Paris: QAG au Senat

Hamas-Israël : les LR devront attendre avant de voir leur proposition de résolution débattue

Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat défend une proposition de résolution qui marque la solidarité de la France à l’égard d’Israël. Mais le gouvernement n’a pas souhaité inscrire ce texte à l’ordre du jour, bien qu’il soit soutenu par plusieurs membres de la majorité présidentielle.
Romain David

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La proposition de résolution portée par la droite sénatoriale en soutien à Israël, après l’attaque surprise lancée par le Hamas le 7 octobre, ne sera pas débattue dans l’hémicycle avant plusieurs semaines. Le 11 octobre dernier, Bruno Retailleau, président des sénateurs Les Républicains, annonçait au micro de Public Sénat vouloir lancer une initiative parlementaire à travers une « résolution pour condamner les choses et surtout les nommer ». Déposé le jour même à la présidence du Sénat, ce texte, portant sur « la condamnation des crimes terroristes perpétrés par le Hamas et le soutien indéfectible au peuple israélien », a été cosigné par trois autres présidents de groupes : Hervé Marseille, le patron des centristes, François Patriat, chef de file des élus Renaissance au Sénat et Claude Malhuret, qui dirige le groupe Les Indépendants où siègent les soutiens d’Edouard Philippe.

Mais voilà, le gouvernement n’a pas souhaité l’inscrire à l’ordre du jour sur les semaines qui lui sont dévolues au Sénat, au grand dam de la droite, qui espérait une discussion rapide en séance publique, dès ce mercredi.

Soutien et condamnation

Ce texte « condamne avec la plus grande fermeté » les attaques perpétrées par le Hamas, qualifiant les exactions commises contre les populations civiles de « crimes contre l’humanité ». Il rappelle la position de la France face au conflit israélien, celle d’une solution pacifique à deux Etats, conformément à la résolution 181 de l’ONU, adopté le 29 novembre 1947.

La proposition de résolution « récuse toute rhétorique conduisant à relativiser, et donc à légitimer, ou à promouvoir des actes de terrorisme et d’antisémitisme ». Une évocation à peine voilée, semble-t-il, à la position défendue par certains membres de La France insoumise, qui refusent de qualifier le Hamas de groupe « terroriste ». Cette attitude, vivement critiquée au sein de la classe politique, est désormais en train de faire vaciller l’alliance des partis de gauche.

Par ailleurs, ce texte demande à l’exécutif de « prendre toutes les mesures » pour intensifier la lutte contre le terrorisme et ses différents financements, alors que la droite appelle à une suspension des aides européennes et françaises à destination des Palestiniens, d’aucuns considérant qu’elles auraient pu servir au financement du Hamas. Sur ce point, la proposition de résolution « invite le Gouvernement et l’Union européenne, premier bailleur d’aides aux territoires palestiniens, à faire preuve de la plus grande rigueur dans le contrôle des aides apportées à la bande de Gaza. »

« Le gouvernement veut que le Parlement se taise ? »

« J’apprends avec stupéfaction que le gouvernement refuse de la mettre à l’ordre du jour. Par crainte de quoi ? Je le dis solennellement : le ‘Pas de vague’ diplomatique n’est pas seulement une lâcheté, c’est une folie car il renforce d’autant le mépris et la haine de nos ennemis. Nous devons mener le combat, sur tous les fronts, ça suffit de baisser la tête ! », s’est agacé Bruno Retailleau sur X (anciennement Twitter).

Au Sénat, les deux semaines à venir sont consacrées aux travaux de l’exécutif, qui a donc la main sur l’agenda des 15 prochains jours. La semaine du 30 octobre au 4 novembre, en revanche, échoie aux élus selon la répartition du temps parlementaire, ce qui devrait permettre à la droite d’obtenir l’inscription du texte en séance. « Oui mais trop tardif ! », tempête encore Bruno Retailleau auprès de Public Sénat. « Le gouvernement veut que le Parlement se taise ? », interroge le Vendéen.

« C’est une question de responsabilité », tempère François Patriat, qui a signé ce texte. « Il semble naturel que le Parlement assume, sur son propre temps de travail, une proposition qui lui incombe », explique le sénateur de Côte-d’Or. D’autant que le calendrier de l’exécutif s’annonce déjà particulièrement chargé et serré. Au programme : le projet de loi sur le partage de la valeur, qui arrive dans l’hémicycle mardi et dont la discussion devrait se poursuivre mercredi après la séance de questions d’actualité au gouvernement, le projet de loi immigration attendu début novembre et, enfin, le marathon budgétaire de la fin d’année.

« Vu ce qu’il s’est passé, crimes contre l’humanité, c’est bien le minimum »

Mais selon des informations de Public Sénat, une autre raison aurait pu pousser l’exécutif à prendre une certaine distance avec la proposition de résolution. L’Elysée estimerait que le texte ne serait pas totalement en phase avec le discours tenu par Emmanuel Macron, notamment lors de son allocution du 12 octobre. Le qualificatif de « crimes contre l’humanité » pourrait être en cause. Une formule que le gouvernement français n’a pas souhaité reprendre à son compte après l’attaque surprise du 7 octobre, bien que la droite l’y ait invité à plusieurs reprises. « Crime contre l’humanité, c’est la réalité. Ce mot, cette expression-là, faites-la utiliser par l’Europe. Franchement, vu ce qu’il s’est passé, crimes contre l’humanité, c’est bien le minimum », avait notamment lancé le sénateur LR des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi à la Première ministre, Élisabeth Borne, en séance mercredi dernier.

Lors de sa rencontre avec les chefs de parti, la semaine dernière, Emmanuel Macron avait également été interrogé sur ce point. « Il a reconnu que certains actes pouvaient être considérés comme des crimes contre l’humanité, mais cela doit être prouvé. Il s’agit d’une procédure complexe et internationale. Pour l’heure, la priorité n’est pas là. Nous avons beaucoup de dossiers à traiter avant de nous occuper de celui-là. », nous avait alors confié Hervé Marseille, le patron des sénateurs centristes et président de l’UDI. D’autant que depuis cet échange entre le chef de l’Etat et les principaux leaders politiques, l’attentat d’Arras a fait de la menace terroriste la première des urgences pour le gouvernement.

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. 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