Energie : le Sénat prolonge le « filet de sécurité » et multiplie les dépenses pour les collectivités

Dans le cadre de l’examen du budget, les sénateurs ont reconduit le filet de sécurité qui permet de compenser pour les collectivités la hausse des prix de l’énergie. Une mesure adoptée contre l’avis du rapporteur LR et du ministre. Ils ont aussi adopté une autre mesure d’aide, dont le coût pourrait atteindre 750 millions d’euros. Bruno Retailleau a dû intervenir pour freiner les ardeurs dépensières de ses collègues.
François Vignal

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C’est bientôt Noël. Les sénateurs ont multiplié ce jeudi, dans le cadre de l’examen du budget 2024, les mesures en faveur des collectivités. Comme souvent, les sénateurs sont au chevet des collectivités territoriales, que la Haute assemblée représente selon la Constitution, et dont les élus composent également le corps électoral élisant les sénateurs.

Après avoir adopté dans l’après-midi une hausse de la dotation globale de fonctionnement, ainsi qu’un fonds d’urgence climatique de 100 millions d’euros pour les collectivités, le Sénat a adopté en début de soirée la reconduction du filet de sécurité pour les communes en difficulté. « Cet amendement vise à alerter le gouvernement sur la situation critique qu’éprouvent certaines communes face à l’augmentation des coûts de l’énergie », a souligné le sénateur centriste, François Bonneau.

« Il est essentiel de soutenir les collectivités face à l’augmentation permanente de leurs dépenses »

La mesure date de l’année dernière. « La loi de finances pour 2023 a instauré un « filet de sécurité » visant à compenser partiellement aux collectivités territoriales la forte augmentation de leurs dépenses dues à l’inflation des coûts de l’énergie, dès lors qu’une collectivité enregistre une baisse de 15 % de son épargne brute entre 2022 et 2023. Notre objet était d’inciter les collectivités à maintenir en 2023 leur niveau d’investissement local pour continuer de soutenir l’économie », a détaillé la sénatrice UDI du Pas-de-Calais, Amel Gacquerre, défendant un amendement similaire.

« Alors que l’investissement public local représente 70 % de l’investissement public, il est essentiel de soutenir les collectivités face à l’augmentation permanente de leurs dépenses. Ainsi, le présent amendement propose de prolonger le « filet de sécurité » », avance la sénatrice, qui détaille le dispositif : « La dotation proposée est égale à 50 % des hausses de dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain pour les communes et leurs groupements dont l’épargne brute a enregistré en 2023 une baisse de plus de 25 % ».

« Il n’est pas nécessaire de rétablir un filet pour l’année 2024 car le contexte a beaucoup changé : le prix de l’électricité a été divisé par cinq par rapport à l’année 2022 », souligne le ministre

Voyant sûrement l’addition s’allonger, le rapporteur LR du budget, le sénateur Jean-François Husson, a émis un avis « défavorable » sur ces amendements. Même avis du ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, qui a développé son opposition : « Je crois qu’il n’est pas nécessaire de rétablir un filet pour l’année 2024. Tout d’abord car le contexte a beaucoup changé : le prix de l’électricité a été divisé par cinq par rapport à l’année 2022, par trois pour le prix du gaz. En revanche, vous avez raison, il y a certaines collectivités qui sont bloquées avec des contrats signés au plus haut, pour lesquelles ça peut poser des difficultés. Pour ces collectivités, nous maintenons l’amortisseur. Il est prolongé en 2024 et renforcé, c’est-à-dire qu’on peut prendre jusqu’à 75 % des coûts en fonction d’un prix du mégawatt/heure. Pour 2023, c’est presque de 24.000 collectivités qui en ont bénéficié pour 1 milliard d’euros. C’est un dispositif utile et efficace », avance le ministre, qui s’oppose donc, en revanche, à la prolongation du filet de sécurité. Le gouvernement pourra revenir sur cette décision, lors du probable recours au 49.3, à l’occasion du retour du texte devant les députés.

