Fagnen

Paroles de nouveaux sénateurs :  « Le lieu dans lequel nous évoluons nous donne la mesure de la charge qui est la nôtre », reconnaît Sébastien Fagnen

Elu pour la première fois sénateur en septembre dernier, Sébastien Fagnen, socialiste, représente la Manche au Palais du Luxembourg. Maire et élu local expérimenté, il raconte à Public Sénat le début de son mandat au Sénat, les événements qui l’ont marqué et les sujets qu’il souhaite porter. Découvrez un entretien de notre série d’été sur les nouveaux sénateurs.
Mathilde Nutarelli

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Quel est votre parcours avant d’arriver au Sénat ?

J’étais maire délégué de Cherbourg-Octeville, commune nouvelle de la Manche. C’est un département qui a connu un fort développement des communes nouvelles dans les dernières années, de l’ordre de cinquante.

J’ai été vice-président en charge de l’urbanisme de la communauté d’agglomération du Cotentin, en charge du Schéma de cohérence territoriale. J’ai aussi été Premier vice-président de l’association des maires de la Manche.

Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter aux élections sénatoriales ?

Cela m’a permis de mesurer l’ampleur de la tâche des élus locaux. Après cette dizaine d’années d’engagement au sein des collectivités territoriales, s’est fait jour l’envie de poursuivre cet engagement d’une autre façon et de porter la voix de mes collègues. L’état d’esprit qui y règne est semblable à ce qu’on peut constater dans nos collectivités territoriales malgré les divergences, une volonté d’avancer et d’obtenir des mesures concrètes.

Comment s’est passée votre arrivée au Sénat ?

J’ai d’abord été impressionné par le Palais du Luxembourg en tant que tel, c’est un lieu magnifique et chargé d’histoire. Le lieu dans lequel nous évoluons nous donne la mesure de la charge qui est la nôtre. J’ai aussi été marqué par la bienveillance, au sein du groupe auquel j’appartiens, mais aussi de la part des sénateurs des autres groupes politiques. Il y a un respect qui me permet d’être particulièrement ancré.

Peu de temps après mon élection, nous avons été mis dans le grand bain législatif par la loi immigration. Il y a eu des moments de débats vifs, mais cela a toujours été respectueux sur tous les bancs, exceptés quelques saillies de la part de l’extrême-droite, mais on n’en attendait pas autre chose. J’ai trouvé un respect dans les débats qui est appréciable.

Quels sont les textes qui vous ont marqué pendant cette première année ?

Celui sur l’immigration a été un moment important. Il y avait deux visions de la société qui s’opposaient entre la majorité sénatoriale et les groupes de gauche. On mesurait toute la nécessité d’un débat démocratique sain et serein pour faire confronter les visions, une confrontation civilisée, qui puisse aboutir ensuite. Pas dans le sens que nous souhaitions, certes. Ce texte a été particulièrement important.

Ce qui m’a plus personnellement marqué, c’est le texte sur la sûreté nucléaire, avec la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), puisque dans la Manche, nous avons Flamanville et l’usine de traitement des déchets d’Orano-La Hague. Il était important pour moi de faire le lien entre le local et les débats du parlement. Il y a eu une grande frustration de voir que le débat a été un peu escamoté, car nous n’avons pas pu auditionner le ministre en commission et que le débat dans l’hémicycle s’est tenu en une seule soirée. On a senti une volonté inébranlable d’avancer sur cette fusion, malgré les éléments objectifs et tangibles que nous avons apportés en séance.

Sur quels autres sujets avez-vous travaillé depuis le mois de septembre ?

Je travaille sur les sujets d’aménagement du territoire. J’ai la chance de faire partie du groupe de suivi sur la mise en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN). Ce sont des dizaines d’heures d’audition, cela a été particulièrement riche et enrichissant d’entendre les différents acteurs du territoire nous faire part de leurs difficultés autour de la mise en place de cette mesure. J’ai souhaité faire le lien avec le département de la Manche, en organisant en avril quatre réunions avec 170 élus, pour faire remonter leurs préoccupations. J’en ai tiré une synthèse de plusieurs pages transmise aux collègues du groupe. Cela permet de maintenir le trait d’union entre les départements et le Sénat. Le groupe de travail permet d’avoir cette approche transpartisane, sur des visions différentes mais sur la volonté commune de s’accorder et de trouver des solutions.

Avez-vous trouvé un bon équilibre entre la présence au Sénat et en circonscription ?

L’équilibre se trouve sans trop de difficultés. Je suis au Sénat le mardi et mercredi, parfois le jeudi. Le reste du temps, je suis en circonscription, à la rencontre des élus locaux et des associations. J’ai aussi visité beaucoup d’entreprises pour avoir ce baromètre sur l’équilibre local.

La situation politique actuelle est inédite. Quel rôle voyez-vous pour le Parlement, et en particulier le Sénat, dans la période ?

Après les législatives, on sent une attente qui est parfois aussi forte que la colère que l’on pouvait ressentir pendant la campagne.

Pour la famille politique à laquelle j’appartiens, il faut avant toute chose ne pas décevoir les espoirs que les électeurs ont placé en nous, tout en prenant la pleine mesure de la nature de ce scrutin : la façon brutale dont il a été convoqué, mais aussi le second tour face à l’extrême-droite. Un front républicain a eu lieu, on peut s’en féliciter. On doit pouvoir tirer toutes les leçons de ce scrutin, être à la hauteur des attentes des électeurs et des électrices de gauche et du moment républicain qui nous a portés en tête des suffrages au second tour. Nous devrons certainement, plus encore pour les socialistes, resserrer les liens entre le Sénat et l’Assemblée nationale, puisqu’aujourd’hui, nous sommes 130 parlementaires socialistes. Il faudra faire en sorte que le bicamérisme trouve sa pleine et bonne mesure, si nous voulons pouvoir être utiles aux Français, avec des lois qui changent leur vie. Si l’on veut qu’elles soient adoptées, il faut trouver des solutions.

Sur quels sujets souhaitez-vous travailler à la rentrée ?

Au regard de ce que j’ai pu traiter, je souhaite poursuivre le travail lié aux questions du ZAN, et élargir ces questions à l’aménagement du territoire. Si nous pouvons tirer des leçons du scrutin du 7 juillet, c’est que des fractures existent et en particulier des fractures territoriales. Il faut une politique plus ambitieuse : la politique du guichet perd les habitants et désespère les élus.

De façon plus générale, je souhaite continuer à porter avec fermeté et détermination les valeurs républicaines. Je viens d’un département longtemps hermétique à la poussée de l’extrême-droite et qui aujourd’hui, comme tout l’ouest du pays, se voit confronté à cela, avec des actes concrets. Je pense par exemple à l’attaque récente de la mosquée de Cherbourg. Cela traduit un climat délétère et en tant que parlementaires, nous avons une responsabilité. La devise républicaine ne doit pas rester des lettres sur les frontons de nos mairies, mais des actions concrètes, le sentiment d’appartenir à la même communauté, la communauté nationale. Les services publics sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, quand vous n’avez plus rien et que vous avez le sentiment que vous ne posez pas compter sur l’Etat, c’est la colère qui monte. L’autorité de l’Etat passe aussi par des services publics de bonne qualité.

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