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IVG dans la Constitution : revivez « le vote historique » au Sénat

IVG dans la Constitution : revivez « le vote historique » au Sénat

50 ans après la loi Veil, le Sénat a très largement adopté le projet de loi inscrivant l’IVG dans la Constitution par 267 voix contre 50, ouvrant la voie à la réunion du Congrès. Revivez les débats avec l’ensemble des interventions dans l’hémicycle.
Rédaction Public Sénat

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C’est un vote historique. Les sénateurs ont adopté mercredi 28 février le projet de loi inscrivant l’IVG dans la Constitution, par 267 voix contre 50. Un vote conforme à celui des députés, qui permet de réunir le Congrès, à Versailles, lundi 4 mars, l’ultime étape. Un vote à la majorité des 3/5 du Parlement est nécessaire pour réviser la Constitution. Revivez les débats au Sénat, heure par heure, avec les principales interventions.

20h07

Emmanuel Macron convoque le Congrès

« Je me suis engagé à rendre irréversible la liberté des femmes de recourir à l’IVG en l’inscrivant dans la Constitution. Après l’Assemblée nationale, le Sénat fait un pas décisif dont je me félicite. Pour le vote final, je convoquerai le Parlement en Congrès le 4 mars », annonce le chef de l’État sur X.

20h03

« Ce vote est historique, nous serons le premier pays au monde à inscrire dans la Constitution cette liberté », conclut Éric Dupond-Moretti

« Ce soir, le Sénat a écrit une nouvelle page du droit des femmes », réagit le garde des Sceaux à l’issue de la proclamation du vote par Gérard Larcher. « Ce vote est historique, nous serons le premier pays au monde à inscrire dans la Constitution cette liberté pour les femmes de disposer de leur corps. Ce vote, au fond, redit à ceux qui ne sauraient pas encore que les femmes de notre pays sont libres, à quel point nous sommes tous attachés à cette liberté. »

20h02

Le Sénat adopte très largement le projet de loi, sans modification

C’est historique. 50 ans après la loi Veil, le Sénat a très largement adopté le projet de loi visant à inscrire l’IVG dans la Constitution par 267 voix et seulement 50 voix contre.  Il s’agissait de la dernière étape avant la convocation du Parlement en Congrès pour procéder à la révision de la Constitution. Le Congrès pourrait se tenir lundi 4 mars à 15h30.

La navette parlementaire s’arrête là et la France sera bientôt le premier pays à inscrire la liberté » d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse dans sa Constitution. Après l’Assemblée nationale fin janvier, le Sénat vient d’adopter dans les mêmes termes, par… le projet de loi qui prévoit d’inscrire à l’article 34 de la Constitution, la phrase suivante : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Une partie de la droite sénatoriale n’est pas parvenue à amender le texte notamment pour ôter le terme « garantie », qui pour certains pourrait entraîner « un droit opposable à l’IVG ».

Plus rien n’empêche désormais la convocation du Parlement en Congrès pour réviser la Constitution par un vote des 3/5e des parlementaires. Il pourrait se tenir lundi 4 mars à 15h30.

19h48

Le Sénat rejette l’amendement qui insérait la clause de conscience

L’amendement porté par le LR Alain Milon et co-signé par Bruno Retailleau, ne touchait pas au projet de loi constitutionnelle en tant que tel mais vient le compléter, en inscrivant dans la loi le « respect de la clause de conscience des médecins, ou professionnels de santé, appelés à pratiquer l’intervention ». Il a été rejeté par 219 voix et 85 pour.

19h45

Bernard Jomier (PS) : « Jamais les femmes ne s’en sont prises à la clause de conscience des médecins »

Médecin de profession, Bernard Jomier a estimé, contrairement à son collègue et médecin également Alain Milon (LR) qu’ « aucune organisation professionnelle ni syndicat de médecin ne tire la sonnette d’alarme et n’estime que la constitutionnalisation de l’IVG serait une atteinte à la clause de conscience ».

« Je ne voudrais pas que ce vote soit reporté au nom des médecins car jamais les femmes qui défendent avec vigueur les droits des femmes ne s’en sont prises à notre clause de conscience alors ne nous en prenons pas aux droits des femmes » a-t-il conclu sous les applaudissements de l’hémicycle.

