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IVG dans la Constitution : dans les couloirs de Versailles, les parlementaires unis le temps d’un vote « historique »

Les clivages ont (presque) disparu, le temps d’un vote que tous qualifient d’« historique ». Le Congrès a approuvé largement l’inscription de l’IVG dans la Constitution, fruit de 50 ans de combat féministe. Malgré quelques critiques de Marine Le Pen, qui pointe un vote avant tout « symbolique », la représentation nationale a mis de côté ses divisions pour faire avancer le droit des femmes.
François Vignal

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Comme une parenthèse dans une vie politique sous tension, souvent polarisée et parfois chaotique. L’ensemble de la représentation nationale, près de 577 députés et 348 sénateurs, réunis l’espace d’un instant, dans le même hémicycle, celui du Congrès, pour voter, à la très grande majorité, en faveur de l’inscription dans la Constitution de la liberté « garantie » de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Les couloirs jaunis et l’affichage d’époque rappellent que le Congrès n’est réuni que rarement

L’écrin, majestueux, du Château de Versailles, est à la hauteur du moment, que tous qualifient d’historique. Dans l’aile du Midi, où se situe le grand hémicycle, le poids des années se fait sentir. Le plancher craque – on croirait presque passer à travers parfois. Une bibliothèque vide, tout en bois, fait office de salle de presse. Les couloirs jaunis et l’affichage d’époque rappellent que le Congrès n’est réuni que rarement. Emmanuel Macron le convoque en 2017 et 2018 pour s’adresser aux parlementaires, tout comme François Hollande, après les attentats de novembre 2015. Mais les députés et les sénateurs n’avaient pas fait le déplacement pour réviser la loi fondamentale depuis 2008, sous Nicolas Sarkozy.

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En début d’après-midi, c’est sous un soleil de retour que les parlementaires arrivent petit à petit, par grappes. C’est en bus qu’ils ont fait le déplacement. « Ça nous donne l’occasion de nous aérer. C’est comme partir en colo ! » sourit en arrivant un sénateur expérimenté, qui se rappelle qu’« avant, on déjeunait avec le Président. Ça arrivait rarement, il y avait un timbre même. Aujourd’hui, vous arrivez en bus et on vous donne une bouteille d’eau », plaisante ce parlementaire, qui pense prendre « un abonnement, on va avoir plusieurs réformes », avec des textes sur la Corse ou la Nouvelle-Calédonie.

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Les parlementaires sont nombreux à apprécier le moment. Le député Renaissance Stéphane Travert « se réjouit d’être là, de partager un vote historique. Le monde entier regarde la France ». L’ancien ministre de l’Agriculture ne veut pas y voir une victoire pour Emmanuel Macron, ou pour la gauche, qui a été moteur. « C’est une victoire collective » et « une victoire parlementaire ».

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Le communiste Ian Brossat se réjouit d’« une bataille idéologique remportée par la gauche »

« Pour une fois qu’on a un vote très large sur un sujet positif, on ne va pas bouder son plaisir », salue le sénateur communiste Ian Brossat, qui ne cache pas sa « grande joie d’être là ». Le sénateur de Paris y voit aussi « une bataille idéologique remportée par la gauche ». Et elles sont plutôt rares ces derniers temps. Le sénateur du groupe PS, Bernard Jomier, médecin généraliste qui exerce toujours, s’étonne « du nombre de gens qui (lui) en parlent » dans son cabinet. « Il y a un véritable écho. Les gens disent c’est bien ce que vous faites. Ça dépasse les clivages », se réjouit-il.

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Ne cachant pas sa « grande fierté », la sénatrice PS du Puy-de-Dôme, Marion Canales, souligne qu’« il reste à l’inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ». Dans un horizon plus proche, elle donne rendez-vous lors du budget de la Sécurité sociale, avec la question cruciale et concrète « de l’accès aux centres où pratiquer l’IVG, qui ferment ».

Les membres du gouvernement arrivent aussi, au milieu des parlementaires. « C’est un jour historique, un moment d’histoire pour notre pays », lance Stanislas Guérini. Le ministre de la Fonction publique souligne « la résonance » de ce vote dans notre pays, mais aussi « au-delà des frontières ». Il s’agit « du rôle de la France dans le monde. La France a toujours été de ces combats des libertés », une « France aux avant-postes », soutient Stanislas Guérini.

