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Les Editeurs, Le Hibou… Ces « clubs » influents du Sénat (première partie)

[1/2] Ils portent le nom de brasseries huppées et n’ont aucune existence officielle. Le Sénat compte plusieurs clubs informels, qui sont autant de lieux d’influence et d’entraide, entre sénateurs, essentiellement LR. Leur influence est réelle. Plusieurs de ses membres occupent aujourd’hui les postes les plus importants de la Haute assemblée. Publicsenat.fr vous raconte les dessous des clubs et autres réseaux invisibles qui animent, en toile de fond, le Sénat.
François Vignal

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Le Sénat, ce repaire de clubbers. Derrière l’organisation très officielle des groupes politiques, certains membres de la Haute assemblée se retrouvent plus discrètement et officieusement. Des clubs qui se créent par affinité, par génération, qu’on trouve uniquement à droite et un peu au centre. Et leur influence est réelle.

  • Les Editeurs, le club dont les membres détiennent plusieurs postes clefs du Sénat

Sénatoriales de 2014. De nouveaux élus font leur entrée au Palais de Marie de Médicis. C’est là que se crée un groupe qui se nomme d’abord « génération 2014 ». « Puis c’est devenu Les Editeurs », raconte un des acteurs. Soit tout simplement le nom d’une célèbre brasserie d’Odéon, à deux pas du Sénat, où se réunissent ces happy few. « Le but, c’était de soutenir Gérard Larcher dans la réforme du Sénat, en 2014, qui aboutit en 2015 », se souvient ce sénateur. La réforme conduit notamment à des règles plus strictes pour lutter contre l’absentéisme de certains membres de la Haute assemblée.

Qui est membre de ce club ? Plusieurs figures du Sénat. Mathieu Darnaud, Cédric Perrin, Didier Mandelli, Philippe Mouiller, Dominique Estrosi Sassone, Jean-François Rapin, Agnès Canayer ou encore François Bonhomme et Cyril Pellevat. Ils étaient inconnus lors de leur élection, hormis localement. Aujourd’hui, « tout le monde occupe un poste à responsabilité », ou presque, constate l’un d’eux. Dans l’ordre, on retrouve le nouveau président du groupe LR, le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le premier vice-président du Sénat, le président de la commission des affaires sociales, la présidente de la commission des affaires économiques, le président de la commission des affaires européennes et la ministre déléguée démissionnaire chargée de la Famille et de la Petite enfance. Soit une bonne partie des postes qui comptent au Sénat.

Une photo, prise en mars 2015 sur le perron de la Cour d’honneur du Sénat, a immortalisé une partie de ce petit groupe soudé, qui a gravi les échelons (voir la photo, avec de gauche à droite, Mathieu Darnaud, Cédric Perrin, Philippe Mouiller, Didier Mandelli, François Bonhomme et Cyril Pellevat).

Dans cette Haute assemblée où l’une des règles implicites est la patience – il fallait attendre plusieurs années, pour ne pas dire plusieurs mandats, avant d’espérer occuper des postes à responsabilité – le club a pu jouer le rôle d’accélérateur, qui reste relatif cependant. « On a quasiment tous commencé à choper des postes lors du renouvellement de 2023 », lance l’un d’eux, soit quand même neuf ans après leurs élections.

Entre membres des Editeurs, on s’entraide. Un objectif assumé. « Bien sûr. On se voit souvent, on discute, on réfléchit à des stratégies, on fait de la politique », résume l’un des membres, qui glisse avoir « travaillé à la campagne de Mathieu Darnaud », pour prendre la succession de Bruno Retailleau à la tête du groupe LR, avec succès. Ce discret lobbying interne s’est fait au détriment du pourtant rodé Roger Karoutchi, que le ministre de l’Intérieur voulait placer à la tête du groupe, pour prendre l’intérim. Mais l’histoire s’est passée autrement…