19h37

le Sénat rejette l’amendement Bas, ouvrant la voie à une adoption conforme du texte

L’amendement de Philippe Bas (LR) avait reçu un avis défavorable de la commission et du gouvernement, après plusieurs explications de vote, il a été rejeté en séance par 214 voix contre et 104 voix pour. Le sénateur LR souhaité ôter le mot « garantie », à la phrase : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
« Notre assemblée n’est pas une chambre d’enregistrement et notre travail est d’essayer d’améliorer le texte qui nous est soumis », avait défendu Philippe Bas estimant que le mot « garantie » apportait une « ambiguïté ». « Il n’y a pas dans la constitution, deux catégories de libertés. Des libertés qui seraient garanties et d’autres qui ne le seraient pas. Le droit de grève, pas garanti. La liberté d’aller et venir, pas garanti. La liberté d’opinion, pas garanti… », a-t-il notamment pris comme exemple. « Les libertés sont garanties du seul fait qu’elles sont inscrites dans les textes constitutionnels. Quand on ajoute un mot dans un texte constitutionnel, il faut bien qu’il ait une portée », a-t-il fait valoir s’inquiétant que ce mot crée un droit opposable à l’IVG.
Le garde des Sceaux a rappelé que ni l’Assemblée nationale, ni la Chancellerie, ni le Conseil d’Etat n’interprétait ce mot comme « un droit opposable ». « Dois-je vous faire un procès en certitude ? », a-t-il ironisé avant de rappeler la portée de ce mot pour le pouvoir constituant. « Le gouvernement entend préciser l’intention qui guide le pouvoir du constituant […] Nous savons que l’article 34 de la Constitution est avant tout un article de procédure dédié à la compétence du législateur. Le terme de garantie permet de rendre clair le fait que l’objet de cette révision constitutionnelle n’est pas simplement d‘attribuer une compétence au législateur qu’il a déjà, mais de guider cette compétence vers le sens du respect de cette liberté ».

19h23

Bruno Retailleau (LR) : « Je voterai l’amendement de Philippe Bas »

Selon le président du groupe LR au Sénat, le terme « garantie » revêt une « portée effective », jugeant qu’ « une garantie, c’est une obligation ». « Les mots ont un sens » s’est-il exclamé, déplorant qu’avec ce terme, « le constituant s’en remet au juge ». « Si le terme « garantie » ne crée pas de droit absolu sans limite ou opposable, pourquoi y êtes-vous tant attaché ? » a-t-il tonné auprès du Garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti.

19h05

Le sénateur LR Philippe Bas défend son amendement qui entend supprimer le terme « garantie » dans le texte.

19h04

Les sénateurs débutent l’examen des deux amendements déposés par les LR

19h02

« Je suis profondément troublée », intervient la centriste Françoise Gatel

Dernière prise de parole avant l’examen des amendements déposés par la droite. La centriste Françoise Gatel a tenu à répondre aux interventions du groupe écologiste : « Cher Thomas Dossus vous avez dit que l’atmosphère était grisante. Moi, elle me dégrise totalement », a fait savoir la centriste. « Je suis profondément troublée quand j’entends que nous devons nous mettre à l’abri de choses qui vont arriver prochainement. Est-ce que les partis démocratiques que nous sommes ont définitivement renoncé à gagner des élections et à ne pas faire le lit du Front national ? »

18h48

« Nous avons un véritable rendez-vous avec l’histoire. Ne le manquons pas ce soir », lance le socialiste Patrick Kanner

« Notre présence nombreuse montre l’importance que nous attachons au moment que nous allons vivre dans quelques instants », commence le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, dont la « conviction profonde, sincère, est que le droit absolu à disposer de son corps est une condition indispensable à l’existence de toutes les autres libertés ». L’ancien ministre souligne que « partout dans le monde, aujourd’hui, s’élèvent des voix pour restreindre et bafouer le droit à l’avortement ». « Le climat n’a jamais été aussi inquiétant », insiste Patrick Kanner.

Le sénateur PS du Nord évoque « le planning familial de Lille, qui a été tagué avec des propos insultants à l’égard des femmes, il y a quelques jours ». « La constitutionnalisation de l’IVG permettra d’envoyer un signal fort, tant au niveau national qu’international », se réjouit par avance Patrick Kanner, qui conclut en disant que « nous avons un véritable rendez-vous avec l’histoire. Ne le manquons pas ce soir ».

