Le Sénat a officiellement adopté ce mardi soir, par un vote solennel, le projet de loi pour « la refondation de Mayotte ». Après le vote d’une loi d’urgence en décembre dernier, destinée à accélérer la reconstruction de l’île dévastée par le passage du cyclone Chido, ce second volet du paquet législatif consacré au 101e département de France est cette fois axé sur la relance économique de l’archipel. Sous la forme d’une loi de programmation, il prévoit de s’attaquer à toute une série de crises multifactorielles qui minent le développement de Mayotte, ce qui explique les très nombreuses thématiques balayées tout au long des 34 articles que compte le texte : pression migratoire, insécurité, éducation, difficulté d’accès à l’eau potable, etc.
4 milliards d’euros d’investissements d’ici 2031
Le premier article, sous la forme d’un rapport annexé au projet de loi, articule en détail les cinq priorités de l’Etat pour le développement de Mayotte sur les six prochaines années : la lutte contre l’immigration clandestine et l’habitat illégal ; la protection des Mahorais et l’accès aux ressources essentielles ; le développement des « leviers de prospérité » ; la mise en place de programmes d’investissements prioritaires fléchés vers les infrastructures et les politiques publiques essentielles ; et enfin, un renforcement des services de l’Etat sur place.
Au cours des débats, Manuel Valls, le ministre des Outre-mer, a fait savoir que l’engagement financier de l’Etat pour Mayotte se porterait à hauteur de 4 milliards d’euros d’ici 2031, contre les 3,2 milliards d’euros initialement annoncés. 400 millions d’euros seront notamment consacrés à la santé, avec l’agrandissement du centre hospitalier de Mamoudzou et la construction d’un deuxième hôpital à Combani. Le plan eau comptera pour 730 millions d’euros. 430 millions d’euros seront également investis dans le système judiciaire et carcéral.
Un tour de vis migratoire
Le titre II, l’un des principaux volets du projet de loi, objet d’une vive opposition de la part des groupes de gauche, concerne le durcissement des conditions d’accès au séjour des étrangers à Mayotte. Il impose la détention préalable d’un visa de long séjour pour l’obtention d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », délivrée au parent étranger d’un enfant français. En outre, le délai de résidence nécessaire à la carte de résident « parent d’enfant français », passe de trois à cinq ans.
Les élus ont également fait grimper le montant de l’amende encourue en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité ou de maternité, de 15 000 à 75 000 euros.
Le projet de loi institue, à partir de 2027, la création de locaux spécifiquement dédiés à la rétention des familles avec mineurs en attente d’expulsion, une mesure elle aussi très décriée et présentée comme une alternative à l’assignation à résidence.
Sur le plan sécuritaire, le texte renforce le contrôle des armes. L’article 8, qui a cristallisé de nombreux débats, prévoit le retrait des titres de séjour pour les parents de mineurs qui représenteraient un trouble à l’ordre public, s’il est démontré qu’ils ont failli à leurs obligations éducatives.
Alignement des minima sociaux
Le titre IV prévoit à l’horizon 2031 une « convergence sociale » entre l’Hexagone et Mayotte, c’est-à-dire l’alignement du montant des droits sociaux, aujourd’hui modulés en fonction des spécificités économiques locales. Actuellement le RSA est deux fois moins élevé à Mayotte et le smic mensuel fixé à 1 361,97 euros brut, contre 1 801,80 euros sur le continent. L’adoption d’un amendement porté par la commission des affaires sociales a permis à la droite sénatoriale d’exclure l’Aide médicale d’Etat (AME) du mécanisme de réalignement.
Le texte contient encore des dispositifs facilitant les expropriations « pour cause d’utilité publique ». L’objectif : accélérer à la fois sur la destruction des habitats insalubres et la construction de nouvelles infrastructures.
Enfin, le Sénat a revu les modalités de scrutin pour l’élection des 52 membres de l’assemblée de Mayotte, « afin de garantir une représentation plus équilibrée des différents territoires » que compte l’archipel. L’adoption en parallèle de ce projet de loi d’un texte organique accorde à Mayotte un statut de collectivité unique, celui de « département-région », sur le modèle de ce qui existe déjà pour la Guyane. Ce changement institutionnel doit permettre d’élargir les compétences des élus locaux quant à la gestion de certains investissements et leviers de développement.
Ce texte, pour lequel le gouvernement a adopté la procédure accélérée – c’est-à-dire une seule lecture dans chacune des deux chambres du Parlement – doit désormais être transmis à l’Assemblée nationale.