JO : Une proposition de loi au Sénat pour instituer « une trêve olympique des expulsions locatives »
Par Alexis Graillot
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Bientôt une loi pour encadrer le logement pendant la période olympique ? C’est en tout cas le souhait du groupe communiste du Sénat, qui a déposé une proposition de loi relative à la trêve olympique des expulsions locatives face à la remontée par l’Agence Départementale d’Information sur le Logement (ADIL) de Paris d’une augmentation de 23% des congés pour reprise.
« Prévenir les dérives liées à un événement national d’une telle ampleur »
Instituée par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, la reprise de bail par le propriétaire du logement loué, prévoit trois cas de libération du bien : l’occupation du logement par son propriétaire ou un de ses proches ; la mise en vente du bien ; des motifs « légitimes et sérieux », en d’autres termes, lorsque le locataire n’a pas respecté les obligations qui lui incombe (non-paiement du loyer, sous-location du bien sans l’aval du propriétaire, dégradation du logement). Condition supplémentaire : le propriétaire doit informer son locataire au moins 6 mois avant l’échéance du bail. Le locataire peut dès lors partir dès qu’il le souhaite, avant même l’échéance de celui-ci.
Des conditions strictes dont de nombreux propriétaires semblent pourtant faire fi, selon Ian Brossat, qui dénonce, à l’approche des JO, « la concomitance de deux phénomènes » : d’une part, « une augmentation du nombre de locations sur la plateforme AirBNB pendant les JO », d’autre part, « une augmentation significative des congés pour vente », ce qui « éveille les soupçons » du sénateur et ancien adjoint au logement à la mairie de Paris. S’il reconnaît que des « règles très restrictives sur les locations touristiques », le conseiller de Paris pointe cependant un « phénomène qui remonte de partout » et une difficulté pour les locataires de prouver le caractère frauduleux d’un tel congé. Dès lors, il s’agit pour les sénateurs signataires de « prévenir les dérives liées à un événement national d’une telle ampleur, les élus locaux demandent à renforcer l’arsenal législatif pour limiter les congés abusifs, lutter contre les locations touristiques illégales et multiplier les contrôles ».
« Répondre à l’urgence de la crise du sans-abrisme »
La proposition de loi a également vocation à répondre à la crise du logement face aux poussées inflationnistes de ces dernières années et qui ont fait basculer une partie de la population dans la précarité. Pointant la « réalité alarmante » des derniers chiffres du logement de la Fondation Abbé Pierre, qui fait état de 330 000 personnes sans domicile, soit le double d’il y a dix ans ainsi qu’un triste record des expulsions locatives (17 500 en 2023), les sénateurs soulignent que « derrière ces statistiques se cachent des drames humains, des situations de vie difficiles telles que la perte d’emploi, la séparation ou la maladie ».
Une réalité que les sénateurs communistes ne souhaitent pas amplifier : « Nous avons été alertés en particulier par de nombreux jeunes travailleurs précaires qui se laissent intimider par les propriétaires », alerte Ian Brossat, qui souligne le dispositif mis en place par la mairie de Paris permettant au locataire potentiellement lésé, de jouir d’une consultation juridique gratuite.
« Par ailleurs, la tenue exceptionnelle des Jeux Olympiques et Paralympiques occasionnera à l’été 2024 une sollicitation accrue des dispositifs d’hébergements, alors que cette période se caractérise systématiquement par des capacités d’accueil moins nombreuses », signale également l’exposé des motifs de la proposition de loi, d’autant plus que « les services sociaux, les fonctionnaires de police et de justice seront affectés pour grand nombre d’entre eux à des tâches liées à l’accueil de cet événement exceptionnel – notamment dans les grandes métropoles ».
Concernant le vote de la loi, Ian Brossat nous fait part d’un optimisme relatif : « Le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian a affirmé des positions claires sur AirBNB » précise-t-il, ajoutant que la proposition de loi « permettra de mettre en place des solutions de relogement alternatives au concours de la force publique ».
La proposition de loi devrait être discutée prochainement au palais du Luxembourg.
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