Le vote sur ces amendements, serrés, a nécessité un « assis/debout », pour vérifier. Malgré le vote contre des LR, qui n’ont pas la majorité sans l’Union centriste, les amendements centristes été adoptés avec les voix de la gauche.

Les sénateurs ont cherché ensuite à compenser, cette fois en vain, la hausse des dépenses de restauration scolaire. « Ça ne s’inscrit pas tout à fait dans la logique à laquelle on appelle, qui est aussi d’avoir un esprit de responsabilité par rapport à la dépense publique », a tenté de freiner Jean-François Husson. Le ministre Thomas Cazenave lui prête main forte pour le coup, remettant les choses, ou plutôt les dépenses, en perspective :

 A ce stade de la discussion, s’agissant des collectivités, vous avez voté à peu près 1 milliard d’euros de plus. Je pense en effet que c’est assez incompatible avec un discours de responsabilité de redressement des comptes publics. 

Thomas Cazenave, ministre des Comptes publics.

Compensation rétroactive pour les dépenses des communes sur les aménagements de terrains sportifs

Après la pause dîner, l’addition s’est de nouveau alourdie dans la nuit. Les sénateurs ont adopté une mesure de compensation rétroactive des dépenses pour l’agencement et l’aménagement des terrains sportifs par les communes, qui n’étaient plus comprises depuis 2021 dans le calcul du FCTVA, le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. Réintroduite dans le calcul pour 2024 par le gouvernement, mesure saluée par les sénateurs de tous les bancs, la rétroactivité porte sur les années 2021, 2022 et 2023, comme l’a expliqué le sénateur LR Michel Savin, qui a défendu avec d’autres sénateurs, de gauche et du centre, la mesure. « L’objet est de corriger cette inégalité de traitement », soutient le sénateur de l’Isère.

La note, qui s’alourdit à vue d’œil, commence à faire tousser le rapporteur, comme le ministre. « Soit on se fait plaisir et c’est une ardoise de 750 millions d’euros. C’est 250 millions par an, et ce sera sur 3 ans. Je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur choix à faire », a tenté de cadrer Jean-François Husson, « à la place que j’occupe, j’essaie aussi de faire attention à la dépense publique ». « La rétroactivité, c’est un montant entre 500 et 750 millions d’euros. Est-ce raisonnable ? Je ne le crois pas », a renchéri Thomas Cazenave. Peine perdue, l’amendement a été adopté.

« Je sais qu’on est la chambre des territoires. Mais à quel prix on peut le faire ? En dépensant des milliards ? » met en garde Bruno Retailleau

Ne comptant pas s’arrêter en si bon chemin, d’autres amendements venant aider financièrement les collectivités ont suivi. Jean-François Husson donne le tarif, sans autre explication : « 7 milliards d’euros » pour l’une des mesures, qui n’a finalement pas été adoptée. Avant d’alerter (voir le début de la vidéo ci-dessous) :

 Notre débat n’est pas à la hauteur de la responsabilité qui est la nôtre. Et je ne veux pas être désagréable, mais il n’est pas à la hauteur du Sénat. 

Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.

Il est 22h40 et Bruno Retailleau, patron du groupe LR, vient siffler la fin de la partie. Ou plutôt arrêter les frais. « On vient de voter un amendement sur la rétroactivité. Je sais qu’on est la chambre des territoires. Mais à quel prix on peut le faire ? En dépensant des milliards ? Toujours plus de milliards ? On est aussi comptable de la France. Au niveau européen on vient de passer du 23e au 25e rang pour l’endettement », met en garde Bruno Retailleau. Regardez (seconde partie de la vidéo) :

Les multiples dépenses votées par des sénateurs de son groupe vont pour le coup à l’encontre du discours porté, chaque année, par celui qui en est à la tête. A savoir, faire des économies dans la dépense publique. On comprend mieux son coup de gueule nocturne. « Comme disait Balzac, aucune génération n’a le droit d’en amoindrir une autre. Et à accumuler des dettes, je crois que c’est ce que nous faisons », a conclu Bruno Retailleau, dont le rappel des troupes semble avoir eu de l’effet, du moins pour un temps.

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». 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Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. 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