Patrimoine : « On demande aux propriétaires des choses aberrantes, de changer des fenêtres qui datent du XVIIIe siècle pour mettre du triple vitrage », dénonce Stéphane Bern

Auditionné par la mission d’information du Sénat sur les architectes des bâtiments de France (ABF), l’animateur télé et radio a défendu le rôle « primordial » des ABF « dans la protection et la préservation du patrimoine ». Stéphane Bern les voit comme les véritables « gardiens » du patrimoine.
François Vignal

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C’est un peu le « Monsieur patrimoine », que les sénateurs ont entendu, mardi 28 mai. Dans le cadre de la mission d’information sur le périmètre d’intervention et les compétences des architectes des bâtiments de France (ABF), présidée par la sénatrice PS de la Drôme, Marie-Pierre Monier, et dont le rapporteur est le sénateur (groupe Les Indépendants) de l’Aisne, Pierre-Jean Verzelen, le célèbre animateur télé et radio a été entendu. Pour défendre le patrimoine, évidemment.

Celui qui est maintenant, depuis mars dernier, conseiller municipal du village de Thiron-Gardais, dans l’Eure-et-Loir, où il possède depuis 2013 l’ancien collège royal et militaire, restauré et transformé en musée, salue le travail des architectes des bâtiments de France. « Le rôle des ABF est primordial dans la protection et la préservation du patrimoine français dans sa diversité. Ce sont, au fond, les gardiens du respect des caractéristiques patrimoniales propres à chaque territoire. Et en ce sens, leur avis conforme, et c’est vrai, parfois contraignant, est indispensable », estime l’animateur, à qui Emmanuel Macron avait confié une mission sur le patrimoine.

« Manque de moyens humains »

« L’ABF est aussi un référent dont l’expertise est précieuse pour les collectivités, qui souhaitent travailler un périmètre de protection, comme un site patrimonial remarquable », relève Stéphane Bern. Il souligne que les relations entre les élus locaux et les architectes des bâtiments de France n’ont pas toujours été des plus simples. « Autrefois, les maires craignaient beaucoup les ABF. C’est pour ça qu’on a voulu leur couper la tête, en tout cas leur rogner les griffes. Les maires disaient « moi je suis pour que vous créiez une véranda immonde, mais l’architecte des bâtiments de France ne veut pas ». Cela servait de paravent, en quelque sorte, ça permettait au maire de ne pas être en première ligne. Aujourd’hui, s’il accepte une chose immonde dans un périmètre protégé, il enlaidit son village, c’est vrai, il gagne une voix. Et s’il refuse, il perd une voix mais il protège son village », explique Stéphane Bern, qui regrette que « maintenant, tout soit laissé à la discrétion du maire ».

Il souligne au passage qu’au sein des Udap (unité départementale de l’architecture et du patrimoine), structure où travaillent les ABF, « il y a un manque de moyens humains, dans certains départements. En raison d’un manque d’effectif ou d’un nombre trop important de dossiers à traiter, le délai de réponse des Udap peut durer plusieurs mois », « ça peut bloquer même le démarrage de certains chantiers », alerte-t-il. C’est pourquoi « il faut renforcer les équipes des unités départementales des Udap », soutient Stéphane Bern.

« Grand n’importe quoi »

La sénatrice (apparentée LR) du Haut-Rhin, Sabine Drexler, a également interrogé l’animateur sur « le patrimoine non protégé, qui fait les frais du DPE (diagnostic de performance énergétique), qu’on estime non adapté au bâti patrimonial, avec des préoccupations sur l’isolation énergétique, notamment l’application de panneau de polystyrène sur des pans de bois ou même des maisons de pierre ». Il s’agit « des secteurs où les architectes des bâtiments de France n’interviennent pas et où tout est possible », précise la sénatrice de la commission de la culture.

Visiblement sensible à la question, Stéphane Bern se fait volontiers le « porte-voix » des premiers concernés. « Les propriétaires privés se sentent démunis. On leur demande des choses aberrantes, de changer les volets, de changer les fenêtres qui datent du XVIIIe siècle, les huisseries qui ont été protégées à grands frais et maintenant, on leur demande de les transformer pour mettre du triple vitrage. C’est du grand n’importe quoi. Au nom de cette loi, on applique les normes européennes de façon drastique, sans aucune préoccupation de l’habitat régional. Car on ne défend pas une ferme comtoise comme une longère percheronne ou une maison basque. Il y a là vraiment une inquiétude qui naît de la part des propriétaires privés », alerte l’animateur de télévision. Stéphane Bern précise que les Drac (direction régionale des affaires culturelles) lui ont souligné que des « dérogations » étaient cependant possibles. Il n’en a pas moins interrogé la ministre de la Culture, Rachida Dati, la semaine dernière. On ne connaît pas encore sa réponse.

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. 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Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. 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