FRANCE-TEFAL-SEB-PROTEST

Interdiction des PFAS : « Cette initiative ira au bout », assurent les écologistes avant l’examen du texte sur les « polluants éternels » au Sénat

Le Sénat examinera, ce jeudi 30 mai, la proposition de loi des écologistes sur l’interdiction des PFAS ou polluants éternels. Les sénateurs écologistes, à l’occasion d’une conférence de presse, affichent leur confiance pour l’adoption du texte et souhaitent renvoyer le texte à l’Assemblée nationale le plus rapidement possible.
Henri Clavier

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Le 4 avril dernier, l’Assemblée nationale adopte la proposition de loi écologiste visant à interdire l’utilisation des substances per- et polyfluoroalkylées, le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard confiait alors à publicsenat.fr réfléchir à inscrire le texte à l’ordre du jour du Sénat dans le cadre de la niche parlementaire de son groupe. Les PFAS sont des substances chimiques, dont certaines sont jugées cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer. Les PFAS sont principalement utilisés dans l’industrie, notamment pour le revêtement des poêles.

Si la mouture que le Sénat examinera n’est pas exactement la même que celle déposée initialement sur le bureau de l’Assemblée nationale, plusieurs mesures fortes ont été conservées. Notamment l’interdiction, d’ici 2026, des produits cosmétiques, des produits textiles, des farts de ski ou de chaussures contenant des PFAS et pour lesquels une alternative existe. L’interdiction doit s’appliquer de manière générale pour les usages cités à partir de 2030. En outre, le texte prévoit également une surveillance des PFAS dans l’eau potable, ainsi qu’un principe de « pollueur-payeur » avec une contribution pour les émetteurs de PFAS. En avril, le gouvernement avait été particulièrement critiqué pour sa gestion du scandale de la contamination des eaux minérales au PFAS de nombreux lots ayant été rappelés tardivement.

« Il faut fermer le robinet, ça commence par l’interdiction des usages pour lesquels il y a une alternative »

« Nous envoyons un signal fort, cette initiative ira au bout », lance le sénateur du Bas-Rhin, Jacques Fernique lors de la conférence de presse du groupe écologiste. Assez largement adopté à l’Assemblée nationale, les sénateurs écologistes veulent croire à une adoption du texte par la chambre haute. La proposition de loi écologiste arrive néanmoins dans l’hémicycle du Palais du Luxembourg amputée d’un alinéa concernant l’interdiction des ustensiles de cuisine et notamment des poêles anti-adhésives dont le revêtement peut contenir des PFAS. Un amendement pour réintroduire cette disposition a été déposé mais ne devrait pas être adopté par la Haute assemblée.

« Il faut fermer le robinet, ça commence par l’interdiction des usages pour lesquels il y a une alternative », affirme, Jacques Fernique qui fait de cet élément le début d’une prise de conscience globale sur les PFAS.  « On aura un texte différent de celui de l’Assemblée nationale, mais le texte, tel qui semble se profiler, pourrait être inscrit à l’Assemblée nationale en dehors d’une niche et être adopté définitivement », anticipe Jacques Fernique. Un optimisme lié à la réception du texte en commission au Sénat et au travail de conviction mené sur le sujet par les élus écologistes.

« On aurait dû avoir le rapport finalement ça n’a pas été le cas, mais on a pu faire un travail de pédagogie »

L’arrivée du texte en commission au Sénat avait pourtant assez mal débuté puisque, malgré l’usage, le rapporteur désigné par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ne fait pas partie du groupe écologiste, mais du groupe centriste. « On aurait dû avoir le rapport finalement ça n’a pas été le cas, mais on a pu faire un travail de pédagogie », assure Anne Souyris. « C’est un texte concret qui touche la vie des gens, aujourd’hui c’est une question d’anticipation et de conviction, je pense que nous avons réussi sur ce dernier point tout le monde a compris l’importance du sujet », abonde Guillaume Gontard.

En commission, le texte n’a pas été vidé de sa substance et l’opposition a été assez faible, puisque seulement 4 sénateurs ont voté contre la proposition. En réalisant des tests sur la présence de PFAS dans les cheveux de 15 sénateurs et sénatrices, les élus écologistes ont pu convaincre sur l’ampleur du phénomène. En effet, 14 des 15 tests révèlent la présence de PFAS. Par ailleurs, une partie de la majorité sénatoriale craignait qu’une interdiction trop rapide fasse peser une contrainte trop importante sur l’activité des industriels. La semaine dernière, le rapporteur Bernard Pillefer confiait néanmoins à publicsenat.fr que « reconnaître l’importance du volet sanitaire ne signifie pas pour autant que l’on doit sacrifier le volet socio-économique ».

« Beaucoup d’industriels ont exprimé un intérêt pour cette proposition de loi », note Anne Souyris insistant sur l’enjeu d’adaptation et sur les risques juridiques que l’utilisation des PFAS peut faire courir aux entreprises. Par ailleurs, les PFAS entraînent des coûts importants pour les collectivités territoriales en particulier en ce qui concerne l’assainissement des sols et des eaux. « Le rapporteur a dit lui-même qu’il était impossible d’écarter une telle proposition de loi », continue Jacques Fernique.

Une portée encore incertaine

Quelques amendements pourraient encore modifier la portée du texte, dans un sens ou dans l’autre. En séance, un amendement sur l’interdiction des mousses anti-incendie, contenant des PFAS, sera porté par le socialiste, Hervé Gillé. Ce dernier, particulièrement impliqué sur la question de la qualité de l’eau, soutient un amendement demandant au gouvernement de revoir le seuil de la concentration de PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine. Enfin, un autre amendement du même sénateur propose de rendre public les analyses effectuées par l’ARS sur les eaux vendues en bouteille.

Un amendement du sénateur Rietmann (LR) prévoit d’exclure les textiles techniques des produits concernés tandis qu’un autre, déposé par Didier Rambaud souhaite écarter les fluoropolymères du périmètre une substance jugée moins dangereuse. « La question des polymères reste sensible », reconnaît Jacques Fernique.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

ISSY-LES-MOULINEAUX: France 24, press conference
3min

Parlementaire

France Médias Monde : les sénateurs alertent sur la baisse des crédits dans un contexte de guerre informationnelle

Dans un communiqué, la commission des Affaires étrangères du Palais du Luxembourg déplore le « désarmement informationnel » engagé par le budget 2025 avec une réduction de 10 millions d’euros à l’audiovisuel extérieur. En conséquence, les élus ont voté un amendement de transfert de crédits de 5 millions d’euros de France Télévisions à France Médias Monde (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya).

Le

Interdiction des PFAS : « Cette initiative ira au bout », assurent les écologistes avant l’examen du texte sur les « polluants éternels » au Sénat
7min

Parlementaire

Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

Le