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« J’aurais préféré que ce texte soit exempt de toute ambiguïté », affirme le sénateur LR Philippe Bas

A droite, le sénateur Philippe Bas fait son arrivée, écharpe bleue autour du cou. Le sénateur LR de la Manche est pour quelque chose dans cette révision constitutionnelle. Si la démarche a été initiée à gauche, puis par les macronistes, l’ancien président de la commission des lois avait défendu, il y a un an, une réécriture par un amendement, dont s’est inspiré ensuite l’exécutif pour son projet de loi. Lors des débats, il n’a pas caché sa crainte que le terme « garantir » crée un droit opposable. « J’aurais préféré que ce texte soit exempt de toute ambiguïté », dit-il. Philippe Bas souligne qu’un juge qui serait saisi devra « se référer aux travaux préparatoires », c’est-à-dire les débats parlementaires, où le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a bien assuré qu’il n’y aurait « pas de droit opposable » ou « sans limite », rappelle le sénateur LR, qui a finalement voté pour.

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Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat, qui s’est opposé à la constitutionnalisation, tout comme le président du Sénat, Gérard Larcher, passe au même moment sans s’attarder. Il n’a pas été suivi par une majorité de ses troupes, dont la position a évolué vers un vote pour. Même chose du côté du groupe Union centriste, majoritairement pour, alors que son président, Hervé Marseille, a voté contre. Les deux n’ont pas modifié leurs votes.

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Crédits photo : François Vignal. Légende : un parlementaire cherchant sa place. Pour le Congrès, ils sont assis par ordre alphabétique et non par groupe politique.

« Un grand sentiment de victoire pour les femmes », salue Clémentine Autain

L’évolution d’une partie de la majorité sénatoriale a permis le vote conforme et ce Congrès. « Il y a eu une semaine de vacances assez fatale, avant le vote. Les gens sont rentrés chez eux, et ont entendu différentes opinions. Et il y a eu un vent très favorable de l’opinion », raconte un sénateur qui était opposé au texte, plutôt pressé de « passer à autre chose » maintenant. Le même ajoute :

 Beaucoup d’élus de droite ont compris que c’était tranché par l’opinion. 

Un sénateur de la majorité sénatoriale.

A l’intérieur, avant la galerie des bustes qui mène à l’hémicycle, la députée de La France Insoumise, Clémentine Autain, a le sourire. « Il y a beaucoup d’émotion, de joie. C’est un grand sentiment de victoire, pour les femmes, pour notre mouvement de libération des femmes. Nous sommes le premier pays à inscrire dans le marbre de la Constitution ce droit », souligne l’élue de Seine-Saint-Denis, qui ajoute : « On n’a pas beaucoup d’occasions de se réjouir ».

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Crédits photo : François Vignal. Légende : Laurence Rossignol, sénatrice PS.

« C’est une étape fondamentale, une étape qui restera dans l’histoire », souligne Gabriel Attal

A la tribune du Congrès, les prises de paroles, certaines fortes voire émouvantes, se succèdent (voir les principales déclarations avec notre live). « Pour la première fois de notre histoire, le Congrès du Parlement est présidé par une femme », commence la présidente de l’Assemblée nationale, sous les applaudissements. En remontant « la galerie des bustes, des bustes d’hommes exclusivement, j’ai pensé à Simone Veil », dit la députée Renaissance. Gabriel Attal enchaîne avec un discours replaçant le vote du jour dans l’histoire du mouvement féministe en France. « C’est une étape fondamentale, une étape qui restera dans l’histoire », lance le premier ministre, « ce texte est un rempart », contre toute tentative de remettre en cause l’IVG.

A droite, le président LR de la commission des lois du Sénat rappelle que « la chambre haute s’est donnée le temps de cheminer ». « Quelle victoire, quel bonheur, quelle fierté », s’enthousiasme la socialiste Laurence Rossignol, qui conclut ainsi :

 Liberté, égalité, fraternité. Et vous m’autoriserez à ajouter, sororité. 

Laurence Rossignol, sénatrice PS du Val-de-Marne et ancienne ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes.

Le sénateur Claude Malhuret prend tout le monde par les tripes

Le président du groupe Les Indépendant du Sénat, le sénateur Horizons Claude Malhuret, prend tout le monde par les tripes, quand il raconte une histoire, sortie de sa vie passée, « d’avortement clandestin qui se termine mal », quand il exerçait pour Médecins sans frontière dans un pays où l’IVG était interdit.

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Mélanie Vogel, qui avait déposé une proposition de loi pour constitutionnaliser l’IVG, raconte que « beaucoup » lui ont dit que c’était « impossible. Jamais le Sénat ne votera ». Mais « si on ne lâche rien, à la fin, on gagne ». « Notre corps, nos choix », conclut pour sa part la présidente du groupe écologiste de l’Assemblée, Cyrielle Chatelain.

