Palais de Justice de Nice

Justice des mineurs : la proposition de loi Attal détricotée par les sénateurs en commission

Alors que le gouvernement voulait profiter de l’examen au Sénat pour « durcir » le texte de l’ancien Premier ministre, celui-ci a été adouci en commission. La tendance pourrait être inversée mardi prochain en séance, alors que la majorité sénatoriale semble pour le moment divisée.
Louis Mollier-Sabet

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C’est une initiative chère à Gabriel Attal qui s’est vu infliger un coup d’arrêt au Sénat ce mardi. En commission, sa proposition de loi visant à « restaurer l’autorité » de la justice à l’égard des « mineurs délinquants » et de « leurs parents » a été profondément remaniée par les commissaires aux Lois du Sénat. Le texte sera examiné mardi 25 mars en séance, alors que le garde des Sceaux avait déjà affirmé son souhait de « durcir » le texte lors de son passage à la Chambre haute (voir notre article après l’adoption du texte à l’Assemblée). Si la présidente LR de la commission des Lois Muriel Jourda confiait il y a un mois à Public Sénat être « dans le même état d’esprit » que Gérald Darmanin, l’examen du texte au Sénat pourrait être plus mouvementé que prévu.

Quatre articles sur onze supprimés en commission, trois profondément remaniés

En commission, le texte a été profondément remanié par le rapporteur LR Francis Szpiner. Sur onze articles, quatre ont été supprimés (les articles 4, 5, 9 et 10) et les trois premiers profondément remaniés, avec le soutien de la gauche. Ainsi des mesures phares du texte ont été supprimées, comme la comparution immédiate pour les mineurs, les sanctions pour les parents des délinquants mineurs ou les dérogations à l’excuse de minorité.

« C’était nos lignes rouges », explique Laurence Harribey (PS), qui détaille : « Sur la comparution immédiate, le droit actuel autorise une audience unique en cas de récidive ou de crime grave, et nous étions attachés au système avec une audience de culpabilité, puis une audience de sanction. Ensuite l’atténuation des peines du fait de la minorité repose sur une base constitutionnelle, et enfin, la responsabilisation des parents nous paraît problématique sur le plan juridique. »

Des dispositifs réécrits

Le rapporteur du texte a ainsi expliqué à l’AFP avoir voulu améliorer un texte rédigé « dans la précipitation » qui mettait en place des mesures « difficilement applicables » et de nature à « fragiliser l’application des textes déjà existants. » Francis Szpiner a par exemple réécrit le dispositif créant une amende civile pour les parents qui ne répondraient pas aux convocations aux audiences.

Dans la version votée par la commission des Lois, l’amende est remplacée par la possibilité pour les assureurs de se retourner contre les parents pour que leur soit versé un « reste à charge plafonné » à 7500 euros en guise de participation à l’indemnisation du dommage pour lequel l’enfant a été condamné. « C’est assez malin parce que ça permet de cibler les ménages solvables », réagit la sénatrice Laurence Harribey.

Une majorité sénatoriale divisée

Ces votes en commission ont été mouvementés au sein de la majorité sénatoriale. Des sénateurs et des sénatrices des groupes LR et centristes auraient protesté contre cette réécriture de la proposition de loi par le duo Francis Szpiner / Muriel Jourda. Un commissaire aux Lois de gauche qui a assisté à l’examen en commission y voit une sorte d’incompréhension entre un rapporteur, avocat de profession, voulant rectifier des faiblesses juridiques d’un texte et une partie des sénateurs issus du « socle commun » en poursuivant les objectifs politiques.

« On a le droit de sortir par le haut en aidant Gabriel Attal à réécrire mieux ce texte », a notamment confié Dominique Vérien (Union centriste) à l’AFP. Mais où s’arrête l’amélioration et où commence la réécriture ? En tout état de cause, le titre du texte de loi est passé de « proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents » à « proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale. »

Réponse en séance le 25 mars prochain

Une incertitude d’autant plus grande que le texte soulève des interrogations, notamment au sein des professions juridiques, avec des alertes remontant des barreaux de l’ensemble de la France. Les barreaux de Lyon et Bordeaux ont ainsi adopté une motion conjointe dénonçant un texte « en contradiction avec les principes constitutionnels de la République et avec la Convention internationale des droits de l’enfant ».

Une position qui sera défendue par la gauche de l’hémicycle, qui met l’accent sur le manque de moyens des juridictions spécialisées plutôt que sur un besoin de changements législatifs. Du côté du gouvernement, Gérald Darmanin ayant déjà annoncé vouloir remanier le texte en séance, alors que la majorité sénatoriale pourrait aussi revenir sur les modifications adoptées en commission.

« C’est difficile de dire ce qu’il va se passer en séance, je pense que la majorité sénatoriale va arrêter une position, mais je ne sais pas laquelle », analyse Laurence Harribey. Pour l’instant, Dominique Vérien (Union centriste) et Salama Ramia (RDPI) ont déposé des amendements pour rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Réponse en séance mardi 25 mars.

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