18h29

« C’est la consécration constitutionnelle d’un symbole », dénonce Muriel Jourda, qui s’oppose à la constitutionnalisation

Membre de la commission des lois, la sénatrice LR, Muriel Jourda est opposée à la révision constitutionnelle proposée par le gouvernement. Elle a évoqué « l’incertitude juridique » du texte. « Nous ne sommes pas en train de mettre fin à un débat pas plus que nous remédions à une imperfection juridique », a-t-elle estimé.
Muriel Jourda a souligné que les opposants à l’IVG « avaient perdu la bataille en France ». « Que faisons-nous alors ? C’est la consécration constitutionnelle d’un symbole. Est-ce le rôle de la Constitution que d’émettre des symboles ? Est-ce le rôle de la Constitution que d’envoyer des signaux au reste de l’humanité. Pour ma part, je ne le crois pas ».

18h26

Marie-Pierre de la Gontrie s’oppose aux amendements déposés par la droite

Après avoir affirmé son soutien très clair à l’inscription de l’IVG dans la Constitution, la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie est revenue sur les amendements déposés par ses collègues sénateurs Les Républicains, auxquels elle s’oppose.

Le sénateur Les Républicains Philippe Bas demande la suppression du terme « garanti » dans le texte, dont la version votée à l’Assemblée proclame « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». « La liberté d’avoir accès à l’IVG est particulière, il lui faut toujours l’intervention d’un tiers – le pharmacien, le médecin ou la sage-femme. Le mot garanti permet d’assurer que l’Etat ne décide pas de mettre un terme à l’accès à tous ces dispositifs, pour de facto vider la possibilité de tout avortement », explique Marie-Pierre de la Gontrie.

Elle s’oppose également à l’amendement déposé par le sénateur LR Alain Milon, qui souhaite inscrire la clause de conscience des professionnels de santé dans la Constitution au même titre que l’IVG. La sénatrice socialiste juge cet amendement contreproductif, « il atteindrait l’inverse de l’objectif fixé ».

18h23

« Certains membres » de l’Union Centriste « ne voteront pas » le projet de loi constitutionnel sur l’IVG annonce Loïc Hervé

18h20

« On ne peut pas dire que l’interruption volontaire de grossesse est en danger », estime le sénateur LR Philippe Bas, qui défend son amendement modifiant le texte

C’est l’homme par qui l’examen du projet de loi constitutionnel inscrivant l’IVG dans la Constitution pourrait se prolonger. Le sénateur LR Philippe Bas a déposé un amendement visant à supprimer le terme « garantie » de l’unique article du texte, afin de rétablir la version adoptée il y a un an par le Sénat. Son adoption empêcherait un vote conforme, c’est-à-dire identique, du projet de loi, et relancerait la navette parlementaire avec l’Assemblée, qui en matière de révision constitutionnelle, est théoriquement sans limite… Il n’y aurait ainsi pas de réunion du Congrès la semaine prochaine.

« 50 ans après son adoption, la loi Veil est largement rentrée dans les mœurs. Nous devons cette acceptation sociale à l’équilibre sur laquelle elle repose : primauté de la liberté de la femme dans les premières semaines de grossesse. Primauté de la protection de l’enfant à naître ensuite. Cet équilibre fondamental a valeur constitutionnelle », a souligné le sénateur LR de la Manche, lui-même ancien collaborateur de Simone Veil.

L’ex-président de la commission des lois remarque que le Conseil constitutionnel a confirmé cette valeur constitutionnelle par une décision de 2001. Par « ce contrôle constitutionnel vigilant, on ne peut pas dire que l’interruption volontaire de grossesse est en danger. Si de nombreux problèmes demeurent, on ne peut pas dire qu’ils sont d’ordre juridique », soutient Philippe Bas.

Il craint que le texte sorti de l’Assemblée n’« ouvre une rupture d’équilibre » en « faisant de l’IVG un droit opposable sans limite ». Il a « admis, dans son principe, l’idée qu’une sécurité supplémentaire pouvait justifier une mention dans la Constitution, mais pas n’importe laquelle », affirme Philippe Bas.

« Il y aurait donc des libertés et droits garanties et d’autres qui ne le seraient pas. Une telle hiérarchie laisse songeur », ajoute encore Philippe Bas. Et « s’il n’y a pas de portée » au terme « garantir », alors « pourquoi le laisser ? », demande le sénateur LR, qui craint « une version ambiguë de la révision constitutionnelle », qui pourrait « faire le jeu de ceux qui sont le plus éloignés de la loi Veil ».