  • Le Hibou, un club pour pousser des idées… et des personnes

Quasiment en face des Editeurs, se trouve une autre brasserie à la mode. Le Hibou. C’est aussi le nom d’un autre club de sénateurs. Celui-ci est transparisan, mais reste plutôt « au sein de la majorité sénatoriale », précise le sénateur (apparenté LR) du Cantal, Stéphane Sautarel, l’un de ses initiateurs, avec Bruno Belin, sénateur (rattaché LR) de la Vienne et le sénateur UDI des Vosges, Jean Hingray, membre du groupe Union centriste. Parmi la vingtaine de membres que compte Le Hibou, surtout des LR ou centristes, mais aussi des membres d’Horizons, le parti d’Edouard Philippe, qui siègent au groupe Les Indépendants. On y a même croisé un membre du RDPI, le groupe des sénateurs Renaissance, mais il n’y est plus.

« Ce n’est pas un club secret », cadre d’emblée Stéphane Sautarel. « Le but, c’est d’abord et avant tout un club d’amis avec une notion de convivialité, de partage. On se rassemble au moins une fois par mois, pour échanger, accueillir des invités, réfléchir et faire des propositions ou les tester », explique le sénateur du Cantal. Le groupe s’est constitué « autour de sénateurs élus plutôt en 2020, qui partagent des valeurs d’humanismes et plutôt ancrées dans les territoires, et plutôt élus au scrutin uninominal ». Soit les départements les moins peuplés, élisant un ou deux sénateurs, les départements ruraux. Le Hibou a aussi des invités. Le dernier était le Grand rabbin de France, Haïm Korsia. Sont venus aussi Gilles Kepel ou encore Jean Castex, depuis qu’il est à la tête de la RATP.

Le nom Le Hibou, c’était un hasard. « Au départ, on s’est retrouvé dans cette brasserie à proximité du Sénat, qui s’appelle Le Hibou. On n’est pas forcément liés à ce lieu mais on trouvait que le symbole de l’oiseau qui essaie de voir la nuit et essaie de deviner, ou de dresser une perspective, était sympa, donc on l’a gardé », raconte Stéphane Sautarel. Mais aujourd’hui, « on ne se retrouve plus au Hibou ». Ses membres se donnent maintenant rendez-vous au Petit Saint-Benoît, près du boulevard Saint-Germain, ou au discret Aux Perchés, quasiment en face du Sénat. « Le Hibou, Perchés… On file la métaphore. Mais on essaie de rester ancrés au terrain », sourit le sénateur du Cantal.

L’idée est aussi « de sortir un peu du cadre, si possible », en termes d’idées. Comme « une décentralisation plus aboutie, avec un Etat central s’occupant du régalien, et laissant la place aux territoires et élus locaux », avance Stéphane Sautarel. Soit une forme de libéralisme décentralisateur. L’an prochain, le Hibou planchera notamment sur « le rapport au travail ».

Là aussi, la motivation de bousculer un peu le Sénat, qui à l’image d’un grand navire ne change pas de direction aisément, a été moteur. « Il y avait des sénateurs installés, reconnus. Il y avait besoin de jouer collectif pour faire avancer nos idées, pour être écoutés et entendus », soutient le responsable du club.

Mais il ne s’agit pas uniquement de pousser des idées. Des hommes aussi. « Un certain nombre de nos membres occupent des postes de présidents de commissions ou de délégations. On est à la fois patients et plein d’envies », lance Stéphane Sautarel. Cédric Perrin, encore lui, est « un de nos membres », glisse l’Auvergnat. Pas Mathieu Darnaud. Mais Stéphane Sautarel ne s’en cache pas : « On soutenait sa candidature à la présidence du groupe LR dans un objectif de renouvellement, un objectif d’image du Sénat. Et un objectif de reconnaissance de nos territoires. Il est de longue date engagé sur les sujets territoriaux. Et il incarne bien ce qu’on essaie de porter ».

Demain, suite et fin de notre enquête, avec « Les balcons du Sénat », club né sous le covid, qui rassemble des jeunes LR qui s’entraident pour « progresser », « Les Sages du Palais », le club des « sénateurs expérimentés » qui refusent le « jeunisme agressif », mais aussi l’Amicale gaulliste, le réseau informel des ruraux et même la franc-maçonnerie…

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