Ligue de football professionnel : l’ex candidat Cyril Linette dénonce un mode d’élection verrouillé 

La commission d’enquête du Sénat sur la financiarisation du football français auditionnait, ce 25 septembre, Cyril Linette, ex candidat à la présidence de la Ligue de football professionnel. Ce dernier est revenu sur la difficulté de concurrencer le candidat sortant, Vincent Labrune. Il a également commenté l’intervention de la ministre démissionnaire lui ayant permis de présenter sa candidature.
Henri Clavier

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« Je pensais que j’aurais eu quelques voix, j’étais déçu », confie Cyril Linette, candidat malheureux à la présidence de la Ligue de Football Professionnel (LFP) devant la commission d’enquête sénatoriale sur la financiarisation du football. Le 10 septembre, la LFP a renouvelé Vincent Labrune à sa tête, une élection à laquelle Cyril Linette, passé par Canal + et ancien directeur général du journal L’Equipe et de PMU, n’était pas sûr de participer. Alors même que le président sortant, Vincent Labrune était en pleine tourmente après une diminution historique du montant des droits de retransmission télévisuels du football professionnel français, son concurrent proposait une refonte globale du modèle économique de la LFP. 

Pour briguer la présidence, les candidats doivent d’abord obtenir des parrainages de la part de l’Union des acteurs du football (UAF) regroupant les représentants des associations de joueurs, entraîneurs et éducateurs, arbitres, médecins et administratifs et professions assimilées. Après intervention de la ministre démissionnaire des sports, Amélie Oudéa-Castéra, Cyril Linette a finalement obtenu les parrainages nécessaires, sous réserve de démissionner du Conseil d’administration s’il n’était pas élu président de la LFP. 

Cyril Linette ne sait pas encore s’il va démissionner de son poste au conseil d’administration 

« Lorsque j’ai annoncé ma candidature, Philippe Piat [président de l’UNFP] m’a annoncé qu’il ne pourrait pas donner plus de 3 parrainages. Lorsque j’ai compris que je ne serai pas candidat parce que je n’aurai pas le parrainage des familles, la ministre m’a appelé et j’ai beaucoup râlé », explique Cyril Linette. « La ministre a cherché une solution, une solution imparfaite », continue l’ancien directeur général de L’Équipe qui ajoute qu’il a néanmoins « accepté plutôt volontiers » cette solution, confiant dans les chances de son projet. Malgré la révision des parrainages de l’UAF en faveur de Cyril Linette, celui-ci devait démissionner s’il ne parvenait pas à se faire élire à la tête de la LFP. Encore indécis, l’ancien journaliste a précisé ses intentions devant les sénateurs : « J’ai une réunion avec le conseil d’administration la semaine prochaine. Je n’ai pas eu de pression particulière. Plusieurs présidents membres du CA m’ont demandé de rester. Il faut que je sois sûr de pouvoir servir à quelque chose. » 

« Je pense que quand on est président de la LFP on a la main sur plusieurs leviers économiques qui sont très utiles en période électorale » 

Les difficultés rencontrées par Monsieur Linette ont illustré un mode d’élection particulier rendant presque impossible pour un acteur extérieur de se présenter face au président sortant. « Je pense que quand on est président de la LFP on a la main sur plusieurs leviers économiques qui sont très utiles en période électorale », déplore Cyril Linette. Le rapporteur de la commission d’enquête sur la financiarisation du football, Michel Savin, a d’ailleurs interrogé le candidat sur la modification du mode d’élection du président de la LFP, et plus particulièrement sur la diminution du nombre d’administrateurs indépendants parmi lesquels le président est choisi. 

En 2022, la LFP a validé, avec l’aval du ministère des sports, une réforme faisant passer de cinq à trois le nombre d’administrateurs indépendants présents au Conseil d’administration. « Je pense que cette réforme a été présentée sous un angle de réduction du nombre d‘administrateurs pour une meilleure efficacité, c’est probablement ce point qui a convaincu les pouvoirs publics de valider cette proposition de changement de composition du board », avance le candidat pour expliquer l’aval de la ministre. Un argument qui permettait également d’écarter des concurrents potentiels. « La difficulté c’est qu’en passant à trois administrateurs indépendants au lieu de cinq de manière mécanique et assumée, on rendait impossible ou quasiment impossible l’émergence d’un concurrent », continue Cyril Linette. « Sur ces trois administrateurs indépendants, demeurait le président sortant, un représentant de la FFF qui n’a pas pour nature de candidater à la présidence, et un membre des familles du foot qui n’est pas non plus concurrent », poursuit Cyril Linette qui considère que la volonté de l’UAF d’être représentée au conseil d’administration l’empêchait de recevoir un parrainage de leur part. 

Un calendrier électoral contesté 

Par ailleurs, le président de la commission, Laurent Lafon, a interrogé l’ancien candidat sur la temporalité de l’élection et le faible temps de campagne, alors même que le dossier de la vente des droits TV avait été conclu très tardivement, au 31 juillet soit seulement quelques jours avant la reprise du championnat. « Je pense que c’est un choix qui a été fait sciemment de la part de la LFP. Compte tenu de l’été très agité qui s’est déroulé, il aurait été probablement de bonne politique d’avoir une élection en octobre ou en novembre. La ligue 2 s’est prononcée pour le report de l’élection, elle n’a pas été entendue », regrette Cyril Linette. Malgré ce délai réduit, et grâce à une importante tournée médiatique, l’ancien directeur général de L’Équipe est tout de même parvenu à dérouler son programme. Une vision particulièrement critique de la gestion opérée par Vincent Labrune depuis sa première élection en septembre 2020. Une critique qui concerne principalement la dégradation de la santé financière des clubs français, aujourd’hui dépendants du montant des droits TV et des transferts de joueurs. L’accord trouvé entre la LFP et DAZN et BeIn sports pour la diffusion de la Ligue 1 entérine une diminution de 124 millions du montant des droits TV (passant de 624 à 500 millions d’euros). 

« C’est catastrophique d’avoir cassé le lien avec Canal + » 

Une dépendance du football français à des recettes instables qui selon Cyril Linette fait craindre un déclassement du football français. « C’est catastrophique d’avoir cassé le lien avec Canal +, ça plaçait le football à un niveau différent », juge Cyril Linette en référence au froid entre la LFP et la chaîne cryptée depuis la précédente attribution des droits TV. Enfin, l’ancien journaliste a fait écho au contrôle effectué par Michel Savin dans les locaux de la LFP au cours duquel, le rapporteur avait fustigé le train de vie de la ligue. « Il faut diminuer le salaire du président de la LFP. Il peut très bien atteindre 600 000 euros à l’année, mais il faut qu’il y ait une plus large part variable et liée aux résultats », a affirmé Cyril Linette.

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

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