Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Mickaëlle Paty : « Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là »
Mickaëlle Paty : « Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là »
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La sœur de Samuel Paty, avait demandé le 25 mai dernier à Gérard Larcher et François-Noël Buffet, respectivement président du Sénat et président de la commission des Lois, d’ouvrir une commission d’enquête sur « les dysfonctionnements qui ont conduit à l’assassinat » de son frère le 16 octobre 2020. La commission des lois et la commission de la culture se sont conjointement dotées des pouvoirs s’une commission d’enquête, le 15 juin dernier. La commission d’enquête qui vise à examiner les mécanismes de protection pour les enseignants victimes d’agressions, prend d’autant plus son sens après l’assassinat de Dominique Bernard, tué au collège-lycée Gambetta à Arras par un jeune islamiste radicalisé.
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« La laïcité telle que nous la connaissons vacille »
En conclusion, le président de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet a relevé que les propos de Mickaëlle Paty « faisaient écho » aux auditions d’enseignants déjà menées par la commission d’enquête, en particulier sur « la solitude » des professeurs, mais également sur le fait que « la nouvelle génération de professeurs n’avaient pas la même notion de la laïcité que leurs anciens collègues ». « La laïcité telle que nous la connaissons vacille », a-t-il relevé.
« Les jeunes professeurs ont une formation tout à fait succincte par rapport à la laïcité »
Mickaëlle Paty a évoqué « l’auto-censure » chez certains professeurs lorsqu’il s’agit d’aborder la laïcité qu’elle attribue « à un manque de courage et à un manque de connaissance aussi ». « Tous ces jeunes professeurs ont une formation tout à fait succincte par rapport à la laïcité. On les jette dans la fosse en leur demandant de se débrouiller eux-mêmes (…) Il faut reprendre la main sur l’enseignement supérieur pour qu’un système de contrôle soit mis en place sur ce qui est fait et comment cela est fait ».
« Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là »
En réponse à une question du sénateur PS, Hussein Bourgi, Mickaëlle Paty ne pense pas que « la mort de son frère ait servi à quelque chose, sinon peut-être que Dominique Bernard serait encore là ». « Les mesures n’ont pas du tout été prises car l’affaire de mon frère n’a absolument pas été analysée ». La sœur de Samuel Paty pointe ici du doigt « l’entrisme islamique dans nos écoles qui prend de plus en plus de place ». Pour y répondre elle recommande de mener un « combat idéologique ». Mickaëlle Paty est également revenue sur une question concernant la formation au respect de la laïcité des professeurs dans les Inspés. « Pour avoir côtoyé certains formateurs en Inspés qui eux-mêmes sont déjà fourvoyés dans une laïcité ouverte, transmettent forcément une laïcité ouverte […] il y a un traitement complètement diffèrent dans l’enseignement supérieur où la loi de 2004 n’est pas appliquée »
« Il (Samuel Paty) pensait en tout cas qu’à la fin il allait gagner grâce à la justice »
Le sénateur LR Henri Leroy a demandé à Mickaëlle Paty de « suggérer des mesures préventives » à destination des enseignants. Pour sa sœur cadette, la « première attitude » à attendre de la part de l’institution scolaire serait de proposer « d’emblée » à l’enseignant menacé « une mise en retrait ». « Cela se fait tout de suite, il n’y a pas besoin de remplir des formulaires. C’est le premier geste de l’Éducation nationale à faire ».
Mickaëlle Paty a précisé, toujours en réponse au même sénateur, que sa famille n’avait pas été informée des menaces qui pesaient sur son frère. « Nous ne sommes pas des personnes à vouloir spécialement
Elle relate également l’un des échanges par email que son frère avait engagé avec la principale du collège : « Il pensait qu’il était plus ou moins protégé […] Il pensait en tout cas qu’à la fin il allait gagner grâce à la justice. Sauf que malencontreusement, il est mort avant qu’il n’y ait pu avoir justice, par rapport aux propos calomnieux que M. Chnina a pu faire envers mon frère ou M. Sefrioui. »
« Défendre les valeurs républicaines est bel et bien une prise de risque »
« IL ne saurait y avoir d’omerta dans l’Education nationale » : la formule prononcée en juillet 2023 par le ministre de l’Education nationale d’alors, Pap Ndiaye, ne passe pas pour la sœur de Samuel Paty. « Qu’est-ce cela veut dire concrètement ? Le ministre sanctionnerait-il celui qui n’applique pas le programme ? Mais quel est le soutien de l’institution quand un professeur relève le défi d’assurer son programme ? » Pour Mickaëlle Paty, « il faut bien reconnaître que défendre les valeurs républicaines est bel et bien une prise de risque. La menace de se prendre une Samuel Paty est devenue l’arme de toute censure islamique. »
Mickaëlle Paty critique la manière dont a été conduite l’enquête de l’Inspection générale de l’Education
Elle épingle le contenu du rapport publié par une mission d’inspection sur l’attentat survenu contre son frère, professeur du collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine. « Seuls trois professeurs ont été entendus sur les 51 qui composent l’équipe pédagogique, versus 4 représentants des parents d’élève, inversant ainsi le rapport de force », s’étonne-t-elle, avant de relever la rapidité de rédaction du rapport, « bouclé ou bâclé en 15 jours ».
« Je crois que je ne voulais pas que ce corps meurtri soit celui de mon frère »
Devant les sénateurs, Mickaëlle Paty a salué le développement de l’enseignement de l’empathie dans les établissements scolaires que promeut depuis la rentrée, le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal. « L’empathie permet de rétablir qui est victime et qui est bourreau et non d’avoir à se confronter à des bourreaux prétendument victimes. C’est ainsi qu’on finit avec des victimes sans coupable voire des victimes un peu responsables », a-t-elle exposé avant d’indiquer que sa « réaction première » après avoir vu « un visuel » de son frère à l’institut médicolégal a été de dire : « Ce n’est pas lui ». « Je crois que je ne voulais pas que ce corps meurtri soit celui de mon frère ».
« Je dédis ce texte à celui qu’on n’a pas sauvé, Dominique Bernard »
La sœur de Samuel Paty débute son discours liminaire devant les sénateurs de la commission d’enquête en rendant hommage à Dominique Bernard, enseignant de lettres assassiné à Arras vendredi par un jeune islamiste radicalisé
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