18h15

« Nous serons le premier pays à faire de l’IVG une liberté fondamentale », déclare Laurence Rossignol

« Si nous pensons indispensable de protéger le droit à l’avortement, en l’inscrivant au sommet de la hiérarchie des normes, c’est parce que les anti-IVG n’ont jamais renoncé depuis la loi Veil », a déclaré la sénatrice socialiste Laurence Rossignol. « Profitons-en, au moment où elle n’est pas menacée pour prendre les garanties que nous voulons pour l’avenir », a encouragé l’ancienne ministre des Droits des femmes, avant de rendre hommage aux Français qui soutiennent ce droit, « à plus de 80 % ». Et de conclure : « Nous serons le premier pays à faire de l’IVG une liberté fondamentale. »

18h02

« L’IVG de confort n’existe pas », rappelle Xavier Iacovelli

Le sénateur Renaissance, Xavier Iacovelli a rappelé à ces collègues que la liberté d’avoir recours à une IVG était menacée. « La montée des gouvernements populistes et nationalistes a fréquemment entraîné un resserrement des libertés affectant particulièrement les droits des minorités et les droits des femmes », a-t-il souligné.
Il a également souligné qu’aucune femme « ne considérait l’IVG comme une option de contraception parmi une autre […] L’IVG de confort n’existe pas ».
« Pour toutes ces raisons, gravons dans le marbre de notre Constitution la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse », a-t-il conclu.

17h57

Nathalie Delattre (RDSE)  votera l’inscription de l’IVG dans la Constitution

Rappelant que 17 Etats américains avaient interdit l’avortement, la sénatrice de la majorité présidentielle a rappelé la « tendance au recul de la liberté des femmes ». « La France doit être au rendez-vous de l’Histoire » a estimé Nathalie Delattre pour qui il s’agit d’ « asseoir un droit » qui représente « un enjeu sociétal fort ». « Ce serait une avancée logique pour la dignité des femmes » avance-t-elle.

17h55

« Oui, l’IVG est menacée en France », considère Ian Brossat

« Des millions de femmes et d’hommes, aussi, attachés à cette liberté fondamentale nous regardent et nous écoutent », souligne le sénateur communiste Ian Brossat, conscient de vivre un « moment historique ». Pour le sénateur de Paris, l’inscription dans la Constitution du droit de recourir à l’IVG est pleinement justifiée, citant lui aussi ce moment sur CNews où l’IVG a été présentée comme la première cause de mortalité dans le monde. « Des forces rétrogrades n’ont pas renoncé à le remettre en cause. Des forces médiatiques s’organisent pour le contester. Je pense, moi aussi, aux propos monstrueux qui ont été entendus sur une chaîne d’information en continu, plus exactement de désinformation en continu. » Ian Brossat affirme également que des forces politiques le contestent également. « L’intervention de M. Ravier en porté témoignage. »

17h50

« Il est temps d’être au rendez-vous de notre histoire », exhorte Mélanie Vogel

La sénatrice écologiste, Mélanie Vogel qui avait défendu il y a un an et demi une proposition de loi visant à inscrire l’IVG dans la Constitution, a rappelé l’enjeu de cette journée. « Voter pour cette loi, c’est pour dire vraiment ceci : nous n’interdirons plus jamais l’IVG ? Nous ne restreindrons plus jamais ce droit ».
La sénatrice s’est adressée « aux héritières et aux héritiers de cette droite et de ce centre qui a voté pour la loi Veil ». « Si un jour une loi menace la loi Veil et que la Constitution n’a rien fait pour l’empêcher. Que direz-vous à vos filles, à vos petites filles, à vos nièces ? Pourrez-vous les regarder dans les yeux ? […] qu’il y avait le mot garantie dans le texte ? Que la date du Congrès avait été annoncée trop tôt ? »
« Il est temps d’être au rendez-vous de notre Histoire », a-t-elle conclu.

17h42

« Ne péchons pas par excès de naïveté » : Dominique Vérien (UC) estime que le droit à l’IVG est aussi menacé en France

La sénatrice de l’Union centriste, présidente de la délégation aux droits des femmes, appelle les élus de la chambre haute à voter pour l’inscription de l’IVG dans la Constitution. « Si l’accès matériel à ce droit reste perfectible aujourd’hui, les Françaises peuvent avorter librement, mais j’aimerais pouvoir avoir autant de confiance en l’avenir avec son lot d’incertitudes », s’inquiète Dominique Vérien.

