FRA : Assemblee Nationale : Quatre Colonnes

Le député Quentin Bataillon dans TPMP : quelles obligations pour les membres d’une commission d’enquête ?

Le député Renaissance est sous le feu des critiques pour avoir raillé Yann Barthès dans l’émission de Cyril Hanouna, alors qu’il préside une commission d’enquête parlementaire sur l’attribution des fréquences de la TNT, commission qui a auditionné les deux animateurs durant ses travaux. Plusieurs responsables politiques réclament désormais la démission de l’élu.
Romain David

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Le député Renaissance Quentin Bataillon assume sa participation à l’émission « Touche pas à mon poste » (TPMP) sur C8. Le président de la commission d’enquête parlementaire sur l’attribution des fréquences de la TNT est au cœur d’une vive controverse depuis qu’il s’est rendu, mardi 2 avril, sur le plateau de Cyril Hanouna, qu’il avait auditionné le 14 mars. Un passage télévisé au cours duquel il s’est livré à plusieurs critiques sur un autre animateur, Yann Barthès, le présentateur de « Quotidien » sur TMC, également auditionné par la même commission à l’Assemblée nationale.

« C’était compliqué de le faire là-bas, parce qu’on voit bien qu’il y a un conflit très fort entre les deux émissions. Ce n’était pas mon rôle de le faire là-bas, c’était une maladresse et je le regrette », a reconnu le député au micro de franceinfo ce jeudi. Avant d’ajouter : « La présence sur le plateau, je l’assume ». Devant Cyril Hanouna et son équipe de chroniqueurs, Quentin Bataillon avait épinglé « l’attitude assez arrogante » de Yann Barthès durant son audition, lui reprochant notamment de ne pas avoir répondu aux questions qui lui étaient posées.

« Impartialité, équilibre et collégialité »

La séquence a déclenché une tempête de réactions politiques. Le rapporteur LFI Aurélien Saintoul lui a adressé un courrier pour réclamer son remplacement à la tête de la commission, dont les auditions se sont arrêtées fin mars mais qui doit encore produire un rapport d’enquête.

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a rappelé dans un communiqué, sans nommer Quentin Bataillon, que les présidents de commission devaient exercer leurs fonctions de façon « impartiale, équilibrée et collégiale ». Les membres d’une commission d’enquête « doivent faire preuve de réserve, et de discernement dans leurs prises de position et leurs expressions publiques, afin de garantir la sérénité des travaux et la crédibilité des investigations », écrit-elle. De son côté, la députée Génération. s Sophie Taillé-Polian a annoncé avoir saisi le déontologue de l’Assemblée nationale.

Le pouvoir de contrôle du Parlement

Le cadre de fonctionnement d’une enquête parlementaire est déterminé par les règlements respectifs de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui transposent les dispositions prévues à l’article 6 de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958, « relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ». Ils fixent les modalités de mise en œuvre des commissions, dont la raison d’être découle de la mission de contrôle exercée par le Parlement sur le gouvernement et les politiques publiques.

Chaque groupe politique a la possibilité, une fois par an, de demander la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet de son choix. Ce dernier, toutefois, ne doit pas faire l’objet de poursuites judiciaires afin de respecter le principe de séparation des pouvoirs. La demande de création d’une commission d’enquête est ensuite soumise au vote des parlementaires, sous la forme d’une proposition de résolution.

Président et rapporteur

Une commission d’enquête parlementaire est composée d’un maximum de 31 membres (23 au Sénat), sélectionnés à la proportionnelle des groupes politiques qui composent l’hémicycle, plus un député non-inscrit. La fonction de président ou de rapporteur revient de droit à un député qui appartient à un groupe d’opposition. Néanmoins, le groupe politique qui est à l’origine de la commission d’enquête a la possibilité de préempter l’une de ces deux fonctions.

La commission d’enquête sur « l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère nationale sur la TNT » ayant été lancée par La France insoumise, c’est au député LFI des Hauts-de-Seine, Aurélien Saintoul, que le rôle de rapporteur a été attribué. Le 6 décembre, les membres de la commission se sont réunis pour désigner un président, en l’occurrence Quentin Bataillon, et un « bureau », c’est-à-dire 4 vice-présidents et 4 secrétaires.

Le respect du secret

Légalement, les membres d’une commission d’enquête ne sont tenus que par une seule obligation : l’application du secret pour les travaux que la commission choisit de ne pas rendre publics, par exemple dans le cadre d’une audition ayant trait à la sûreté de l’Etat. La divulgation de ces éléments, ou encore du contenu du rapport d’enquête parlementaire avant sa publication officielle, peut-être punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. En outre, l’élu incriminé ne pourra plus être désigné membre d’une commission d’enquête jusqu’à la fin de la législature.

Rappelons que les propos tenus par Quentin Bataillon sur Yann Barthès concernaient une audition publique, diffusée sur le site de l’Assemblée nationale et sur la chaîne parlementaire. Il n’y a donc pas, de ce point de vue, de rupture du secret. En revanche, les critiques émises par le député sur une personne auditionnée, qui plus est sur une chaîne et dans une émission dont les responsables ont également été entendus à l’Assemblée nationale, interrogent sur la partialité et le devoir de réserve attendus à ce poste.

« Cette situation n’est pas prévue par les textes »

La polémique soulevée par le comportement de Quentin Bataillon recoupe donc des considérations moins légales que morales. « Je me suis moi-même imposé une période de réserve » pendant les auditions de la commission, a expliqué le député sur franceinfo. « Aujourd’hui, nous sommes dans le temps du rapport et des positionnements politiques », a-t-il cependant estimé.

Ni le président, ni le rapporteur d’une commission d’enquête ne peuvent être révoqués. « Cette situation n’est pas prévue par les textes, il ne peut s’agir que d’une démission », nous explique-t-on du côté du Sénat. Un cas de figure qui, de mémoire d’administrateur, ne se serait encore jamais présenté. Ce qui explique aussi que Yaël Braun-Pivet, dans son communiqué, ne soit pas allée au-delà d’un simple appel à la retenue, la présidente de l’Assemblée nationale n’ayant pas le pouvoir de prononcer des sanctions face à ce type de situation.

Une chose est sûre : fixé au 7 mai, l’examen du rapport de Aurélien Saintoul par les membres de la commission d’enquête promet désormais des échanges pour le moins animés.

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. 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