Rencontres de Saint-Denis : la lettre d’Emmanuel Macron laisse toujours les oppositions dans l’expectative

Emmanuel Macron veut-il présider en contournant le Parlement ?

Devant les parlementaires de la majorité hier soir, Emmanuel Macron a affirmé souhaiter « le moins de lois possibles, les plus simples possibles, pour éviter l’encombrement et surtout l’illisibilité ». Près d’un an avant, il avait formulé le même souhait lors d’une interview. Régulièrement critiqué pour un exercice solitaire du pouvoir, « jupitérien », quelle est la conception du Président du rôle du Parlement ?
Mathilde Nutarelli

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Après son élection en 2017, Emmanuel Macron avait été surnommé « Jupiter », en référence à sa volonté d’incarner le pouvoir. Depuis, ce surnom persiste. Pendant la séquence du remaniement début janvier, en particulier, tant il a été présent dans l’élaboration du nouveau gouvernement. Dans le reproche à peine voilé que porte ce qualificatif, pointe une critique de la manière dont le Président considère et traite le Parlement dans son exercice du pouvoir.

Depuis 2017, l’essor du parlementarisme rationalisé

La critique refait surface, au lendemain du discours d’Emmanuel Macron devant les parlementaires de la majorité, au cours duquel il leur a dit souhaiter « le moins de lois possibles, les plus simples possibles, pour éviter l’encombrement et surtout l’illisibilité ». Presque un an plus tôt, lors d’une interview sur TF1 et France 2 en mars 2023, il avait déjà affirmé vouloir « moins de textes de loi, des textes plus courts, plus clairs, pour aussi changer les choses pour nos compatriotes de manière plus tangible ». Le Président en veut-il au Parlement ?

Depuis 2017, et particulièrement depuis 2022 et la majorité relative à l’Assemblée nationale, des initiatives présidentielles se sont multipliées : de la Convention citoyenne pour le climat au Grand débat, du Conseil national de la refondation aux rencontres de Saint-Denis, le Parlement n’y a pas joué le rôle central. Et puis les vingt-trois 49.3 utilisés par Elisabeth Borne, et les outils du parlementarisme rationalisé utilisés pendant la réforme des retraites. Un « contournement du Parlement » duquel même Gérard Larcher s’est inquiété en août 2022 dans une interview au Figaro.

Il faut dire que depuis les élections législatives de 2022, l’exécutif ne dispose plus d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, ce qui l’a obligé à repenser sa manière de travailler et a rendu laborieux l’examen de textes difficiles, comme la réforme des retraites ou le projet de loi immigration.

Un exercice du pouvoir propre à la Ve République ?

Cette « hyperprésidentialisation » tant décriée est permise par le fonctionnement de la Ve République, qui laisse des marges de manœuvre importantes à l’exécutif sur le législatif. C’est le premier qui fixe l’ordre du jour du dernier, il peut contraindre la durée d’examen des textes, le droit d’amendement du Parlement est restreint, … Mais cela n’explique pas tout. « Cette pratique existe grâce aux outils du parlementarisme rationalisé, dont font partie le 49.3 et le quinquennat », explique Virginie Martin, docteure en science politique et professeure chercheuse à la Kedge Business School. « Mais la Vème est plus souple qu’on ne le croit, il y a déjà eu des cohabitations, elle peut prendre toutes les formes », nuance-t-elle, « Michel Rocard a employé le 49.3 à n’en plus finir, mais il y avait une façon de gouverner qui n’était pas la même que celle d’Emmanuel Macron. Lui, il impose l’exécutif ».

C’est que depuis la création de la Ve République, et même depuis le passage au quinquennat le paysage politique français a beaucoup changé. La volonté de dépassement du clivage droite gauche et le déclin des grands partis traditionnels ont profondément chamboulé les équilibres et la façon dont on fait de la politique. Avec sa manière plus personnelle de gouverner, Emmanuel Macron s’en tient à ce qu’il souhaitait incarner en 2017 : une autre façon de faire de la politique, loin des pratiques habituelles. « L’absence de parti fort qui lui préexistait est capitale pour comprendre l’exercice du pouvoir d’Emmanuel Macron », analyse Virginie Martin, « le parti est un contrepoids, un contrepouvoir. Or, Renaissance, ou la République en marche n’a été fondée qu’autour de lui, elle en a même pris les initiales ».

« Une vision jupitérienne et verticale du pouvoir »

Les outils du parlementarisme rationalisé de la Ve République, permettent ainsi à l’exécutif de contourner certains des blocages que peut créer le Parlement. Mais cette pratique du pouvoir est aussi fortement liée à la personnalité et au parcours d’Emmanuel Macron. « Il n’a jamais été parlementaire, il a une vision jupitérienne et verticale du pouvoir », explique Pascal Perrineau, politologue et ancien directeur du Cevipof. « Il n’a pas le parcours de méritocratie républicaine habituel : il n’a pas été élu local ni parlementaire. Il n’a pas la culture de la patience et du consensus sur le temps long, il est dans une logique d’efficacité entrepreneuriale », renchérit Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat.

Cet exercice du pouvoir a de quoi exaspérer les oppositions. Le socialiste cité plus haut regrette un « autoritarisme » du Président. « Le Parlement, ça fait bien longtemps qu’il ne le pratique plus, et quand il considère que c’est un obstacle, il faut l’évacuer », regrette-t-il sur le plateau de Public Sénat, « c’est dangereux pour la démocratie ». Des critiques que François Patriat, président du groupe RDPI (Renaissance) au Sénat, balaie : « Emmanuel Macron ne méprise pas le Parlement, il prend acte de la réalité du débat parlementaire ». « Il faut des lois que les Français comprennent, ils s’attendent à ce qu’on simplifie leur quotidien. Une loi met déjà un an à être votée et deux ans à être appliquée, tout ne passe pas par des lois. », argumente-t-il, « par exemple, sur le prélèvement à la source, cela n’a nécessité qu’une mesure réglementaire, et pourtant cela simplifie la vie des Français ». Entre efficacité et temps long du parlementarisme, le juste milieu semble difficile à trouver à l’heure de la majorité relative.

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. 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