Immigration : le ministre de la Santé soutient le maintien de l’AME, l’aide médicale d’Etat

Aurélien Rousseau a pris la défense de ce dispositif qui permet aux étrangers en situation irrégulière d’avoir accès aux soins. « C’est un dispositif indispensable, un dispositif de santé publique », défend Aurélien Rousseau, alors que Gérard Darmanin s’est dit favorable à sa suppression, souhaitée par les LR…
François Vignal

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Auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat sur le budget de la Sécu 2024, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, s’est permis une incartade sur l’un des sujets brûlants du moment : le projet de loi immigration. En fin d’audition, répondant à une question d’un sénateur, il a défendu l’aide médicale d’Etat, alors que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est déclaré favorable à sa suppression… Ce dispositif permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins. Dans le cadre de l’examen du texte immigration, qui débute au Sénat le 6 novembre, la majorité sénatoriale de droite et du centre a déjà supprimé en commission l’AME, pour la transformer en aide médicale d’urgence.

« Craintes » du ministre

Pour Aurélien Rousseau, c’est clairement une mauvaise idée. « Je pense que l’aide médicale d’Etat est un dispositif indispensable, que c’est un dispositif de santé publique », soutient le ministre, qui ne cache pas ses « craintes ». « Les pays qui ont basculé dans le système de l’aide médicale d’urgence, que la majorité du Sénat a adoptée dans la loi immigration, (…) je le dis ici, pour moi, cela va conduire à deux choses : le déversement sur l’hôpital de tous les soins urgents, et donc c’est jeter un voile pudique sur le coût de tout ça. Ce sera noyé dans les dépenses hospitalières », souligne Aurélien Rousseau, qui ajoute que « le but de l’AME, c’est d’intervenir avant que la situation ne soit devenue trop grave. Sur toutes les pathologies infectieuses, (…), sur la tuberculose, etc, on va diffuser des pathologies ». Et de souligner que « l’Espagne, qui a tenté cette réforme, est revenue en arrière ».

« L’an dernier, les oreilles décollées, dont tout le monde parle, ça a coûté 6000 euros en tout »

Rappelant la mission confiée à Patrick Stefanini et Claude Evin sur le sujet, Aurélien Rousseau admet que sur « un milliard et quelques d’euros (que cela coûte) à la Nation, je ne vais pas dire qu’il est interdit de regarder ».

Au passage, il entend « tuer une partie des fantasmes. L’an dernier, les oreilles décollées, dont tout le monde parle, ça a coûté 6000 euros en tout. 35 opérations en tout, ce qui doit correspondre à 70 oreilles. (…) On parle de situations où des organismes humanitaires envoient des chirurgiens à l’étranger pour opérer ces difformités. On ne parle pas d’un soin de confort ». Mais dans l’ensemble, le ministre de la Santé ne s’interdit pas de « challenger le dispositif à nouveau. Il l’a été en 2019, par Edouard Philippe. Le panier de soins a été réduit. Qu’on le regarde à nouveau. Mais c’est avant tout un dispositif de santé public ». Voilà qui devrait nourrir les débats au Sénat, puis à l’Assemblée…

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. 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J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

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