Les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte seront peut-être moins durcies que prévu. Ce 25 mars, les sénateurs examineront une proposition de loi visant à restreindre le droit du sol sur l’archipel. Depuis 2018, une dérogation existe déjà sur le territoire, exigeant la présence de façon régulière sur le territoire de l’un des deux parents depuis au moins trois mois, pour qu’un enfant de parents étrangers puisse acquérir la nationalité française.
Voté à l’Assemblée début février, le texte porté par le député Les Républicains Philippe Gosselin prévoyait de porter cette obligation à trois ans, pour les deux parents au lieu d’un. Un durcissement jugé trop important par la commission des lois du Sénat, qui a préféré réduire cette durée à un an, pour un seul des deux parents. Des ajustements notamment proposés par le rapporteur du texte à la chambre haute, Stéphane Le Rudulier (Les Républicains), qui entend ainsi « sécuriser juridiquement » la proposition de loi.
Les dispositions votées à l’Assemblée jugées « disproportionnées »
La commission des lois, qui a voté cette version allégée du texte le 19 mars dernier, a en effet jugé « disproportionnée » l’exigence de trois ans de résidence régulière sur le sol français. S’appuyant sur la décision rendue par le Conseil constitutionnel en 2018, pour valider les premières restrictions au droit du sol à Mayotte, les Sages précisent en effet que le législateur peut durcir les règles d’acquisition de la nationalité sur l’archipel, mais seulement « dans une certaine mesure ». « Les auditions conduites par le rapporteur ont montré qu’une durée de trois ans pourrait être jugée excessive par le Conseil constitutionnel », explique le sénateur Stéphane Le Rudulier dans son rapport.
En réalité, le texte initial de l’Assemblée prévoyait bien de porter la durée de résidence régulière sur le territoire à un an. C’est à la faveur d’un amendement du groupe d’Eric Ciotti, voté par erreur par les groupes de gauche lors de l’examen du texte dans l’hémicycle, que cette durée de résidence a été étendue à trois ans. La proposition de la commission des lois du Sénat devrait donc recevoir le soutien du gouvernement. Devant les députés, le ministre de la Justice Gérald Darmanin avait déjà exprimé son souhait d’un retour à la version initiale du texte, lors du débat à la chambre haute.
La commission est également revenue sur l’extension de l’obligation de résidence aux deux parents. Celle-ci paraît d’abord « inconstitutionnelle », estime le rapporteur, car elle entraînerait une rupture d’égalité pour les enfants issus d’une famille monoparentale. Les sénateurs craignent aussi les effets pervers de cette disposition, qui risquerait d’ « amplifier le nombre de reconnaissances frauduleuses de paternité ». Enfin, un amendement de la députée mahoraise Estelle Youssouffa (Liot) prévoyait initialement l’obligation pour les parents de présenter un passeport biométrique à l’officier d’état civil, pour justifier de la durée de résidence régulière en France. Une mesure également supprimée par la commission des lois du Sénat, de nouveau pour des raisons constitutionnelles. Tous les pays ne délivrant pas de passeport biométrique, le rapporteur a en effet considéré que cette obligation pouvait causer « une discrimination selon l’origine ou la nationalité ».
Une proposition de loi soutenue par le gouvernement
Malgré ces assouplissements, les sénateurs disent « souscrire à l’objectif de ce texte ». Dans un rapport d’information publié en octobre 2021, le Sénat pointait déjà la « situation migratoire structurellement problématique » sur l’archipel. La population de Mayotte est estimée par l’Insee à environ 320 000 habitants, dont « près de la moitié sont des étrangers ». Selon une enquête menée par l’institut en 2016, la moitié de ces étrangers était à l’époque « en situation irrégulière ».
Alors que le débat sur l’immigration à Mayotte a été relancé par le passage dévastateur du cyclone Chido, mi-décembre, le gouvernement avait apporté son soutien à la proposition de loi lors de son examen à l’Assemblée. La procédure accélérée a été déclenchée sur le texte, permettant de limiter la navette entre les deux chambres.
L’examen du texte pourrait aussi entraîner un débat plus large sur la question du droit du sol. À l’Assemblée, Gérald Darmanin s’était exprimé à titre personnel en faveur d’une réforme de la Constitution pour modifier les modalités du droit du sol, via un référendum.