Lutte contre l’inflation : le Sénat adopte un projet de loi, avec plusieurs modifications
Malgré le scepticisme des sénateurs, la chambre haute a adopté, ce 26 octobre, le projet de loi portant des mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation, avec 209 voix pour et 35 voix contre. En réduisant la période de négociations commerciales, le gouvernement souhaite apporter une réponse à l’inflation et réduire les prix des produits de grande consommation.
« Il y a un doute sur l’ensemble des bancs de l’hémicycle. » Cette déclaration de la présidente de la commission des affaires économiques, Dominique Estrosi Sassone, résume bien la teneur des débats en séance. Le projet de loi défendu par la Ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, espère, en réduisant la période des négociations commerciales entre producteurs et distributeurs, « anticiper la baisse des prix » pour « que les Français bénéficient des baisses des matières premières » après une période de forte inflation. Dans sa mouture initiale, le projet de loi réduit la durée des négociations commerciales en fixant une date butoir au 15 janvier pour l’année 2024 (avec un début des négociations le 1er décembre).
Répercuter la baisse des matières premières sur les denrées alimentaires
Actuellement, les négociations commerciales entre les producteurs et les distributeurs se déroulent entre le 1er décembre et le 1er mars. Le raccourcissement des délais de négociation doit permettre, selon le gouvernement, de répercuter plus rapidement la baisse des matières premières et des coûts de production de l’industrie. « Les conditions de fabrication se sont améliorées, il y a donc une volonté d’améliorer les conditions de vente », explique Olivia Grégoire qui pointe une baisse de 35 % des coûts de la pâte à papier entre août 2022 et août 2023. Le prix des matières premières comme le blé, le tournesol, le maïs et le colza est également en baisse sur la dernière année. Néanmoins, le prix de plusieurs denrées comme le sucre et le cacao continue d’augmenter. La rapporteure, Anne-Catherine Loisier (Union centriste), rappelle également que « le prix du gaz a augmenté de 26 % après les événements du 7 octobre en Israël ».
« Soyons réalistes, ce texte est une grande communication, aucune garantie de son efficacité n’a été apportée »
De LR jusqu’au groupe communiste, les sénateurs ont fustigé un texte présentant peu de garanties d’atteindre les objectifs annoncés. « Tous les indicateurs permettent de douter de la capacité du projet du gouvernement à faire baisser les prix », considère Anne-Catherine Loisier. « Faire de la filière agroalimentaire, la variable d’ajustement de l’inflation, c’est faire peser un risque sur la viabilité de nos PME de l’alimentaire confrontées à une instabilité permanente du prix des denrées agricoles », poursuit la rapporteure. A gauche, la sénatrice communiste Marianne Margaté pointe « un phénomène de surinflation dû à la spéculation des grands groupes » et propose « d’indexer les salaires sur l’inflation et de bloquer les prix » des denrées alimentaires de première nécessité.
« Soyons réalistes, ce texte est une grande communication alors qu’aucune garantie de son efficacité n’a été apportée. Si l’impact était évalué, mon groupe aurait soutenu », affirme Henri Cabanel (RDSE) qui prévient que « malgré les négociations à venir, les prix pourraient encore augmenter compte tenu de l’instabilité des prix ». Un constat partagé par le groupe socialiste selon lequel le texte n’apporte aucune garantie d’efficacité. Christian Redon-Sarrazy craint que le texte représente « un risque réel pour le revenu des agriculteurs, avancer la date butoir menace de créer une pression sur les prix agricoles alors que les paysans sont confrontés à une hausse significative de la quasi-totalité de leurs charges ». Un projet de loi quasi unanimement considéré comme une mesure d’affichage, mais que la majorité sénatoriale a tout de même décidé de voter. « Tout cela aurait pu motiver un rejet de notre assemblée, mais un rejet reviendrait à donner carte blanche à l’Assemblée nationale », explique Anne-Catherine Loisier. Pour rappel, le gouvernement a engagé la procédure accélérée.
Les apports du Sénat
Les sénateurs sont revenus sur plusieurs modifications adoptées par l’Assemblée nationale le 8 octobre. Les députés ont introduit une différenciation entre les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 350 millions d’euros et celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à ce montant. Pour les premières, la date butoir était fixée au 15 janvier, tandis que pour les autres entreprises la date retenue était celle du 31 décembre. Face au « risque de goulot d’étranglement d’une date butoir au 31 décembre », rapporté par Anne-Catherine Loisier, un amendement adopté en commission fixe respectivement les dates de fin de négociations au 31 janvier et au 15 janvier. La rapporteure argumente en pointant le risque économique puisque le montant de l’amende pour non-respect des délais de négociations est actuellement d’un million d’euros pour les personnes morales.
La majorité présidentielle, représentée par le groupe RDPI au Sénat, a tenté, sans succès, de revenir sur le principe de différenciation en proposant une date unique de clôture des négociations commerciales au 15 janvier. Cependant, la chambre Haute a voté un amendement déposé par Stéphane Fouassin (RDPI) excluant les collectivités ultramarines du champ d’application du texte.
« Une mission gouvernementale et parlementaire pour réfléchir à la réforme globale des négociations commerciales »
Au cours des débats, Olivia Grégoire a voulu rappeler que le texte portait une mesure d’exception et qu’une « mission gouvernementale et parlementaire va être lancée dans les prochaines semaines pour réfléchir à la réforme globale des négociations commerciales ».
Un sujet sur lequel le groupe socialiste devrait avoir des propositions, après s’être abstenu et avoir retiré leurs amendements en séance. « Sur ce sujet il faut que nous puissions discuter au fond de l’ensemble des problèmes qui se posent sur la chaîne de valeur du producteur au consommateur », plaide Franck Montaugé (SOC). « Il faut une réouverture anticipée des négociations commerciales si l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou le DGCCRF constatent une déformation au sein d’une filière du partage de la valeur répercutée sur le consommateur », abonde Christian Redon-Sarrazy.
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