Paris: Darmanin delivers a speech during the examination of the immigration law at the French Senate
Bruno Retailleau. French Interior and overseas Minister, Gerald Darmanin delivers a speech during the examination of the immigration law at the French Senate. Gerald Darmanin devant le senat lors de l examen de la loi sur l immigration. Paris, FRANCE-06/11/2023//01JACQUESWITT_choix055/Credit:Jacques Witt/SIPA/2311061859

Immigration : la droite sénatoriale fait la longue liste de ses mesures retenues en CMP

Expulsions facilités, fin de l’automaticité du droit du sol, préférence nationale durant une période, durcissement du regroupement familial, rétablissement du délit de séjour irrégulier, mesures de régularisation au cas par cas, et selon critères, par le préfet, débat sur les quotas… Lors de la commission mixte paritaire sur le texte immigration, les LR ont eu gain de cause sur de nombreux points, issus du texte adopté au Sénat.
François Vignal

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La droite pavane. Après l’accord trouvé, dans la douleur, lors de la commission mixte paritaire sur le projet de loi immigration, le texte qui ressort de ce huis clos parlementaire est très largement durci, comparé à la version initiale. Qu’importe pour la droite si certaines mesures étaient défendues à l’origine par l’extrême droite – le RN ne s’y trompe pas, Marine Le Pen annonçant le vote des députés RN – le texte qui sort de la CMP est proche de la version sénatoriale, adoptée au mois de novembre.

Bruno Retailleau, fer de lance d’un durcissement du texte à la Haute assemblée, avait pris le soin d’être membre de la CMP pour défendre les ajouts du Sénat. Le président du groupe LR de la Haute assemblée crie maintenant victoire : « Cette CMP conclusive est un succès pour le Sénat : 90 % de notre texte, le seul voté par le Parlement, a été logiquement repris. C’est un véritable tournant, qui va permettre de réduire les entrées et d’augmenter les départs. Pour la première fois depuis longtemps, la France se donne les moyens de reprendre le contrôle de sa politique migratoire ».

Le parti et son président, Eric Ciotti, s’approprient aussi la réussite de la CMP. « Ce sont les Républicains qui, grâce à leur travail, grâce à leurs idées, imposent ce texte », a réagi le député des Alpes-Maritimes. Le texte « correspond très majoritairement à la lettre et à l’esprit du projet qui avait été porté par le Sénat », se réjouit le parti dans un communiqué. Juste après l’adoption du texte au Sénat, Eric Ciotti l’avait pourtant jugé insuffisant, dénonçant même « le principe de régularisation », jugé « dangereux car il lance un appel d’air ». Le texte le prévoit toujours pourtant…

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Mais à l’heure de faire les comptes, les LR ne peuvent que constater qu’ils ont eu gain de cause sur de nombreux sujets – au grand dam d’une partie des députés macronistes, qui vont voter contre. Histoire de le faire savoir, le groupe LR du Sénat a fait soigneusement le bilan détaillé des « principales mesures du Sénat figurant dans le texte de la commission paritaire ».

  • Régularisations au cas par cas dans les métiers en tension

La CMP a conservé l’esprit du compromis trouvé au Sénat sur l’ancien article 3, devenu 4 bis. Plutôt que des régularisations automatiques, selon certains critères, le texte prévoit des régularisations au « cas par cas par le préfet, qui apprécierait notamment la réalité du travail, l’insertion sociale de l’étranger, son respect de l’ordre public et son intégration à la société, au mode de vie, aux valeurs de la société français. La régularisation serait écartée en cas de condamnation, d’incapacité ou déchéance mentionnée au bulletin n°2 du casier judiciaire », précise le groupe LR du Sénat dans un communiqué.

  • Expulsions facilitées

Le texte prévoit la « facilitation du recours à l’expulsion et à l’interdiction de territoire français, à l’encontre desquels certaines catégories d’étrangers actuellement protégées », notamment « pour les étrangers coupables de crimes punis ». « En outre, toutes les protections contre les obligations de quitter le territoire, excepté celles dont bénéficient les mineurs, sont levées ».

  • Fin de l’automaticité du droit du sol

C’est l’un des sujets qui passe mal chez l’aile gauche macroniste. Le texte de la CMP conserve le durcissement des conditions d’accès à la nationalité du droit du sol, par le retour de « la « loi Pasqua », imposant aux bénéficiaires de ce droit d’effectuer la demande de nationalité à leur majorité, et d’autre part en excluant les mineurs délinquants condamnés définitivement pour crime du bénéfice du droit du sol ». D’autres mesures votées au Sénat concernant la nationalité ont été cependant retirées, car probable cavalier législatif, comme l’allongement du délai avant acquisition de la nationalité par le mariage et l’allongement de la durée de résidence avant une possible naturalisation.

