Le Senat, Paris.

Fin de vie : déjà en 1978, un sénateur déposait une proposition de loi « relative au droit de vivre sa mort »

Emmanuel Macron a dévoilé les contours du projet de loi sur la fin de vie qui sera débattu fin mai à l’Assemblée nationale. Retour sur l’un des premiers textes du genre, déposé au Sénat en 1978 par Henri Caillavet.
Romain David

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Le projet de loi pour une aide à mourir, annoncée de longue date, sera présenté en Conseil des ministres en avril. Dans un double entretien auprès de La Croix et de Libération, Emmanuel Macron évoque une « loi de rassemblement », « de fraternité ». Elle devra permettre à un patient majeur, « capable d’un discernement plein et entier », atteint d’une maladie incurable et dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme, de se voir prescrire un produit létal à s’administrer lui-même avec l’assistance d’un tiers. Ce texte vient ponctuer de nombreuses tentatives législatives pour introduire dans le droit français la possibilité d’un « suicide assisté » – un terme récusé par le chef de l’Etat.

L’un des tout premiers jalons a été posé en 1978 au Sénat, par le sénateur Radical du Lot-et-Garonne, Henri Caillavet, avec une proposition de loi « relative au droit de vivre sa mort ». Si ce texte ne va pas jusqu’à proposer une aide à mourir ou une euthanasie, il aborde frontalement la question de l’acharnement thérapeutique à une époque « où les progrès de la médecine ont prolongé considérablement la durée de la vie humaine » et anticipe, avec pratiquement trente ans d’avance, la législation actuellement en vigueur depuis la loi Leonetti de 2005 qui autorise l’arrêt des traitements.

Un législateur en avance sur son temps

Juriste de formation, franc-maçon, Henri Caillavet a fait de la lutte contre les discriminations l’un de ses principaux combats politiques. Dans les années 1970, ses travaux parlementaires sur la dépénalisation de l’homosexualité ou le changement d’état-civil des personnes transsexuelles annoncent les grandes lois sociétales des années 1980. Il est également l’auteur de l’un des premiers textes sur le divorce par consentement mutuel. Au Sénat, il est resté comme le rapporteur de la loi Veil sur la légalisation de l’IVG.

La proposition de loi qu’il dépose en avril 1978 doit permettre à un malade incurable de se départir de tout traitement, sans que le corps médical ne soit inquiété par des poursuites judiciaires « Tout homme n’a-t-il pas le droit de refuser la technologie médicale si elle lui apparaît excessive, déshumanisante, génératrice de douleurs supplémentaires, et, surtout, tragiquement inutile, lorsque l’issue fatale ne peut être évitée ? Faut-il la vie à n’importe quel prix ? », interroge Henri Caillavet dans l’exposé des motifs.

La mise en place de directives anticipées

Quelques années plus tôt, en septembre 1976, l’Etat de Californie a autorisé les malades sains d’esprit à refuser tout traitement qui n’aurait pour seul effet que de retarder leur mort. Un exemple largement invoqué par Henri Caillavet, alors qu’en France, le Code pénal sanctionne « le médecin qui ne mettrait pas tout en œuvre pour sauver la vie de son malade », indépendamment de la volonté de ce dernier. La proposition de loi prévoit la mise en place de directives anticipées qui doivent orienter la décision des médecins si le malade n’est plus en état de l’exprimer.

À l’époque, le mécanisme paraît complexe et difficilement applicable. « Que se passera-t-il si, inconscient à l’approche de la mort, le patient n’est plus à même de révéler cette déclaration et que le dépositaire de celle-ci ignore l’état du déclarant ? », relève l’un des rapporteurs du texte, le sénateur de centre-droit Jean-Marie Girault. Il dénonce également une rédaction trop globale, qui ne fait pas le distinguo entre un malade en phase terminale ou un patient atteint d’une maladie chronique comme le diabète. La commission des lois évoque même une forme « d’euthanasie passive ».

Le texte est finalement rejeté en séance publique le 7 mai 1980. Ironie du sort, à en croire le compte rendu des débats publié à l’époque par le journal Le Monde, le secrétaire d’Etat à la Justice avait reproché au sénateur Caillavet de chercher de « formaliser » une situation déjà admise.

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

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