Illustration : Assemblee Nationale

Motion de censure, 49-3 : comment les députés peuvent-ils renverser le gouvernement ?

Sans majorité absolue à l’Assemblée nationale, la motion de censure retrouve toute sa force. Explications sur le fonctionnement de cet outil parlementaire qui permet aux députés de renverser le gouvernement.
Henri Clavier

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

 

« Le Gouvernement a voulu rénover le régime parlementaire », déclarait Michel Debré, premier locataire de Matignon et auteur de la Constitution de la Vème République, au moment de défendre son texte devant le conseil d’Etat en 1958. Fondement de la mécanique parlementaire, la motion de censure permet de renverser un gouvernement, et donc contraindre le Premier ministre à la démission. Face à l’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale, de nombreux parlementaires agitent la menace d’une motion de censure pour écarter leurs concurrents politiques de Matignon. « Si demain un gouvernement venait à être formé avec en son sein, ne serait-ce qu’un seul député ou même un seul secrétaire d’Etat de LFI, nous déposerions immédiatement une motion de censure », déclarait Aurore Bergé sur Franceinfo. Explications.

Une seule motion de censure adoptée depuis 1958

La motion de censure, prévue au deuxième alinéa de l’article 49 de la Constitution est l’un des moyens permettant d’engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale. Pour être recevable, une motion de censure doit être signée par un dixième des membres de l’Assemblée nationale soit 58 députés. Pour contraindre le gouvernement à la démission, la motion de censure doit être votée par une majorité des membres composant l’Assemblée nationale. Par ailleurs, les abstentions ne sont pas comptabilisées, ce qui établit un seuil à 289 votes (sur 577) en faveur de la motion pour faire tomber le gouvernement. La Constitution impose également un délai de 48 heures entre le dépôt de la motion de censure et sa mise aux voix.

Cette subtilité permet à des gouvernements minoritaires de se maintenir au pouvoir sans bénéficier du soutien de 289 députés ou plus. C’est notamment le cas du gouvernement d’Élisabeth Borne – qui s’appuyait sur 250 députés sur 577 – dont la responsabilité a été engagée 26 fois sans que celui-ci ne soit censuré. En d’autres termes, même si les oppositions sont majoritaires, le gouvernement peut se maintenir tant que certains groupes d’oppositions ne votent pas la censure. C’est le cas de LR, entre 2022 et 2024, qui n’a jamais appelé à voter une motion de censure contre les gouvernements Borne lui permettant notamment de sauver sa place pour 9 voix en 2023.

Malgré des centaines de motions de censure déposées depuis 1958, une seule a abouti, en 1962 contre Georges Pompidou. Bien qu’il s’agisse d’un mécanisme essentiel de la démocratie parlementaire, les députés ne peuvent signer que trois motions de censure par session ordinaire.

Le cas du 49-3

L’article 49 de la Constitution, à son troisième alinéa, prévoit une autre procédure pour engager la responsabilité du gouvernement. Le fameux 49-3 permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote, en contrepartie de quoi les députés peuvent faire chuter le gouvernement. Aucune motion de censure déposée après l’utilisation du 49-3 n’a jamais été adoptée sous la cinquième République. Les conditions d’adoption de la motion de censure ont permis aux gouvernements de Michel Rocard et d’Élisabeth Borne de gouverner en situation de majorité relative, non sans turbulences et grâce à la division des oppositions. Néanmoins, dans cette situation, le 49-3 n’a rien de la formule magique pour le gouvernement qui doit composer avec les groupes d’opposition ne votant pas la censure.

Ce fut notamment le cas de Michel Rocard, soutenu de fait par le PCF. « C’est la première fois au cours de cette législature que nous sommes confrontés à une volonté délibérée d’obstruction, stérile par essence, qui nous vient du Parti communiste Français » fustigeait Michel Rocard en 1990 après le dépôt d’une motion de censure, soutenue par le PCF, à laquelle il manqua 5 voix pour être adoptée.

Dans la même thématique

ISSY-LES-MOULINEAUX: France 24, press conference
3min

Parlementaire

France Médias Monde : les sénateurs alertent sur la baisse des crédits dans un contexte de guerre informationnelle

Dans un communiqué, la commission des Affaires étrangères du Palais du Luxembourg déplore le « désarmement informationnel » engagé par le budget 2025 avec une réduction de 10 millions d’euros à l’audiovisuel extérieur. En conséquence, les élus ont voté un amendement de transfert de crédits de 5 millions d’euros de France Télévisions à France Médias Monde (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya).

Le

Motion de censure, 49-3 : comment les députés peuvent-ils renverser le gouvernement ?
7min

Parlementaire

Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

Le