Le Sénat

Législatives : ces textes de loi en suspens depuis le 9 juin

Les législatives ont stoppé l’avancement de plusieurs projets ou propositions de loi dans les deux assemblées. Tour d’horizon d’une sélection de textes que le prochain gouvernement pourra, s’il le souhaite, remettre dans le circuit de la navette parlementaire.
Guillaume Jacquot

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Voilà plus de cinq semaines que le travail législatif des assemblées a été stoppé net par la dissolution. Celle-ci a eu pour effet d’entraîner l’interruption de tous les textes en cours d’examen. Les textes non adoptés par l’Assemblée nationale deviennent caducs, c’est la conséquence de la fin de la 16e législature. Public Sénat récapitule les principaux sujets en suspens, alors que l’Assemblée nationale s’apprête à reprendre son activité, pour une session de droit, de deux semaines.

Le gouvernement, officiellement démissionnaire depuis que le décret a été publié ce mercredi au Journal officiel, expédie désormais les affaires courantes. À part des cas d’extrême urgence, rendus impératifs par une crise, l’exécutif ne devrait pas déposer de nouveaux textes. Il appartient au futur gouvernement de redéposer les textes sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Le projet de loi sur la fin de vie a été la première victime collatérale des législatives anticipées. Retour, donc, à la case départ pour ce qui devait être la grande réforme de société du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, laquelle avait fait l’objet d’une convention citoyenne. Avant le couperet de la dissolution, les députés avaient examiné 6 des 21 articles que comptait le texte, y compris l’article 5, celui qui instaure et définit l’aide à mourir. Si ce texte revient à l’ordre du jour dans les prochaines semaines ou les prochains mois, l’Assemblée nationale devra repartir de zéro.

Dans les autres dossiers maintes fois reportés, le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole, qui inclut une partie des réponses à la crise de la profession exprimée en début d’année, est un peu différent. Il avait été adopté par les députés le 28 mai, quelques jours avant la dissolution et figure donc sur le bureau du Sénat. Les sénateurs avaient entamé l’examen en commission, en auditionnant le ministre Marc Fesneau, et en déposant plus de 600 amendements sur un projet contenant pour l’essentiel des mesures de simplification ou liées au renouvellement des générations. L’examen aurait dû commencer à partir du 24 juin. Là aussi, ce travail s’est arrêté du jour au lendemain, et il reviendra au futur gouvernement de décider de le réinscrire ou non à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Adopté avec seulement 272 voix à l’Assemblée nationale (232 voix contre, 65 abstentions), la réforme avait peiné à susciter l’enthousiasme au palais Bourbon : les groupes de gauche et le Rassemblement national s’étaient opposés, une partie de la droite s’était abstenue.

À noter que la dissolution a également interrompu le projet d’une quatrième loi Egalim, pour améliorer le revenu des agriculteurs. Une mission parlementaire s’était penchée sur le cadre des négociations commerciales et devait rendre ses conclusions à la mi-juin. Emportés par la dissolution, Anne-Laure Babault (Modem, Charente-Maritime) et d’Alexis Izard (Renaissance, Essonne) n’ont pas pu donner de suite législative à leur rapport.

Le projet de loi sur le logement abordable, porté par Guillaume Kasbarian, fait aussi partie des dossiers sur la bande d’arrêt d’urgence législative. Le texte englobant des mesures de simplification et des dispositions relatives au logements sociaux a débuté son parcours au Sénat. Dépeint comme insuffisant, le texte a fait l’objet de retouches en commission des affaires économiques du Sénat le 5 juin. Largement critiqué par la gauche, un tel texte s’il était remis sur les rails au Sénat, devrait ensuite se frotter à une Assemblée nationale plus hostile. Dans une période où les taux d’intérêt se maintiennent à un niveau élevé, la crise de la demande, comme de l’offre, se poursuit. « Le logement neuf est en train de couler », a déclaré ce mercredi le président de la Fédération du Bâtiment sur BFM Business.

Dans la même thématique, il faut aussi citer la proposition de loi transpartisane sur les meublés touristiques, dont le but est d’apporter une réponse aux déséquilibres survenus sur le marché locatif. Adoptée à une large majorité par les députés en début d’année, puis à la quasi-unanimité au Sénat en mai, le texte est encore loin de l’adoption définitive. Une nouvelle lecture ou une commission mixte paritaire est nécessaire en l’état, les deux assemblées ayant adopté des versions différentes.

Au purgatoire législatif, le projet de loi de simplification n’est pas au même stade d’avancement. Le texte, cher à Bruno Le Maire, n’est pas allé au bout officiellement de son parcours au Sénat. Et pour cause, le scrutin solennel sur l’ensemble du texte, après une petite semaine d’examen en hémicycle, devait avoir lieu le 11 juin, soit deux jours après la dissolution. Texte technique, il est attendu dans plusieurs secteurs de l’économie.

La dissolution a aussi percuté le projet de loi constitutionnelle visant à dégeler le corps électoral en Nouvelle-Calédonie. La réforme, qui a mis le feu aux poudres sur l’archipel, notamment au mois de mai, est de facto interrompue. Une réunion du Congrès sur ce dossier sensible, dans le contexte politique actuel, est peu probable.

Il fait aussi partie des textes remis dans un tiroir pour le moment : le projet de loi constitutionnelle sur la suppression du droit du sol à Mayotte. Dévoilé aux parlementaires de l’île le 17 mai, le texte était censé être présenté en Conseil des ministres en juillet.

Si le gouvernement a renoncé à un débat au Parlement sur les grandes orientations énergétiques de la France, le sujet reste néanmoins sur la table. Au Sénat, le groupe LR a déposé une proposition de loi pour fixer une programmation pluriannuelle, comme le prévoit la loi énergie-climat de 2019. Adopté en commission, le texte doit encore revenir en séance, avant d’être transmis à l’Assemblée nationale.

Flottement également sur la proposition de loi de la majorité sénatoriale sur l’audiovisuel public, qui devait être débattue à l’Assemblée nationale après deux textes imposants dans l’ordre du jour, le projet de loi agricole et le projet de loi fin de vie. Les sénateurs en étaient restés à la création d’une holding chapeautant toutes les sociétés de l’audiovisuel public, le gouvernement espérait aboutir à une fusion des entreprises au cours de l’examen à l’Assemblée nationale. Les sénateurs ont également déposé une proposition de loi organique, pour doter l’audiovisuel public d’un financement pérenne. Les députés Quentin Bataillon (Renaissance) et Jean-Jacques Gaultier (LR) avaient rédigé une proposition en mai. Le texte de ces deux parlementaires battus aux législatives est caduc désormais.

Notons enfin le retour de deux projets de loi, présentés en Conseil des ministres ce mardi, le dernier de l’équipe démissionnaire : le projet de loi d’approbation des comptes de l’Etat 2023 et le projet de loi d’approbation des comptes de la Sécurité sociale 2023. Elles arrêtent le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État et le résultat financier qui en découle. Pour rappel, un projet de loi de finances ne peut être mis en discussion avant le vote d’un projet de loi de règlement. Les deux projets de loi ont été rejetés en commission, quelques jours avant la dissolution.

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. 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