« C’est un combat d’abord intime » pour la ministre Aurore Bergé

Pendant les trois quarts d’heure du vote, on croise parlementaires et membres du gouvernement dans les longs couloirs du château. La ministre Aurore Bergé, qui avait déposé un texte aussi pour inscrire l’IVG, ne cache pas sa joie. « Le mot est souvent galvaudé, mais pour l’occasion, dire que c’est historique a un sens ». « C’est un combat d’abord intime, qui m’a été transmis », raconte la ministre en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes, « c’est extrêmement émouvant ».

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Au-delà du pays, elle y voit un message transmis « à travers le monde ». Lors d’une réunion, la semaine dernière, avec ses homologues européens, Aurore Bergé a senti que « le vote de la France était attendu et espéré ». Un peu plus loin, la sénatrice LR des Yvelines, Sophie Primas, préfère de son côté parler de « vote solennel », réservant la qualification d’historique au vote de la loi Veil.

« Ils ont tellement peu de succès, que les macronistes se paient un succès à peu de frais », pointe Marine Le Pen

Certains parlementaires n’attendent pas et filent avant l’annonce du résultat, qui ne fait, il est vrai, pas beaucoup de doute. C’est le cas de Marine Le Pen. 46 députés de son groupe RN ont voté pour, 20 se sont abstenus et 11 ont voté contre. Si la leader du Rassemblement national a voté pour, elle pointe auprès de publicsenat.fr un vote « complètement symbolique ». « Je pense que beaucoup de nos amis sénateurs et députés » s’arrogent « peut-être une gloire, qui n’est pas la leur. Le combat (dans le passé) a été extrêmement difficile pour la liberté de l’IVG », souligne celle qui sera candidate à la présidentielle 2027.

Alors que ses opposants agitent la menace d’une extrême droite européenne qui menace l’IVG, Marine Le Pen s’inscrit en faux, du moins pour la France. « Personne ne remet plus en cause cette liberté. Et par conséquent, inscrire l’IVG dans la Constitution, à part rassurer ceux qui voulaient la constitutionnalisation, ne couvre pas de gloire ceux qui le font », assure Marine Le Pen, qui insiste :

 Personne, que ce soit dans les grandes ou les petites formations, ne souhaite remettre en cause cette liberté de l’IVG. 

Marine Le Pen, présidente du groupe RN de l'Assemblée nationale.

Pour appuyer sa démonstration, elle souligne que « même Madame Boutin ne veut pas remettre en cause le droit à l’IVG. Il n’y a pas de danger », assure Marine Le Pen. « Ce n’est pas parce qu’il y a des dangers dans certains pays, comme les Etats-Unis, avec les juges, que la France est touchée par cela », continue la leader d’extrême droite, qui pointe un coup davantage politique d’Emmanuel Macron : « Ils ont tellement peu de succès, que les macronistes se paient un succès à peu de frai ».

A l’intérieur, le seul sénateur Reconquête, Stéphane Ravier, n’a lui pas applaudi une seule fois durant les discours. « Quelle mascarade. Il a fallu boire le calice jusqu’à la lie », lance cet opposant à la constitutionnalisation. Le sénateur des Bouches-du-Rhône pointe particulièrement la position de ses anciens collègues RN : « C’est se soumettre à la doxa, aux ordres de la gauche. Les députés RN expliquent que ce n’est pas nécessaire mais ils plient. Moi je ne plie pas ».

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Un sénateur LR sort à son tour de l’aile du Midi. Lui aussi est sur le départ. « Si c’était à deux voix près, je resterais. Mais quand c’est à 500 voix près, je vais faire autre chose… » glisse l’élu de droite, qui ajoute : « J’ai entendu quatorze fois la même chose à la tribune. C’est un vote sans enjeu ».

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L’hymne des féministes, entonné par des militantes en tribune

La cloche sonne, le résultat va être annoncé. Les journalistes se précipitent dans les tribunes réservées à la presse. En bas, on surprend le premier ministre faire une photo avec notamment la sénatrice du groupe LR, Agnès Canayer, qui était rapporteure du texte, et Aurore Bergé.

Yaël Braun Pivet prend la parole. Avec 780 votes pour, 72 contre et 50 abstentions, les 3/5 nécessaires sont largement atteints. Eruption de joie dans l’hémicycle. Dans les tribunes, les présidentes de plusieurs associations féministes, comme la Fondation des femmes, la Clef, ou celle du planning familial, sautent de joie et se prennent dans les bras (voir la première photo). Elles agitent des foulards verts, couleur des militantes du droit à l’avortement en Amérique Latine, notamment en Argentine. Puis monte de la même tribune l’hymne féministe du MLF (Mouvement de libération des femmes) dans les années 70, entonné avec des députées LFI notamment. Des poings se lèvent. La salle se vide. Le sceau va pouvoir être appliqué sur « la petite loi », avant que l’IVG ne soit définitivement gravée dans le marbre de la Constitution.

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

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