Direct
Parlementaire

Mickaëlle Paty : « Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là »

Mickaëlle Paty : « Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là »

Trois ans après l’assassinat de Samuel Paty et 4 jours après l’attentat d’Arras où Dominique Bernard a perdu la vie, les sénateurs ont entendu la sœur de Samuel Paty. Mickaëlle Paty dénonce les failles de l'enquête
Rédaction Public Sénat

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

La sœur de Samuel Paty, avait demandé le 25 mai dernier à Gérard Larcher et François-Noël Buffet, respectivement président du Sénat et président de la commission des Lois, d’ouvrir une commission d’enquête sur « les dysfonctionnements qui ont conduit à l’assassinat » de son frère le 16 octobre 2020.  La commission des lois et la commission de la culture se sont conjointement dotées des pouvoirs s’une commission d’enquête, le 15 juin dernier. La commission d’enquête qui vise à  examiner les mécanismes de protection  pour les enseignants victimes d’agressions, prend d’autant plus son sens après l’assassinat de Dominique Bernard, tué au collège-lycée Gambetta à Arras par un jeune islamiste radicalisé.

Revivez l’audition de Mickaëlle Paty à partir de 15h, avec notre live ci dessous

16h28

« La laïcité telle que nous la connaissons vacille »

En conclusion, le président de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet a relevé que les propos de Mickaëlle Paty « faisaient écho » aux auditions d’enseignants déjà menées par la commission d’enquête, en particulier sur « la solitude » des professeurs, mais également sur le fait que « la nouvelle génération de professeurs n’avaient pas la même notion de la laïcité que leurs anciens collègues ». « La laïcité telle que nous la connaissons vacille », a-t-il relevé.

16h20

« Les jeunes professeurs ont une formation tout à fait succincte par rapport à la laïcité »

Mickaëlle Paty a évoqué « l’auto-censure » chez certains professeurs lorsqu’il s’agit d’aborder la laïcité qu’elle attribue « à un manque de courage et à un manque de connaissance aussi ». « Tous ces jeunes professeurs ont une formation tout à fait succincte par rapport à la laïcité. On les jette dans la fosse en leur demandant de se débrouiller eux-mêmes (…) Il faut reprendre la main sur l’enseignement supérieur pour qu’un système de contrôle soit mis en place sur ce qui est fait et comment cela est fait ».

16h05

« Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là »

En réponse à une question du sénateur PS, Hussein Bourgi, Mickaëlle Paty ne pense pas que « la mort de son frère ait servi à quelque chose, sinon peut-être que Dominique Bernard serait encore là ». « Les mesures n’ont pas du tout été prises car l’affaire de mon frère n’a absolument pas été analysée ». La sœur de Samuel Paty pointe ici du doigt « l’entrisme islamique dans nos écoles qui prend de plus en plus de place ». Pour y répondre elle recommande de mener un « combat idéologique ». Mickaëlle Paty est également revenue sur une question concernant la formation au respect de la laïcité des professeurs dans les Inspés. « Pour avoir côtoyé certains formateurs en Inspés qui eux-mêmes sont déjà fourvoyés dans une laïcité ouverte, transmettent forcément une laïcité ouverte […] il y a un traitement complètement diffèrent dans l’enseignement supérieur où la loi de 2004 n’est pas appliquée »

15h47

 « Il (Samuel Paty) pensait en tout cas qu’à la fin il allait gagner grâce à la justice »

Le sénateur LR Henri Leroy a demandé à Mickaëlle Paty de « suggérer des mesures préventives » à destination des enseignants. Pour sa sœur cadette, la « première attitude » à attendre de la part de l’institution scolaire serait de proposer « d’emblée » à l’enseignant menacé « une mise en retrait ». « Cela se fait tout de suite, il n’y a pas besoin de remplir des formulaires. C’est le premier geste de l’Éducation nationale à faire ».

Mickaëlle Paty a précisé, toujours en réponse au même sénateur, que sa famille n’avait pas été informée des menaces qui pesaient sur son frère. « Nous ne sommes pas des personnes à vouloir spécialement

Elle relate également l’un des échanges par email que son frère avait engagé avec la principale du collège : « Il pensait qu’il était plus ou moins protégé […] Il pensait en tout cas qu’à la fin il allait gagner grâce à la justice. Sauf que malencontreusement, il est mort avant qu’il n’y ait pu avoir justice, par rapport aux propos calomnieux que M. Chnina a pu faire envers mon frère ou M. Sefrioui. »

15h24

« Défendre les valeurs républicaines est bel et bien une prise de risque »

« IL ne saurait y avoir d’omerta dans l’Education nationale » : la formule prononcée en juillet 2023 par le ministre de l’Education nationale d’alors, Pap Ndiaye, ne passe pas pour la sœur de Samuel Paty. « Qu’est-ce cela veut dire concrètement ? Le ministre sanctionnerait-il celui qui n’applique pas le programme ? Mais quel est le soutien de l’institution quand un professeur relève le défi d’assurer son programme ? » Pour Mickaëlle Paty, « il faut bien reconnaître que défendre les valeurs républicaines est bel et bien une prise de risque. La menace de se prendre une Samuel Paty est devenue l’arme de toute censure islamique. »

15h14

Mickaëlle Paty critique la manière dont a été conduite l’enquête de l’Inspection générale de l’Education

Elle épingle le contenu du rapport publié par une mission d’inspection sur l’attentat survenu contre son frère, professeur du collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine. « Seuls trois professeurs ont été entendus sur les 51 qui composent l’équipe pédagogique, versus 4 représentants des parents d’élève, inversant ainsi le rapport de force », s’étonne-t-elle, avant de relever la rapidité de rédaction du rapport, « bouclé ou bâclé en 15 jours ».

15h13

 « Je crois que je ne voulais pas que ce corps meurtri soit celui de mon frère »

Devant les sénateurs, Mickaëlle Paty a salué le développement de l’enseignement de l’empathie dans les établissements scolaires que promeut depuis la rentrée, le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal. « L’empathie permet de rétablir qui est victime et qui est bourreau et non d’avoir à se confronter à des bourreaux prétendument victimes. C’est ainsi qu’on finit avec des victimes sans coupable voire des victimes un peu responsables », a-t-elle exposé avant d’indiquer que sa « réaction première » après avoir vu « un visuel » de son frère à l’institut médicolégal a été de dire : « Ce n’est pas lui ». « Je crois que je ne voulais pas que ce corps meurtri soit celui de mon frère ».

 

15h10

« Le simple fait qu’un professeur ait pu être décapité pour blasphème en 2020 démontre que faille, il y a », estime Mickaëlle Paty

15h07

« Je dédis ce texte à celui qu’on n’a pas sauvé, Dominique Bernard »

La sœur de Samuel Paty débute son discours liminaire devant les sénateurs de la commission d’enquête en rendant hommage à Dominique Bernard, enseignant de lettres assassiné à Arras vendredi par un jeune islamiste radicalisé

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

ISSY-LES-MOULINEAUX: France 24, press conference
3min

Parlementaire

France Médias Monde : les sénateurs alertent sur la baisse des crédits dans un contexte de guerre informationnelle

Dans un communiqué, la commission des Affaires étrangères du Palais du Luxembourg déplore le « désarmement informationnel » engagé par le budget 2025 avec une réduction de 10 millions d’euros à l’audiovisuel extérieur. En conséquence, les élus ont voté un amendement de transfert de crédits de 5 millions d’euros de France Télévisions à France Médias Monde (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya).

Le

Mickaëlle Paty : « Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là »
7min

Parlementaire

Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

Le