La proposition de loi du député LR, Philippe Gosselin visant à restreindre une nouvelle fois le droit du sol à Mayotte, qui avait été adoptée dans la confusion à l’Assemblée en février dernier, a vu son parcours se poursuivre dans le calme au Sénat, ce mardi. Adopté par les sénateurs, le texte prévoit de conditionner l’obtention de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte à la résidence régulière sur le sol français, au moment de la naissance, d’un des parents et ce depuis un an (et non plus trois mois).
Pour mémoire, cette première dérogation au droit du sol existe déjà à Mayotte. Elle avait été votée dans le cadre d’un projet de loi sur l’immigration en 2018. La population de Mayotte est estimée par l’Insee à quelque 320 000 habitants, près de la moitié des habitants sont des étrangers.
A la tribune du Sénat, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin a confié vouloir aller « au-delà » de ce nouveau durcissement de la condition d’accès à la nationalité sur le département. « Mais il nous faut respecter pour l’instant notre cadre constitutionnel en attendant d’avoir la majorité politique pour le réformer. Nul doute que ce débat aura lieu lors de la prochaine élection présidentielle », a-t-il regretté.
« Aller au-delà », de la version votée par le Sénat ce soir, c’est ce qu’ont fait les députés, le mois dernier, au terme d’une séance houleuse. Dans la confusion, des députés de gauche avaient voté par inadvertance un amendement de l’UDR qui étendait le délai de résidence à trois ans. Gérald Darmanin, avait alors promis de revenir sur le délai initial lors de l’examen de la proposition de loi au Sénat. Un délai de trois ans faisait, en effet, courir le risque de censure du Conseil constitutionnel.
« Nous le savons, cette proposition de loi, à elle seule, ne permettra pas de réduire la pression migratoire »
Le rapporteur LR, Stéphane Le Rudulier a donc « sécurisé juridiquement » la proposition de loi en commission en ramenant le délai de résidence d’un parent. La commission était également revenue sur l’extension de l’obligation de résidence des deux parents (contre un seul actuellement), votée par les députés car elle entraînerait une rupture d’égalité pour les enfants issus d’une famille monoparentale, et donc ferait courir, là encore, le risque d’inconstitutionnalité. La commission a aussi supprimé l’obligation pour le parent de présenter un passeport biométrique à l’officier d’état civil, pour justifier de la durée de résidence régulière en France. Tous les pays ne délivrant pas de passeport biométrique, le rapporteur a en effet considéré que cette obligation pouvait causer « une discrimination selon l’origine ou la nationalité ».
« Nous le savons, cette proposition de loi, à elle seule, ne permettra pas de réduire la pression migratoire », a reconnu Stéphane Le Rudulier, appelant de ses vœux une « réponse globale », avec la mise en place d’un rideau de fer et d’une politique de coopération entre Mayotte et les Comores, ou encore le durcissement des conditions d’obtention des titres de séjour.
« Vous faites ça pour vous attaquer au droit du sol tout court »
La gauche s’est farouchement opposée à ce texte. Les groupes socialistes et écologistes ont défendu, sans succès, des motions préalables de rejet. La sénatrice écologiste, Mélanie Vogel a cité le rapport de la commission des lois. Ce rapport relève que la réforme de 2018 « a permis de diminuer le nombre d’acquisition de la nationalité française au titre du droit du sol », « sans pour autant endiguer la pression migratoire. « Vous faites ça pour vous attaquer au droit du sol tout court, pour rendre acceptable la remise en cause d’un fondement de la République », a-t-elle accusé, estimant que le texte n’allait que « nourrir la clandestinité ».
« On est passé de 12 000 naissances par an à 9 000 (à la maternité de Mamoudzou », a répondu Stéphane Le Rudulier estimant « qu’il fallait envoyer un message fort aux Mahorais et aux Comores ».
Du coté des sénateurs Mahorais, Salama Ramia (RDPI) ce texte « n’est qu’une réponse partielle pour lutter contre l’immigration illégale » mais a invité, néanmoins, ses collègues à le voter. Saïd Omar Oili, sénateur PS, a lui estimé que la proposition de loi donnait « de faux espoirs » aux Mahorais, et a proposé « la suppression des cartes de séjour territorialisées pour les étrangers en situation régulière ». « On peut évaluer à 90 000 étrangers en situation régulière qui sont assignés à résidence ».
Députés et sénateurs devront désormais s’accorder sur une version commune en commission mixte paritaire.