« Nos émissions sont une source d’inspiration quotidienne pour les manipulateurs de l’information », alerte la PDG de France Médias Monde
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Ce 6 juin, la PDG de France Médias Monde – entité qui regroupe la chaîne de télévision France 24 et les radios RFI et Monte Carlo Doualiya – était auditionnée au Sénat, dans le cadre de la commission d’enquête sur les ingérences étrangères. « Les manipulations d’information et les infox, c’est un déferlement, avec une sophistication croissante », a expliqué Marie-Christine Saragosse devant les sénateurs.
Des opérations de désinformation qui viennent « souvent de Russie »
En raison de leur popularité à l’échelle mondiale, les contenus des médias du groupe sont souvent repris par des entités étrangères, dans un objectif de désinformation. « Nos émissions sont une source d’inspiration quotidienne pour les manipulateurs de l’information, qui n’hésitent pas à prendre un extrait de journal de France 24 et à changer la voix du présentateur pour lui faire annoncer un prétendu attentat contre le président de la République, en cas de déplacement à Kiev », a-t-elle raconté.
Autre exemple de manipulation développée par la directrice devant les sénateurs, le cas d’une chronique radio reprenant « tous les codes de RFI », diffusée au mois de mars dernier, annonçant une épidémie de tuberculose en France déclenchée par l’accueil de soldats ukrainiens sur le territoire. « C’est tous les jours que cela se produit », déplore Marie-Christine Saragosse. Interrogée par le sénateur socialiste Rachid Temal – rapporteur de la commission d’enquête – sur la provenance de ces opérations de manipulation, la directrice a affirmé qu’elles venaient « souvent de Russie ».
France Médias Monde « en organisation de riposte » contre les cyberattaques
Pour contrecarrer ces manipulations, la directrice affirme que les médias du groupe se sont mis « en organisation de riposte », en développant des cellules de vérification de l’information et des émissions dédiées. Des moyens ont également été mis en place pour lutter contre les cyberattaques, dont France Médias Monde est très régulièrement la cible. Déjà auditionnée au Sénat en 2019, Marie-Christine Saragosse avait révélé que son groupe avait été la cible d’attaques « sans précédent, avec des pics montant à 400 000 tentatives d’intrusions par jour ». Deux autres attaques d’ampleur ont eu lieu en 2021.
Un service dédié tente de déjouer ces opérations, en lien avec les services français, il sera d’ailleurs renforcé à l’approche des Jeux olympiques, annonce la directrice : « Il ne nous a pas échappé qu’il pouvait y avoir un renforcement des tentatives. Nous avons créé un groupe dédié avec toutes les entreprises de l’audiovisuel public, avec même des locaux communs pour mutualiser nos forces en cas d’attaque ».
« Nous avons quelques amis, mais ils sont plus riches que nous »
La question des moyens mis à disposition de France Médias Monde a également été évoquée, dans un contexte de « concurrence exacerbée dans le paysage audiovisuel mondial », a souligné Marie-Christine Saragosse. « Nous avons quelques amis, mais ils sont plus riches que nous », a-t-elle ironisé. Les écarts de moyens sont effectivement colossaux. « La BBC World Service a un budget de 412 millions d’euros, la Deutsche Welle a un budget de 408 millions, les américains ont un budget de 820 millions », a énuméré la directrice, avant d’indiquer que le budget de France Médias Monde s’établissait à 275 millions d’euros.
Une question budgétaire centrale, alors que le gouvernement entame actuellement une réforme de l’audiovisuel public, visant à fusionner les différents groupes. Si la ministre de la Culture Rachida Dati défend qu’une telle fusion permettra de renforcer l’audiovisuel français face aux géants mondiaux, le projet suscite de nombreuses contestations en interne. Dans le projet de départ du gouvernement, France Médias Monde était concernée par cette fusion, mais en commission les députés ont voté un amendement pour exclure le groupe, avec l’assentiment de la majorité présidentielle. « Être compris du monde entier, c’est un métier et un savoir-faire particulier. Il nous semble important de le conserver et de le protéger, pour ne pas l’assujettir à des considérations purement nationales », a estimé Marie-Christine Saragosse, sans prendre véritablement position pour ou contre la réforme.
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