Gérard Larcher interpelle le Premier ministre : « La Ve République est un régime parlementaire, sa pratique le fait parfois un peu oublier »

Le 16 janvier, le président du Sénat Gérard Larcher a adressé ses vœux à la Chambre haute, en présence notamment du Premier ministre Gabriel Attal. Il a exprimé le souhait d’« un dialogue plus interactif entre le Parlement et l’exécutif ».
Rose Amélie Becel

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

C’est face à un tout nouveau Premier ministre que le président du Sénat a prononcé ses vœux, ce 16 janvier. L’occasion pour Gérard Larcher de faire passer un message à Gabriel Attal et à son gouvernement : l’année 2024 doit conduire à « un dialogue plus interactif entre le Parlement et l’exécutif ».

Un message d’autant plus important que « l’année 2024 sera une nouvelle année forte pour le bicamérisme », a souligné le président du Sénat, dans un contexte où le parti présidentiel ne dispose pas de majorité à l’Assemblée nationale.

« C’est le Parlement qui vote la loi, pas l’administration de Bercy »

C’est notamment au sujet des textes budgétaires que le président du Sénat réclame une meilleure prise en compte des travaux de la Chambre haute. « Le Sénat a proposé, dans le budget 2024, 7 milliards d’euros d’économies, afin d’engager concrètement le redressement structurel des comptes publics. Nous n’avons pas été écoutés », a déploré Gérard Larcher, regrettant que les amendements introduits par le Sénat dans les textes budgétaires aient ensuite été balayés à l’Assemblée nationale par un 49.3. « C’est le Parlement qui vote la loi et pas l’administration de Bercy », a-t-il rappelé devant Gabriel Attal.

Le sénateur des Yvelines a également mis en garde le gouvernement, associant à sa remarque Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale : « Attention à l’abus des procédures accélérées, ou à la convocation des commissions mixtes paritaires en urgence comme en décembre ». En 2024, Gérard Larcher souhaite ainsi une meilleure prise en compte des débats parlementaires par le gouvernement. « La Ve République est un régime parlementaire, sa pratique le fait parfois un peu oublier », a-t-il souligné.

Le président du Sénat a poursuivi sa réflexion sur les institutions en évoquant le sujet des réformes constitutionnelles, qui doivent être conduites « d’une main tremblante » a-t-il rappelé en paraphrasant Montesquieu. « Si nous prenons les devants de la réflexion sur les institutions, c’est pour faire entendre notre voix », a indiqué Gérard Larcher. Le groupe de travail sur les institutions, lancé à la fin de l’année 2022 et dans lequel figurent notamment tous les présidents de groupe, rendra ses conclusions en la matière « au printemps », a annoncé le président.

Quatre chantiers prioritaires

En ouverture de son discours, le président du Sénat a énuméré les quatre chantiers qui lui semblaient prioritaires pour le pays en 2024. En premier lieu : l’école. Si Gérard Larcher a salué les mesures engagées, notamment en référence au bilan de Gabriel Attal, il estime que « beaucoup reste à faire ». « L’école doit pouvoir assurer sa mission de transmission des savoirs à l’abri des menaces et dans le respect absolu du principe de laïcité », demande-t-il.

« Nous devrons poursuivre le décloisonnement et la territorialisation de notre système de santé », plaide-t-il également, faisant de la santé son second sujet de priorité. Troisième chantier d’importance pour le président du Sénat : le logement. « La crise est là », alerte-t-il, appelant à faire des élus locaux les acteurs essentiels d’une nouvelle politique en la matière.

Enfin, fidèle à la dénomination du Sénat comme « Chambre des territoires », le dernier chantier prioritaire pour Gérard Larcher est celui de la décentralisation. « Le temps n’est plus aux missions, il est à l’action et à la décision », a-t-il martelé. Face à « l’inflation normative », le président du Sénat demande ainsi que soit confié davantage de pouvoir aux collectivités, grâce au retour d’une certaine « autonomie financière et fiscale ». Du côté du Sénat, des propositions de loi seront faites « très bientôt », a annoncé Gérard Larcher, pour faire suite au rapport remis en juillet dernier par le groupe de travail sénatorial sur la décentralisation.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Gérard Larcher interpelle le Premier ministre : « La Ve République est un régime parlementaire, sa pratique le fait parfois un peu oublier »
7min

Parlementaire

Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

Le

PARIS – OCCUPATION SANS ABRI – GYMNASE JAPY- COLLECTIF REQUISITIONS
5min

Parlementaire

Logement : les communistes du Sénat déposent une proposition de résolution transpartisane pour « mettre fin au sans-abrisme des enfants »

Ce texte, co-signé par une cinquantaine de sénateurs issus des différents groupes politiques au sein de la Chambre haute, appelle le gouvernement à bâtir une loi de programmation de l’hébergement et du logement, avec une attention spécifique sur les enfants et les familles. En France, les associations estiment à plus de 2 000 le nombre d’enfants qui dorment chaque jour dans la rue.

Le