Mettre fin à un « flou juridique ». La commission sénatoriale de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a adopté ce mercredi 5 juin une proposition de loi LR « visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport ». Porté par le sénateur Michel Savin, spécialiste des questions sportives, ce très court texte interdit le port de signes religieux dans les compétitions sportives organisées par les fédérations agréées et les associations affiliées.
Il s’inscrit dans la lignée de la décision rendue en juin 2023 par le Conseil d’Etat, plus haute juridiction administrative française, qui a reconnu la possibilité pour les fédérations de prendre des mesures limitant la liberté d’expression et de conviction afin de « garantir le bon fonctionnement du service public et la protection des droits et libertés d’autrui ». Cette décision, faisant suite à la saisie des « hijabeuses » et de plusieurs associations, dont la Ligue des droits de l’Homme, qui contestaient l’un des articles du règlement de la Fédération française de football, avait fait grand bruit à l’époque.
« Les fédérations nous demandaient une clarification, elle voulait ce texte »
« Si chacun peut, au quotidien et dans le cadre de la sphère privée, librement exercer sa religion, sur un terrain de sport c’est la neutralité qui s’impose. Le sport, porteur d’un message d’intégration, d’universalité, de dépassement de soi, n’a pas vocation à valoriser des appartenances particulières », fait valoir le sénateur Michel Savin dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi. « Cela fait des années qu’on nous signale des faits, il est temps que ces mesures aboutissent. Les fédérations nous demandaient une clarification, elles voulaient ce texte », assure le rapporteur LR Stéphane Piednoir auprès de Public Sénat.
Durant l’examen en commission, l’interdiction des signes religieux a été élargie aux tenues ou signes « manifestant ostensiblement une appartenance politique », les élus ayant notamment en tête les récentes prises de position autour du conflit israélo-palestinien.
Une exception pour les compétitions internationales
La proposition de loi s’applique aux compétitions départementales, régionales et nationales. Le rapporteur a néanmoins souhaité introduire une dérogation pour les compétitions inscrites au calendrier des fédérations internationales, « afin de ne pas nuire à l’attractivité de la France pour l’accueil d’événements sportifs internationaux ». Il sera ainsi possible, par exemple, pour une équipe sportive féminine représentant un Etat islamique, de jouer voilée dans le cadre d’un tournoi organisé sur le sol français.
Les joueurs tricolores, en revanche, devront bien se conforter au modèle de laïcité. « Tous les athlètes français qui participent à une compétition en portant le maillot de l’équipe de France ont une obligation de neutralité car ils sont dépositaires d’une mission de service public », rappelle le sénateur Stéphane Piednoir.
La question des sanctions, en cas d’infraction, a été renvoyée au débat en séance. À l’amende forfaitaire, initialement imaginée par le rapporteur, certains élus ont fait valoir la pertinence d’une « sanction sportive », telle qu’une suspension de licence.
Le burkini interdit dans les piscines publiques
L’article 2 de la proposition de loi proscrit l’utilisation d’un équipement sportif comme salle de prière ou lieu cultuel. L’article 3 s’attaque au port de tenues à caractère religieux, telles que le burkini, dans les piscines. Leur interdiction devra désormais figurer dans les règlements intérieurs. Dans le même ordre d’idées, le rapporteur a fait interdire les « adaptations susceptibles de nuire au bon fonctionnement du service ou de porter atteinte à l’ordre public ». Comprenez : l’aménagement de créneaux horaires exclusivement réservés aux femmes dans les piscines municipales, un sujet qui fait régulièrement polémique.
Enfin, un article additionnel prévoit l’ouverture d’une enquête administrative préalable à la délivrance de la carte professionnelle d’éducateur sportif. L’objectif étant d’éviter qu’un individu fiché pour radicalisation ne se voit délivrer cette carte, renouvelable tous les cinq ans et obligatoire pour enseigner un sport.
Le champ d’application du principe de laïcité
La proposition de loi sera examinée en séance publique le 10 juin, avant d’être transmise à l’Assemblée nationale. Au sein de la Chambre haute, elle a reçu le soutien des deux groupes majoritaires, les LR et les centristes, mais aussi d’une partie des élus Les indépendants – qui rassemblent les soutiens d’Edouard Philippe au Sénat -, et même communistes. Il faut dire que certaines mesures portées par ce texte avaient déjà été votées par le Sénat, en 2021 et en 2022, notamment lors de l’examen de la loi confortant le respect des principes de la République.
Les débats dans l’hémicycle devraient néanmoins réactiver le clivage gauche-droite, notamment autour du périmètre d’application de la loi de séparation des Églises et de l’État. En commission, les écologistes ont tenté de faire passer plusieurs amendements de suppression, estimant que le texte de 1905 sur la laïcité impose un principe de neutralité « aux agents du service public, et non aux usagers ». « La droite sénatoriale nous offre un triste spectacle en utilisant la laïcité pour servir un récit anti-musulman qui vise à diviser le pays », a fustigé la sénatrice écolo Mathilde Ollivier dans un communiqué diffusé ce mercredi.