Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Loi sur les ingérences étrangères : députés et sénateurs s’accordent sur un texte commun
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Réunie ce 30 mai, la commission mixte paritaire chargée de trouver un accord autour de la proposition de loi sur les ingérences étrangères est très rapidement parvenue à un accord. Le texte, qui faisait largement consensus, avait été adopté sans grande difficulté le 27 mars à l’Assemblée nationale, puis le 23 mai au Sénat.
La loi entend d’abord mieux encadrer les représentants d’intérêts étrangers en France, en obligeant leur inscription dans un registre géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Pour permettre au Parlement d’en mesurer l’ampleur, le gouvernement devra également lui remettre un rapport sur « l’état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale ». En parallèle, le texte renforce aussi la surveillance des opérations d’ingérence en autorisant les services de renseignement à expérimenter la surveillance par algorithme des activités suspectes en ligne.
Les infractions commises pour le compte d’une puissance étrangère plus sévèrement punies
« C’est globalement l’écriture du Sénat qui a été reprise », précise la sénatrice Les Républicains Agnès Canayer, rapporteure du texte pour la chambre haute. Plusieurs amendements introduits par la commission des lois du Sénat ont ainsi été conservés, notamment un nouvel article qui prévoit l’aggravation des peines pour atteintes contre les biens ou les personnes, si ces infractions sont commises « dans le but de servir les intérêts d’une entité étrangère ». Pour les infractions habituellement punies de trois ans de prison, la peine passerait par exemple à six ans de prison. Les auteurs de crimes punis de trente ans de réclusion risqueront quant à eux la perpétuité.
Enfin, plusieurs amendements votés à l’occasion des débats en séance publique au Sénat ont aussi été conservés dans le texte final. La liste des cibles potentielles d’opérations d’influence, où figurent par exemple les membres et anciens membres du gouvernement pendant cinq ans, a ainsi été étendue sur proposition du sénateur socialiste Jérôme Durain aux candidats des élections européennes. L’obligation d’inscription dans un registre entrera en vigueur au plus tard en décembre 2025, la mesure ne concernera donc pas les candidats au scrutin actuel, alors que des perquisitions sont en cours au Parlement européen pour des soupçons d’ingérences russes.
Un débat annuel sur le contrôle des investissements étrangers inscrit dans la loi
Au cours des débats, le sénateur communiste Pascal Savoldelli a par ailleurs fait voter un amendement – conservé en CMP – obligeant le gouvernement à remettre son rapport sur l’état des menaces chaque année au Parlement, contre les deux ans initialement prévus.
Enfin, un amendement du sénateur Renaissance Jean-Baptiste Lemoyne, permettant l’organisation d’un débat annuel sur le contrôle des investissements étrangers en France, a également été conservé. Avant même la conclusion de la CMP, un premier débat a déjà eu lieu sur le sujet au Sénat ce 29 mai, « ce rendez-vous est désormais inscrit noir sur blanc dans la loi », se félicite Jean-Baptiste Lemoyne.
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