Reynaud

Paroles de nouveaux sénateurs : « J’ai le sentiment avec la dissolution et l’arrêt des travaux parlementaires d’avoir été coupé dans mon élan », affirme Hervé Reynaud

Elu pour la première fois sénateur en septembre dernier, Hervé Reynaud (LR) représente la Loire au Palais du Luxembourg. Elu local depuis plusieurs années, il raconte à Public Sénat le début de son mandat au Sénat, les événements qui l’ont marqué et les sujets qu’il souhaite porter. Découvrez cet entretien de notre série d’été sur les nouveaux sénateurs.
Rédaction Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Quel est votre parcours avant d’arriver au Sénat ?

Cadre de la fonction publique, j’ai été élu local pendant plusieurs années. Maire de Saint-Chamond pendant 10 ans, 2ème ville de la Loire, président de l’association des maires de la Loire, conseiller départemental, 1er vice-président du département chargé des finances, 1er vice-président de la métropole de Saint-Etienne puis président par intérim. Lors de mon élection en 2023, le non-cumul des mandats, m’empêche de garder mon mandat de maire de Saint-Chamond et la présidence par intérim de Saint-Étienne Métropole. Tous ces mandats locaux m’ont donné une bonne connaissance du territoire et des enjeux. C’est naturellement que l’envie de devenir sénateur s’est présentée avec l’objectif de faire le lien entre le local et le national et de faire entendre la voix des maires. Cela a été très spontané.

Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter aux élections sénatoriales ?

En tant qu’élu local j’ai vite compris que le mandat de parlementaire comme représentant des territoires était indispensable pour faire avancer les problématiques des élus locaux. On se heurte souvent aux limites de la décentralisation quand on est élu local et le Sénat est le relais qui permet de faire avancer les dossiers des élus locaux. De nombreuses communes en France ne vont pas bien, certaines communes rurales sont en grande difficulté financière. Il y a une grande inquiétude des maires pour maintenir les services publics et nous parlementaires nous devons les soutenir. La suppression progressive des marges de manœuvre fiscale, l’absence de revalorisation de la DGF (Dotation générale de financement) à la hauteur des besoins, freinent de plus en plus la capacité à répondre aux besoins de la population. Ces problématiques sont pour moi prioritaires, c’est pourquoi j’ai souhaité être membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Avez-vous le sentiment d’avoir pu faire tout cela depuis votre élection en septembre 2023 ?

J’ai le sentiment avec la dissolution et l’arrêt des travaux parlementaires d’avoir été coupé dans mon élan. Très impliqué dans le bilan de la missions décentralisation d’Eric Woerth, j’ai trouvé regrettable que tout s’arrête alors que des pistes intéressantes comme le fait de remettre un peu de cumul des mandats, de mettre en place une nouvelle étape de la décentralisation étaient discutés. J’ai envie de me remettre rapidement au travail. Le Sénat sera à coup sûr force de propositions.

Comment avez-vous vécu votre arrivée au Sénat ?

L’accueil a été très chaleureux tant du personnel que des collègues. Le Sénat est réputé pour cela et j’ai pu m’en rendre compte.  J’ai vu à quel point le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau et le président du Sénat Gérard Larcher sont attentifs au dialogue. Les premières semaines ont été très intenses très vite le Congrès à Versailles pour le vote visant à inscrire l’avortement dans la Constitution en mars 2024, puis la dissolution de l’Assemblée Nationale en juin dernier. C’est rare dans la vie d’un parlementaire de vivre des évènements aussi importants en si peu de temps !

Quel texte retenez-vous de votre première année au Sénat ?

Tout d’abord ce qui m’a beaucoup marqué est le ressenti sur le terrain et la colère sourde, la défiance vis-à-vis des politiques et la fragilité de notre démocratie. On voit que les Français ne supportent plus l’entre soit et la langue de bois, nous avons cette responsabilité là en tant que parlementaire, nous devons garder en tête l’intérêt général en permanence.

Le texte sur l’IVG, que j’ai soutenu, m’a beaucoup marqué car la Loire porte l’héritage de la droite progressiste de Simone Veil et avant de Gaulle et c’est aussi la terre de Lucien Neuwirth, père de la pilule.

Le texte sur l’immigration a aussi été marquant par l’intervention du Conseil constitutionnel qui a ainsi remis en cause le vote de deux tiers du Parlement.

La période politique actuelle est très incertaine et inédite, quelle analyse en faites-vous, en particulier du rôle du Parlement ?

Je continue de penser que la dissolution était une décision irresponsable qui continue de créer une fracture dans le pays. Notre société a besoin d’apaisement et d’efficacité et ce qu’il s’est passé et continue de se passer est tout le contraire. Il faut retrouver une unité et une clarté autour de propositions et les Républicains ont leur rôle à jouer. Tout est à reconstruire au sein du parti : changer son nom, la marque LR. Je suis contre toute coalition qui pourrait aller vers un pacte législatif ou autre. J’avoue être inquiet pour la démocratie représentative.

Sur quels sujets voulez-vous travailler à la rentrée ?

Je vais continuer à travailler sur les sujets sur lesquels j’étais déjà impliqué. Celui sur la simplification de la vie économique qui je l’espère reviendra dans l’hémicycle. Celui sur le statut de l’élu local dans le cadre du nouvel acte de décentralisation, la loi SRU également. Je souhaite aussi travailler sur la sécurité dans les transports.

Propos recueillis par Sandra Cerqueira

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

ISSY-LES-MOULINEAUX: France 24, press conference
3min

Parlementaire

France Médias Monde : les sénateurs alertent sur la baisse des crédits dans un contexte de guerre informationnelle

Dans un communiqué, la commission des Affaires étrangères du Palais du Luxembourg déplore le « désarmement informationnel » engagé par le budget 2025 avec une réduction de 10 millions d’euros à l’audiovisuel extérieur. En conséquence, les élus ont voté un amendement de transfert de crédits de 5 millions d’euros de France Télévisions à France Médias Monde (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya).

Le

Paroles de nouveaux sénateurs : « J’ai le sentiment avec la dissolution et l’arrêt des travaux parlementaires d’avoir été coupé dans mon élan », affirme Hervé Reynaud
7min

Parlementaire

Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

Le