Pierre-Alain Roiron

Paroles de nouveaux sénateurs : « L’Etat ne fait pas assez pour les collectivités locales », déplore Pierre-Alain Roiron

Elu pour la première fois sénateur en septembre dernier, Pierre-Alain Roiron représente l’Indre-et-Loire au Palais du Luxembourg. Elu local depuis plusieurs années, il raconte à Public Sénat le début de son mandat au Sénat, les événements qui l’ont marqué et les sujets qu’il souhaite porter. Découvrez le premier portrait de notre série d’été sur les nouveaux sénateurs.
Mathilde Nutarelli

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Quel est votre parcours avant d’arriver au Sénat ?

Je suis tourangeau d’origine. J’ai une maîtrise de droit public de l’université de Tours et j’ai travaillé comme chargé de mission au ministère des Finances à partir de 2002. Dans ce cadre, j’ai notamment été attaché parlementaire de Christian Pierret, lorsqu’il était secrétaire d’Etat à l’Industrie [Christian Pierret a été secrétaire d’Etat à l’Industrie de juin 1997 à février 2002 dans le gouvernement Jospin, avant de devenir ministre délégué à l’Industrie, aux PME, au Commerce, à l’Artisanat et à la Consommation jusqu’en mai 2002, NDLR].

J’ai été élu sénateur à 55 ans. Avant cela, j’ai été maire de la commune de Langeais à partir de 2008, réélu à deux reprises. Je suis aussi conseiller régional depuis 2010. On dit souvent qu’au Sénat, les élus sont aussi élus localement, c’est mon cas. J’ai eu d’autres mandats locaux : j’ai été président d’intercommunalité, vice-président des pompiers d’Indre-et-Loire chargé des finances, premier vice-président de l’Association des maires d’Indre-et-Loire et membre du bureau de l’Association des maires de France, vice-président à l’éducation. Beaucoup de mandats locaux, trois fois à la mairie.

Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter aux élections sénatoriales ?

L’expérience que j’ai eue par des mandats locaux, m’a fait voir que l’Etat ne fait pas assez pour les collectivités locales. La verticalité est trop importante, on les responsabilise sans donner les moyens aux élus locaux. Je pense qu’il faut faire bouger les lignes. Les questions sociales, environnementales, internationales, m’intéressent profondément, mais les collectivités locales et les financements qui leur sont alloués ne sont pas assez importants. Je voulais comprendre pourquoi on ne donne pas les moyens nécessaires et durables dans le temps pour faire de la décentralisation. Cela semble incompréhensible, parce que souvent, les collectivités sont bien gérées. C’est une des raisons qui m’a poussé à être candidat aux élections sénatoriales et pas aux élections législatives. Je voulais me mettre au service des municipalités et des citoyens, pouvoir mieux porter les positions des collectivités territoriales au sein du Sénat et être en capacité, avec les collègues maires, de leur expliquer comment ça se passe.

Avez-vous le sentiment d’avoir pu faire tout cela depuis votre élection en septembre 2023 ?

En un an, j’ai rencontré toutes les intercommunalités, j’ai rencontré plus d’une centaine de maires sur les 270 du département. Je vais tenir Conseil des territoires pour pouvoir les aider dans les propositions de loi que je pouvais porter, et leur expliquer comment la question du statut de l’élu, des secrétaires de mairie, par exemple, étaient traités au Sénat.

Comment avez-vous vécu votre arrivée au Sénat ?

L’ambiance au sein du groupe socialiste est très sympathique. Dès le début, ils nous ont fait confiance. L’objectif du groupe a été qu’avant Noël, tout nouveau sénateur pose une question au gouvernement. J’en ai posé trois : une sur la situation des Ehpad, une sur le calcul du diagnostic de performance énergétique et une sur la réforme de la fonction publique voulue par Stanislas Guerini. Je siège par ailleurs à la commission des lois, qui était l’une de mes commissions de prédilection, avec la commission des finances.

Avec les sénateurs des autres groupes de la commission des lois c’est sympathique. Nous pouvons travailler en bonne entente, discuter entre nous, et écouter les avis des uns et des autres.

Quel texte retenez-vous de votre première année au Sénat ?

Le sujet qui m’a beaucoup étonné et tendu, c’est le vote de la loi immigration. Moi qui avais le sentiment que le Sénat était surtout une chambre chrétienne-démocrate, je me suis retrouvé face à des gens dont certains propos n’auraient pas été complètement reniés par Marine Le Pen ou Jordan Bardella. La preuve, le RN a voté le texte quand il est passé à l’Assemblée nationale. J’ai été très choqué. Les gens de droite expliquaient au Sénat que voter ce texte ralentirait le Rassemblement National, force est de constater après les législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet que ce n’est pas le cas.

Un autre texte m’a marqué, c’est celui sur l’écriture inclusive [En octobre 2023, le Sénat a adopté une proposition de loi issue des Républicains visant à restreindre l’utilisation de l’écriture inclusive, NDLR]. Je trouve qu’on a fait beaucoup de bazar sur ce sujet. Pour une personne de ma génération, le sujet de l’égalité femmes-hommes, cela ne fait plus débat.

La période politique actuelle est très incertaine et inédite, quelle analyse en faites-vous, en particulier du rôle du Parlement ?

La Vème est un régime très présidentiel qui va sûrement passer à un régime beaucoup plus parlementaire. A titre personnel, je suis pour. Je pense que le Parlement n’a pas assez de pouvoir dans notre pays. On le voit bien aujourd’hui. Il faut qu’on puisse avancer sur un certain nombre de choses, notamment la question du pouvoir d’achat, ou encore des retraites.

Sur quels sujets voulez-vous travailler à la rentrée ?

J’avais commencé à travailler sur le rapport Woerth [Éric Woerth, alors député Renaissance, a remis en mai 2024 un rapport sur la décentralisation sur demande d’Emmanuel Macron, NDLR]. Il y a un certain nombre d’aspects sur lesquels on pourrait donner des responsabilités aux collectivités locales, surtout dans le contexte politique que nous vivons, avec un pays moins jacobin, et des moyens pour les régions, les départements et le bloc communal. Par ailleurs, J’ai été chef de file à l’automne 2023 sur les crédits des collectivités locales dans le projet de loi de finances, je souhaite continuer à travailler sur cette question.

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

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