Incarné par Charles de Courson, le poste de rapporteur général du budget va-t-il changer de nature ?

Incarné par Charles de Courson, le poste de rapporteur général du budget va-t-il changer de nature ?

La fonction technique et centrale de rapporteur général de la commission général des finances sera désormais assumée par le député d’opposition Charles de Courson. Conçu comme une articulation entre Bercy et la commission des finances, ce poste revenait d’habitude à un groupe majoritaire. Quelles conséquences après ce changement inédit ?
Guillaume Jacquot

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Un grain de sable s’est glissé dans la mécanique bien huilée de la commission des finances de l’Assemblée nationale. C’est encore l’une des conséquences imprévues d’une dissolution surprise. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, ses membres ont élu au poste de rapporteur général un député issu d’un groupe inscrit dans l’opposition. Une véritable révolution de palais, qui bouscule les traditions parlementaires de ces six dernières décennies. Le député de centre droit Charles de Courson (ex-UDI), figure du petit groupe LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), a été élu sur le fil samedi 20 juillet, face au sortant Jean-René Cazeneuve (Renaissance), grâce au soutien de la gauche. Les deux hommes s’étant neutralisés avec 27 voix l’un et l’autre, Charles de Courson a été désigné au bénéfice de l’âge.

« C’est l’équivalent du ministre de Bercy à l’Assemblée nationale »

Ce coup de théâtre n’est pas sans poser des questions sur la mécanique parlementaire, en particulier dans l’examen des textes budgétaires, dans lesquels le rapporteur général constitue le cœur du réacteur. « C’est l’équivalent du ministre de Bercy à l’Assemblée nationale. Il fait le lien entre le ministère et la majorité », résume Mélodie Mock-Gruet, enseignante à Sciences Po et auteure avec Hortense de Padirac du Petit guide du contrôle parlementaire (L’Harmattan, 2022).

Technique, essentielle, la fonction de rapporteur général est centrale dans l’examen des textes budgétaires. Comme son nom l’indique, il est chargé d’élaborer un rapport sur les projets de loi de finances, en plusieurs tomes, avec notamment une analyse sur le contexte macroéconomique, mais aussi des commentaires sur la partie relative aux dispositions fiscales qui ont des conséquences sur l’équilibre budgétaire. Il joue également un rôle de coordination dans l’activité de la commission.

Ses avis visent à éclairer l’hémicycle. Habituellement, ses amendements sont repris par la commission des finances, et ensuite adoptés dans l’hémicycle. Lors des débats, il donne également un avis sur les amendements au nom de la commission, que les collègues ont tendance à suivre. Mais dans une situation de majorité relative fragile, rien n’est acquis. Il participe également à des échanges informels, en amont des sessions, avec le gouvernement. Côté Assemblée, il doit aussi porter les souhaits de ses collègues, et parvenir à des positions médianes.

Persuadé que le poste allait lui revenir, le camp présidentiel a tout de suite vu rouge après la victoire du député de la Marne. « Il a bafoué l’esprit de nos institutions. Il faut un rapporteur général qui puisse travailler avec l’exécutif. Il va y avoir un dialogue entre les oppositions, et appauvri avec Bercy », s’est agacé Jean-René Cazeneuve après l’annonce des résultats. Contraire à l’usage, mais pas contraire au règlement. « Rien ne dit dans le règlement de l’Assemblée qu’il faut être issu de la majorité. Ce qui n’est pas interdit est autorisé », pointe Mélodie Mock-Gruet.

« Il ne sera pas une simple courroie de transmission »

Difficile d’imaginer dans quelle mesure le poste va être reconfiguré dans une Assemblée nationale éclatée comme une mosaïque. « C’est une situation qui suscite la perplexité. Cela dépend aussi de qui sera au gouvernement à la rentrée, et donc, de quelle majorité on parle », analyse Alexis Fourmont, maître de conférences en droit public à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. « Ce sera un travail parlementaire un peu plus consensuel que sous les précédentes législatures avec une majorité clairement dessinée. »

Du fait de son expertise reconnue par ses pairs en matière budgétaire – il est magistrat à la Cour des comptes de profession – et sa connaissance fine du Parlement et de ses ressorts, Charles de Courson se retrouve dans un siège taillé pour lui. « On peut espérer un dialogue de grande qualité. Il ne sera pas une simple courroie de transmission entre le gouvernement et l’Assemblée nationale. Il peut contribuer à revaloriser le travail parlementaire, même si c’est une position qui est délicate », observe Alexis Fourmont.

Les députés LIOT « s’attachent au rétablissement des finances publiques » et veulent dialoguer « avec l’ensemble des forces républicaines »

« Tout dépend comment il travaille. À la base, il est très rigoureux sur la dette », rappelle Mélodie Mock-Gruet. Initialement, son groupe s’était d’abord présenté comme minoritaire, c’est-à-dire refusant de s’inscrire dans l’opposition au gouvernement, ou dans la majorité. Les choses ont évolué en 2020, lorsqu’il s’est inscrit dans l’opposition. Lors de la dernière législature, en 2023, Charles de Courson s’est retrouvé sur le devant de la scène, en devenant le fer de lance des opposants à la réforme des retraites. Il avait défendu une motion de censure présentée comme « transpartisane », pour faire tomber le gouvernement. Plus tard, il avait soutenu avec ses collègues de groupe une proposition de loi visant à abroger la réforme.

