Paris: The senate vote on an amendment of a government plan to enshrine the “freedom” to have an abortion in the French Constitution

Inscription de l’IVG dans la Constitution : retour sur 18 mois de bataille au Parlement

Le combat pour la Constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) s’est achevé par le vote du Sénat la semaine dernière. Alors que le Congrès, réuni à Versailles ce lundi 4 mars, devrait y mettre un point final, retour sur les grandes étapes de cette séquence législative historique.
Romain David

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Sans surprise, le Parlement, réuni en Congrès ce lundi 4 mars au château de Versailles, devrait faire rentrer dans la Constitution l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Ce vote sonne comme l’épilogue d’un parcours législatif houleux, qui a connu plusieurs rebondissements au fil des mois, et dont la séquence stratégique s’est jouée au Sénat, où la majorité sénatoriale de droite et du centre a longtemps manifesté son opposition à une telle réforme.

Pour rappel : toute modification du texte fondamental doit avoir été préalablement adoptée, dans les mêmes termes, par l’Assemblée nationale et le Sénat, avant d’être ratifiée une dernière fois par au moins trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès. Public Sénat revient sur le parcours du texte.

Jusqu’à neuf initiatives parlementaires

Le 29 octobre 2023, Emmanuel Macron annonce sur ses réseaux sociaux un projet de loi pour faire entrer l’IVG dans la Constitution. « En 2024, la liberté des femmes de recourir à l’IVG sera irréversible », écrit le chef de l’Etat sur X (anciennement Twitter), il précise vouloir s’appuyer sur le travail des parlementaires. Cette question a en effet déjà été débattue à plusieurs reprises au Parlement : cinq initiatives à l’Assemblée nationale, cinq du côté du Sénat.

Un premier texte avait été déposé à la Chambre haute dès 2017 par les communistes Laurence Cohen et Éliane Assassi, mais celui-ci n’a jamais été mis à l’ordre du jour. Les autres propositions de loi s’inscrivent en réaction à la décision de la Cour suprême américaine qui, le 24 juin 2022, a estimé qu’il revenait à chaque Etat d’autoriser au non l’IVG. Dans la foulée, quatorze Etats américains ont banni l’avortement de leur territoire. En France, plusieurs responsables politiques, notamment à gauche de l’échiquier politique, estiment qu’une inscription de l’IVG dans la Constitution empêcherait tout détricotage de la loi « Veil ».

D’un « droit » à une « liberté »

Un seul des neuf textes portés par les parlementaires a fait l’objet d’une navette, c’est-à-dire d’un examen dans les deux chambres du Parlement : la proposition de loi déposée le 6 juillet 2022 à l’initiative de Mathilde Panot et de plusieurs députés de la Nouvelle Union Populaire écologique et sociale (NUPES). La commission des lois du Sénat l’a abord rejeté, considérant que la constitutionnalisation de l’IVG ne garantissait pas son effectivité. Habituellement, la décision rendue par la commission saisie sur le fond annonce la teneur de la séance à venir. Mais contre toute attente, le 1er février 2023, la situation se retourne dans l’hémicycle du Palais du Luxembourg à la faveur d’un amendement du sénateur LR de la Manche, Philippe Bas.

Celui-ci propose de substituer au terme « droit », jugé trop fort par la majorité sénatoriale de droite et du centre, le terme plus vague de « liberté ». Ainsi, la formule « la loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse », dévient « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ». Un glissement sémantique qui suffit à faire la bascule : le texte est adopté à une petite majorité, 166 voix pour, 152 voix contre. Il s’agit d’un vrai coup de théâtre au sein de la très précautionneuse Chambre haute.

Les réticences de la droite sénatoriale

Le gouvernement a su retenir la leçon. Le projet de loi constitutionnelle annoncé par Emmanuel Macron est finalement présenté le 12 décembre 2023 par le garde des Sceaux en Conseil des ministres. Il n’y est pas question de « droit » mais de « liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Si la formulation est jugée trop faible par les associations et la gauche, elle est surtout destinée à dégager un consensus au sein de la classe politique. Le texte est adopté, sans encombre, le 30 janvier par l’Assemblée nationale. Au Sénat, une fois de plus, la partie s’annonce plus complexe.

La sortie, quelques jours plus tôt, de Gérard Larcher sur franceinfo donne le ton : le président du Sénat estime que « la Constitution n’est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux ». Le mot « garantie » braque la majorité de droite et du centre, qui redoute la création d’un droit opposable, c’est-à-dire la possibilité pour une femme qui n’aurait pu avoir accès à un avortement de saisir la justice.

La rapporteure du texte, Agnès Canayer (LR), estime « inopportune et inutile » une inscription dans la Constitution. Néanmoins, la commission des lois choisit de ne pas s’opposer au texte et renvoie les débats à la séance publique. Deux amendements en particulier menacent de faire capoter une adoption conforme, nécessaire à toute révision constitutionnelle.

Le vote historique de la Chambre haute

Le premier, porté par le LR Alain Millon, vient compléter le projet de loi constitutionnelle, en inscrivant dans la loi le « respect de la clause de conscience des médecins, ou professionnels de santé, appelés à pratiquer l’intervention ». Le deuxième amendement, déposé par Philippe Bas, veut faire disparaître le mot « garantie » du texte. Notons que dans les deux cas, il n’est pas question de s’attaquer à la constitutionnalisation de l’IVG, mais de modifier les modalités de son inscription dans le texte fondamental, ce qui trahit implicitement l’évolution de la droite sur cette question. En marge de l’ouverture des débats, certains élus de la majorité sénatoriale ne cachent pas avoir changé d’avis sur le sujet sous la pression de leur entourage.

Le mercredi 28 février, après le rejet des deux amendements LR, le Sénat adopte à une très large majorité la révision constitutionnelle, par 267 voix pour et seulement 50 contre, en des termes identiques à ceux déjà votés par l’Assemblée nationale. L’histoire est en marche : désormais, plus rien ne s’oppose à ce que le Parlement, réuni en Congrès, ne fasse de la France le premier pays du monde à faire figurer dans sa Constitution l’interruption volontaire de grossesse.

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. 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