Fin du leasing social de voitures électriques : « Il ne faut pas couper les réacteurs au décollage », déplore le directeur de Stellantis Carlos Tavares

D’ici 2030, le groupe automobile Stellantis ambitionne de vendre 100 % de véhicules électriques en Europe. Auditionné au Sénat, le directeur du groupe, Carlos Tavares, a rappelé que la réalisation de cet objectif dépend aussi « de la constance » du soutien de l’État. Il déplore ainsi l’interruption pour 2024 du dispositif de leasing social, qui permettait aux plus défavorisés de louer un véhicule électrique à bas coût.
Rose Amélie Becel

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Auditionné ce 18 mars dans le cadre de la commission d’enquête TotalEnergies, le directeur de Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat…) a livré devant les sénateurs sa vision d’une transition réussie vers la mobilité bas carbone. De son côté, le groupe ambitionne de cesser la vente de véhicules thermiques en Europe à l’horizon 2030, puis d’atteindre la neutralité carbone en 2038.

Pour Carlos Tavares, cette transition énergétique passe par l’accès à « une électricité décarbonée compétitive », par la mise en place d’un réseau de bornes de chargement « perçu comme dense » par les automobilistes, et enfin par la possibilité de vendre les véhicules électriques à un prix abordable. « Il faut que nous puissions vendre un grand nombre de nos véhicules aux classes moyennes, pour ne pas construire une mobilité élitiste qui ne résout pas le problème du changement climatique », a-t-il défendu.

Un soutien de l’État nécessaire face à « l’offensive des constructeurs chinois »

Sur cette question de l’accessibilité, le directeur de Stellantis a salué « l’initiative remarquable » prise par la France avec la création du leasing social. Lancé en décembre dernier, le dispositif devait permettre aux foyers les plus défavorisés de bénéficier d’une location avec option d’achat sur un véhicule électrique, pour un loyer de 100 euros par mois. Victime de son succès, l’opération a été clôturée pour 2024, moins de deux mois après son ouverture. L’État, qui visait la mise en location de 20 000 véhicules, a indiqué qu’il honorerait cette année 50 000 commandes et réouvrirait le dispositif fin 2024.

« Pas moins de 75 % des parts de marché étaient des véhicules de marque Stellantis, pendant la période où le leasing social a été actif », a indiqué Carlos Tavares. S’il salue le « soutien absolu » de l’État dans la mise en œuvre des objectifs climatiques de son entreprise, le directeur de Stellantis déplore tout de même l’interruption du leasing social. « Nous appelons de nos vœux à ce qu’il soit réactivé. (…) C’est dans cette direction qu’il faut aller, mais il ne faut pas couper les réacteurs au décollage », a-t-il déploré.

Filant la métaphore aéronautique, Carlos Tavares a appelé plus largement au soutien des États européens, pour faire face « à l’offensive des constructeurs chinois » : « Si on ne soutient pas notre propre avion, on met en péril, non seulement la mobilité propre pour nos concitoyens, mais aussi notre industrie européenne qui doit faire face à cette compétition. »

Le secteur automobile inquiet des « changements de cap » qui pourraient survenir après les élections américaines et européennes

Interrogé par les sénateurs sur la participation de l’État à l’objectif de neutralité carbone de Stellantis, Carlos Tavares a demandé « de la constance » de la part des pouvoirs publics. « Pour que nous puissions servir, il faut nous donner un environnement raisonnablement stabilisé, pour que nous ayons le temps de développer des technologies qui servent la cause. Nous sommes sur un espace-temps de dix ans, pas de trois ou quatre ans. »

À ce titre, le directeur de Stellantis s’est dit particulièrement attentif aux échéances électorales des prochains mois, aussi bien aux Etats-Unis que dans l’Union européenne. « Il y a un facteur de changement politique majeur que nous ne contrôlons pas. C’est un risque que je sens. Quand on est engagés dans un processus de transition qui va prendre dix ou quinze ans, il est évident que tout changement de cap peut avoir un impact sur la vitesse à laquelle nous allons contribuer à résoudre le problème », s’est inquiété Carlos Tavares.

Pour minimiser ce risque de revirement politique, le directeur de Stellantis s’oppose à l’approche « dogmatique » de la transition énergétique, qu’il dit observer aux Etats-Unis et dans l’Union européenne : « Ceux qui sont plus dogmatiques poussent pour que la transition soit plus rapide, compte tenu de la gravité du sujet, mais au risque d’avoir une population qui se dise, “c’est en train de rendre ma vie plus dure, je vais changer l’orientation de mon vote”. »

Dans le cadre de sa campagne pour sa réélection en novembre prochain, Donald Trump a déjà promis de revenir sur les aides à l’achat de véhicules électriques instaurées par Joe Biden. Sur son réseau social, Truth Social, l’ancien président des Etats-Unis a même souhaité aux utilisateurs de voitures électriques de « rôtir en enfer ». Des déclarations tout en mesure qui inquiètent forcément les constructeurs automobiles.

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. 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