Dans sa déclaration politique publiée la semaine dernière, LIOT s’est maintenu dans l’opposition. Le collectif hétéroclite, qui défend une vision « libre, indépendante et responsable », entend dialoguer « avec l’ensemble des forces républicaines afin de créer des convergences utiles au débat parlementaire, en gardant comme unique boussole, l’intérêt général ». Côté budget, Charles de Courson et ses collègues « s’attachent au rétablissement des finances publiques dans le cadre des engagements européens de l’Etat ».

Des terrains d’entente avec Éric Coquerel ?

Passé des deux côtés de la barrière, d’abord comme rapporteur général à l’Assemblée nationale (2012-2014) puis comme secrétaire d’État chargé du Budget et des Comptes publics (2014-2017), le socialiste Christian Eckert confie avoir été « surpris » par le résultat de l’élection interne de samedi. « Cette situation baroque et inédite va probablement rendre le travail d’un gouvernement, en tout cas différent, voire plus ou moins compliqué, suivant sa nature. Je pense que le prochain ministre des Finances aura face à lui un pilier important », observe l’ancien ministre. « C’est quelqu’un de méticuleux, précis, qui occupe énormément les débats budgétaires, la plupart du temps avec des dossiers bien préparés », ajoute-t-il.

À défaut d’une symbiose totale avec un gouvernement dont on ne connaît pas encore la composition, Charles de Courson pourrait combiner ses forces avec le président d’opposition de la commission, l’insoumis Éric Coquerel, se projette l’ancien député de Moselle. « Si tant est que le président et le rapporteur général aient une certaine proximité – ce qui semble être le cas sur certains sujets – on va avoir une grande force de frappe. Leurs équipes pourraient travailler ensemble, on peut imaginer doubler les moyens sur certains sujets. Même si la force de frappe de Bercy restera sans commune mesure avec celle du Parlement. Le rapporteur général, c’est une petite dizaine d’administrateurs. À Bercy, cela se compte en centaines, et ils sont à la source de l’information. »

Le fait que le poste de rapporteur général tombe dans les mains d’une opposition peut aussi entraîner des conséquences sur la manière dont est étudiée la recevabilité financière d’une initiative parlementaire. En juin dernier, on se souvient, la proposition de loi LIOT d’abrogation des retraites avait fait l’objet d’un vif bras de fer entre Jean-René Cazeneuve et Éric Coquerel, pour savoir si elle rentrait ou non dans les clous de l’article 40 de la Constitution, qui interdit aux parlementaires de générer une charge budgétaire supplémentaire aux finances publiques. Or, le règlement de l’Assemblée nationale dit simplement que la recevabilité est appréciée par l’un, ou par l’autre. « Aujourd’hui, ils peuvent être alliés, peut-être que demain, ils ne le seront plus. Il va y avoir un autre rapport de force, c’est la présidente de l’Assemblée nationale. C’est elle qui a le dernier mot, en particulier pour la séance », rappelle la docteure en droit public Mélodie Mock-Gruet. Le sujet va d’ailleurs vite se poser sur la proposition de loi d’abrogation de la réforme des réformes, déposée par les Insoumis.

« Assez surréaliste et assez cocasse », réagit l’homologue au Sénat, Jean-François Husson (LR)

Vu du Sénat, l’arrivée de Charles de Courson est également vécue avec étonnement. « Je trouve ça assez surréaliste et assez cocasse, ça prend tout le monde à contrepied », réagit Jean-François Husson (LR), son homologue au Sénat. Comme beaucoup, le sénateur de Meurthe-et-Moselle salue le « savoir-faire et la technicité » d’un député, « capable de tordre le bras de beaucoup, par ses amendements ». Mais il perd ses repères, en l’absence d’un schéma classique, celui d’un rapporteur issu d’une formation majoritaire. « On va se retrouver avec deux commissions des finances au Parlement, où il n’y a même pas le rapporteur à l’Assemblée pour porter l’ambition du gouvernement. Imaginez les débats budgétaires, avec un ministre seul contre la commission et une partie de l’hémicycle. Cela veut dire une possibilité que le projet de loi de finances soit partiellement déstructuré. »

Le rapporteur général du Sénat va prochainement contacter Charles de Courson pour le sonder sur la façon dont il envisage d’endosser le costume de « RG ». « La responsabilité, à ce poste, c’est quand même de peser suffisamment pour bâtir une trajectoire budgétaire, à la fois de redressement des comptes, et qui pose le soutien des enjeux de demain. »

Dans le chaudron bouillonnant de l’Assemblée nationale, et dans un contexte de finances publiques dégradées, la tâche du nouveau rapporteur général s’annonce ardue. « Il sera au pied du mur. Quand on est dans l’opposition, c’est toujours facile de prôner la réduction de la dépense publique », analyse Christian Eckert.

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. 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J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

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