  • Déchéance de la nationalité pour les binationaux coupables d’homicide volontaire sur des personnes dépositaires de l’autorité publique

C’est aussi l’une des mesures du durcissement, venue du Sénat, et soutenue ensuite par la majorité présidentielle en CMP, comme par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

  • Accès aux aides sociales rendu plus difficile pour les étrangers que pour les Français

Sur la question des aides sociales non contributives, qui a fait l’objet d’un blocage de plusieurs heures, dès l’ouverture de la CMP, avant qu’un accord ne soit conclu mardi matin, la mesure prévue revient à une forme de préférence nationale, l’une des marottes du RN depuis des années. Bruno Retailleau préfère parler lui, au micro de Public Sénat, de nécessité d’« avoir une différence entre des citoyens nationaux et des gens qui viennent de l’extérieur ».

Les LR rappellent la teneur du « deal » : « Bénéfice des allocations familiales, de l’aide personnalisée au logement (APL) et du droit au logement opposable conditionné à 5 ans de résidence stable et régulière. Cette durée est réduite à 2 ans et demi pour l’étranger travaillant. Le bénéfice des APL est conditionné à 5 ans de résidence stable et régulière pour l’étranger ne travaillant pas, et à 3 mois pour l’étranger travaillant ». Le texte conserve aussi le resserrement des conditions d’accès au titre de séjour « étranger malade ».

  • Renforcement des exigences du niveau de maîtrise du français

Un contrat d’intégration républicaine prévoit un renforcement des exigences en matière de maîtrise de la langue française et la création d’un examen de connaissance en matière civique, en vue de la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle.

  • Retrait du titre de séjour pour les personnes ne respectant pas les principes de la République

Le texte prévoit également le « renforcement substantiel des mesures permettant de refuser ou de retirer leur titre de séjour aux personnes ne respectant pas les principes de la République ». Le projet de loi entend aussi renforcer les outils de contrôle à l’égard des mariages frauduleux.

  • Modulation des aides au développement pour les Etats peu coopératifs

Autre mesure du texte : « La modulation des aides au développement et des délivrances de titres de long séjour à l’égard des Etats peu coopératifs en matière migratoire. Le dispositif figurant dans le texte de la CMP est même étendu par un mécanisme conditionnant les délivrances de visas de court séjour et visas diplomatiques à la coopération de ces Etats », souligne le communiqué des sénateurs LR. Par ailleurs, l’aide au retour ne peut être reçu qu’une seule fois.

  • Etre débouté du droit d’asile vaut systématiquement OQTF

Pour les déboutés du droit d’asile, une OQTF (obligation de quitter le territoire français) est systématiquement prononcée. La durée de validité des OQTF est allongée d’un à trois ans.

  • Débat sur les quotas migratoires chaque année au Parlement

C’était une demande ancienne des LR. Introduite au Sénat, elle est conservée dans le texte final : le principe d’un débat au Parlement sur la politique migratoire et les quotas.

  • Rétablissement du délit de séjour irrégulier

Supprimé en 2012 sous François Hollande, le délit de séjour irrégulier est rétabli. Toutefois afin de respecter le cadre européen, ce nouveau délit est punissable d’une peine d’amende de 3.750 euros et non plus une peine d’emprisonnement.

  • Encadrement plus strict de l’immigration étudiante

Il sera précédé à la vérification du caractère réel et sérieux des études. Le dépôt d’une « caution retour » sera nécessaire, excepté pour les profils particulièrement méritants.

  • Durcissement du regroupement familial

Les conditions du regroupement familial sont resserrées par le texte, avec « un rallongement de la durée de séjour préalable nécessaire, une obligation pour les bénéficiaires de disposer d’une assurance maladie et d’un niveau basique de français, le rehaussement de l’âge minimal du demandeur, exclusion des APL de la prise en compte des ressources du demandeur, et plus de rigueur dans l’évaluation des conditions de résidence », énumère le groupe LR.

  • Durcissement de l’hébergement pour les demandeurs d’asile

Des mesures de fermeté ont été retenues sur l’hébergement des demandeurs d’asile, notamment la « clôture automatique de la demande en cas d’abandon du lieu d’hébergement, l’impossibilité pour les déboutés de se maintenir dans les hébergements du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile, exclusion des étrangers en situation irrégulière et des déboutés de l’asile du dispositif d’hébergement d’urgence, sauf pendant le temps nécessaire à leur éloignement ».

  • La suppression de l’AME retirée du texte, en échange de l’engagement du dépôt d’un texte début 2024

Les sénateurs avaient supprimé l’aide médicale d’Etat, transformée en aide médicale d’urgence. Une ligne rouge pour la majorité présidentielle. Le sujet étant un cavalier législatif, probablement censuré par le Conseil constitutionnel, il a été retiré du texte. La première ministre s’est engagée au dépôt d’un projet de loi pour réformer l’AME, une demande du groupe LR. Mais l’exécutif s’appuiera sur le rapport Stefanini/Evin, qui juge l’AME « utile ».

  • L’interdiction de l’enfermement des mineurs dans les centres de rétention administrative

A noter que la droite a quand même accepté, de son côté, que le texte prévoit l’interdiction de l’enfermement des mineurs dans les centres de rétention administrative (CRA).

 

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