. » Dans les colonnes du Parisien hier, Marine Le Pen a répondu aux critiques. « Non, il n’y a aucune stratégie de notre part. Pour ceux qui connaissent le fonctionnement de l’Assemblée, il y a des principes. Et le principe du principe, c’est qu’on l’applique aussi à ses adversaires » dit-elle. Pour Marine Le Pen, il s’agit simplement de « cohérence. » « Et puisque nous sommes cohérents, nous avons voté pour deux vice-présidents RN, un vice-président LR, deux vice-présidents LFI, car ils y avaient droit. » « On n’a pas voulu appliquer aux autres, la même malhonnêteté qu’ils nous ont appliquée », cingle de son côté, Christopher Szczurek, sénateur RN du Pas-de-Calais et proche de Marine Le Pen.

 

« Le système s’est une nouvelle fois ligué contre nous »

 

Dépourvu d’un poste de vice-président, le RN n’a pas non plus réussi à trouver des alliés pour obtenir d’autres postes qu’il convoitait. A la faveur des jeux politiques entre partis « républicains », le NFP s’est imposé comme la force politique majoritaire du Bureau de l’Assemblée nationale, avec 12 représentants issus de ses rangs sur les 22 à postes à pourvoir, questeurs et autres secrétaires notamment. « Magnifique victoire du Nouveau Front Populaire » s’est exclamée sur X (anciennement Twitter), Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI au Palais Bourbon. « Avec 12 voix sur 22 au bureau de l’Assemblée nous sommes majoritaires et l’extrême droite n’aura aucune place, ni légitimité dans la représentation de notre institution. »

Le sénateur du Nord Joshua Hochart voit en cette répartition une sorte de remake du front républicain ayant barré la route au RN lors du second tour des législatives : « Le système, et ses alliances contre nature,  s’est une nouvelle fois ligué contre nous, le barrage se poursuit à l’Assemblée nationale », souffle le sénateur.

Si la désignation du bureau, fruit de combinaisons politiques reste difficile à avaler au RN, le processus est parfaitement légal. Mais ici, c’est plutôt l’usage du Palais Bourbon qui semble avoir été mis à mal : « En 2022, la Macronie avait joué le jeu de l’institution pour faire respecter le pluralisme » reconnaît Christopher Sczurek. « Là, alors que tout le monde aurait pu s’entendre, ça n’a pas été le cas (…)  Ils vont très vite le regretter » assure-t-il.

« L’esprit de notre démocratie n’est pas respecté »

Aux dernières législatives, le RN et ses alliés ont rassemblé 11 millions d’électeurs, mais le parti à la flamme est désormais sans représentation au Bureau de l’Assemblée nationale. « Cette situation ne correspond pas à la tradition de l’Assemblée nationale », abonde Virginie Martin, politologue à la Kedge Business School. « La gauche s’en sort très bien, LR également, Ensemble pour la République se maintient, mais le RN est à zéro. Cela signifie qu’institutionnellement, l’esprit de notre démocratie n’est pas respecté, c’est un peu contraire à ses principes. »

Reste à voir comment le RN pourra être représenté dans la future instance dirigeante de l’Assemblée nationale, sans aucun représentant issu de ses rangs. Yaël Braun-Pivet, présidente macroniste réélue, a tenté de rassurer, assurant sur France 2, que la voix du parti d’extrême droite « serait entendue » au sein de l’institution, sans toutefois préciser comment. Dans la même interview, Yaël Braun-Pivet a également assuré qu’il n’était « pas normal » que le RN ait été écarté du Bureau, regrettant notamment que « les présidents de groupe, notamment ceux du Nouveau Front populaire, aient refusé un accord pour la répartition des postes. »

 

Une « victoire à retardement » ?

Dans cette situation, où le RN dénonce à l’unisson un « déni de démocratie », Christopher Szczurek préfère voir la frustration comme un carburant en vue de futures échéances électorales. « On ne va pas dire que ce qu’il s’est passé à l’Assemblée nationale n’est pas grave, mais la vraie élection se jouera en 2027. » Selon le sénateur du Pas-de-Calais, le RN, passé de 88 députés à 126 (143 avec les alliés LR- Eric Ciotti) à l’issue des législatives, a déjà fait un pas de géant dans sa conquête de l’Elysée. « C’est le principe de la victoire à retardement » croit savoir le sénateur.

Dans la même thématique

ISSY-LES-MOULINEAUX: France 24, press conference
3min

Parlementaire

France Médias Monde : les sénateurs alertent sur la baisse des crédits dans un contexte de guerre informationnelle

Dans un communiqué, la commission des Affaires étrangères du Palais du Luxembourg déplore le « désarmement informationnel » engagé par le budget 2025 avec une réduction de 10 millions d’euros à l’audiovisuel extérieur. En conséquence, les élus ont voté un amendement de transfert de crédits de 5 millions d’euros de France Télévisions à France Médias Monde (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya).

Le

Postes-clés à l’Assemblée : le RN, bredouille, dénonce un « déni de démocratie »
7min

Parlementaire

Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

Le