Strasbourg : European Parliament session

Parole d’eurodéputée : « Quand on chante « ce n’est qu’un au revoir », lors du Brexit, c’était terrible », se souvient Fabienne Keller

[SERIE] Le Parlement européen raconté par ses eurodéputés. Pour mieux comprendre le travail à Bruxelles et Strasbourg, la parole à ceux qui font vivre l’institution : les eurodéputés. La macroniste Fabienne Keller souligne des « réussites magnifiques », comme « les décisions très rapides suite au confinement et à la crise covid ». L’eurodéputée Renaissance loue la « méthode qui consiste à bâtir des compromis, c’est d’une puissance… »
François Vignal

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Au fait, comment ça se passe le travail d’un parlementaire européen ? A l’occasion des élections européennes du 9 juin, publicsenat.fr donne la parole aux eurodéputés sortants. Plus qu’un bilan de la mandature qui s’achève, ils nous parlent de leurs victoires, leurs échecs ou regrets aussi, pour mieux comprendre le fonctionnement spécifique du Parlement européen. Après l’écologiste David Cormand, la parole aujourd’hui à Fabienne Keller, eurodéputée Renaissance, membre du groupe Renew.

« Quand on a eu Volodymyr Zelensky en live, c’était incroyable »

Fabienne Keller est une Européenne convaincue. Pas parce qu’elle est élue de Strasbourg, qui se partage le siège du Parlement européen avec Bruxelles. C’est surtout son ADN politique, à l’image des macronistes. Celle qui a été 14 ans sénatrice, UMP puis LR, avant de soutenir Emmanuel Macron, retient quelques moments importants, à ses yeux, de la mandature qui s’achève. « Une réussite magnifique, c’était les décisions très rapides suite au confinement et à la crise covid, pour l’achat de vaccins – un milliard de vaccins pour protéger les gens – et ensuite pour le plan de relance de 750 milliards d’euros. Un plan Marshall pour que l’Europe puisse très rapidement retrouver le chemin de l’emploi, cet argent qui a vite trouvé les entreprises françaises pour continuer leurs activités, alors que tout était gelé. C’est concret », se souvient Fabien Keller, qui ajoute aussi. « On a fait à nouveau des réunions exceptionnelles pour prendre des décisions très rapides lors de la guerre en Ukraine, pour un accueil des femmes et des enfants », se souvient encore l’eurodéputée.

Pour Fabienne Keller, le moment difficile de ces cinq dernières années reste sûrement le départ des Anglais. « Un souvenir très triste, c’est quand en janvier 2020, dans leur Parlement, on leur chante « ce n’est qu’un au revoir », le farewell, lors du Brexit. Nos collègues du Lib Dem, les libéraux démocrates anglais, se sont battus jusqu’au bout. Cela a été terrible. Un sentiment d’impuissance », se souvient l’eurodéputée Renaissance (voir ci-dessous). Mais à l’opposé, « il y a eu un contrepoint quand le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, nous a parlé et nous a expliqué combien son peuple aspirait à vouloir entrer dans l’Union européenne et combien nos valeurs restaient fortes. Quand on l’a eu en live, c’était incroyable. Donc les Britanniques nous ont quittés, mais d’autres aspirent à nous rejoindre ».

« C’est exactement comme dans une famille, où chacun se met d’accord »

Le travail parlementaire européen, où le compromis est indispensable, fait tout le sel de l’exercice, selon l’ancienne d’Agir, parti qui a fusionné avec LREM pour fonder Renaissance. « L’Europe, c’est extraordinaire, c’est une construction incroyable. Et cette méthode qui consiste à bâtir des compromis, c’est d’une puissance… Mais c’est sûr que ce n’est pas très clinquant car un bon compromis, ce n’est satisfaisant pour personne. Mais c’est l’Europe qui progresse, c’est exactement comme dans une famille, où chacun se met d’accord », s’enthousiasme Fabienne Keller.

Et au Parlement européen, « un compromis, ça se discute très longuement, en commission. Sur chaque texte, chaque groupe désigne un rapporteur pour son groupe. J’étais rapporteur en titre sur le texte sur les procédures d’asile. On a fait 32 réunions de 2 heures chacune ». La macroniste a notamment « beaucoup travaillé sur le Pacte asile et immigration, qu’on a réussi à faire voter, avec une majorité juste mais claire, pour qu’on ait enfin des règles européennes pour un meilleur contrôle de l’immigration irrégulière et aussi plus de solidarité dans la gestion des migrants. Et c’est un règlement, donc le même texte dans tous les Etats membres ».

« Trois ans et demi de travail » et « 30 déplacements » pour préparer le Pacte asile et immigration

Concrètement, pour Fabienne Keller, ce texte est le fruit de « trois ans et demi de travail, après la proposition de la Commission, avec 30 déplacements sur le terrain, à Lampedusa, aux Iles Canaries, à Chypre, les îles grecques, la Roumanie, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Pologne à la frontière biélorusse. Ainsi, on a une compréhension des préoccupations des autres collègues. Au final, le Pacte est voté très largement avec une majorité Renew, PPE, socialiste, donc centre gauche et centre droit, comme nous l’aimons au Parlement européen. Les socialistes français ne l’ont pas voté, contrairement aux autres du groupe social-démocrate. Pareil pour François-Xavier Bellamy, alors que les autres de son groupe PPE l’ont voté. Il y a de temps en temps une stratégie nationale qui se superpose… » regrette l’eurodéputée Renaissance.

Si elle salue « un immense pas en avant », sur ce « texte qui est un nouveau Dublin », elle aurait aimé avancer davantage sur certains points, comme « sur le sauvetage en mer. On a réussi à faire adopter une résolution avec une majorité, mais on aurait aimé aller plus loin ». Fabienne Keller cite également « l’accord avec le pays d’origine. On aurait pu avoir des accords plus complets. Et là, ce n’est pas du tout satisfaisant, car ça ne respecte pas les droits de l’homme sur les conditions d’accueil dans les pays où ils ne sont pas respectés ». Mais la députée européenne compte bien continuer à faire avancer ses dossiers. « Ce sera pour le prochain mandat » espère Fabienne Keller.

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