La sénatrice fait ainsi référence « à « des réseaux militants bien organisés et de mieux en mieux financés s’activent pour remettre en cause ce droit », ou encore « à la récente affaire CNews ». Quelques jours avant le débat au Sénat, la chaîne d’information en continu a en effet présenté l’avortement comme « première cause de mortalité dans le monde ».

17h40

Les Indépendants voteront « en âme et conscience », précise Daniel Chasseing, le président du groupe

S’il juge l’inclusion du terme « garantie » comme étant « superfétatoire », le sénateur indépendant juge « la crainte de nos citoyens compréhensible » rappelant son « entier soutien à la liberté d’avorter ».

Daniel Chasseing a également rappelé que ce droit « n’existe pas dans bon nombre de pays » et « recule dans des démocraties », concluant son propos en annonçant que son groupe voteront « en âme et conscience » mais « majoritairement pour ».

17h38

 Christopher Szczurek, sénateur RN, votera en faveur de l’IVG dans la Constitution, au nom de « l’identité »

C’est un virage historique, et tactique. Christopher Szczurek, sénateur du Rassemblement national, s’est prononcé, en faveur de la constitutionnalisation de l’IVG.

« Le débat du jour éveille en nous nombre de considérations politiques, philosophiques et morales, et à ce titre ce serait un manque de respect pour chacun ici de tomber dans le manichéisme et la facilité », a commencé par expliquer le sénateur d’extrême droite. « Aucune position n’est à mépriser, nous devons pouvoir entendre celle de chacun ici », a-t-il ajouté.

Christophe Szczurek s’est même démarqué de la droite sénatoriale, frileuse et divisée à l’idée de constitutionnaliser l’IVG, et dont certains se sont justifiés en expliquant que ce n’était pas la vocation de la Constitution. « J’entends l’argument », a indiqué le sénateur RN. « Mais la Constitution est ce que le peuple et ses représentants veulent en faire ».

 

Pour Christophe Szczurek, voter en faveur de la constitutionnalisation de l’IVG est un moyen d’attaquer le multiculturalisme. Car « aucune menace aujourd’hui ne pèse sur ce droit acquis pour les femmes » de la part de quelque formation politique, selon le sénateur. Mais « une menace persiste à nos yeux : l’accentuation des revendications politico-religieuses fondamentalistes et communautaristes et le péril islamiste qui insidieusement mène chaque jour une conquête culturelle, politique, et fatalement sociale », a-t-il poursuivi. C’est donc au nom de « l’identité » française que Christophe Szczurek se pose en défenseur de l’IVG.

17h32

Rejet de la motion du sénateur Reconquête Stéphane Ravier, après une intervention sous tension

Il a tenté de mettre fin aux débats. Il est resté bien seul et isolé. La question préalable, l’une des motions de procédure, défendue par le sénateur Reconquête, Stéphane Ravier, en ouverture des débats, a été rejetée par le Sénat à la quasi-unanimité, moins une voix en faveur de la motion, celle de Stéphane Ravier lui-même. Son adoption aurait été synonyme de rejet d’emblée du texte.

L’ex-sénateur RN, qui a rejoint le parti d’Eric Zemmour, a dit tout le mal qu’il pensait de la constitutionnalisation de l’IVG. « A la réflexion finalement, je vous le concède, la gauche a raison. Aujourd’hui, en France, la loi Veil est menacée. Le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, garanti par l’article 1er de la loi Veil, est menacé, tout autant que la clause de conscience des professionnels de santé et la liberté d’expression et de communication à ce sujet », a commencé Stéphane Ravier, citant Simone Veil : « L’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue ».

S’adressant aux « macronistes », il lance : « Vous voudriez une victoire symbolique, avec les idées de la gauche et les voix de la droite, pour faire oublier que pour votre champion, du Salon de l’agriculture aux salons de l’Elysée, c’est le désastre permanent ». Le sénateur des Bouches-du-Rhône s’est adressé aussi à ses « chers collègues du RN : n’oubliez pas les propos pas si lointains de votre présidente, sur la dérive que constituent, je cite, « les avortements de confort ». De la dédiabolisation au reniement, il n’y a qu’un pas. L’abandon ne mène jamais à la victoire ». Une intervention que Stéphane Ravier a terminée sous les cris de la gauche, et qu’il n’a pu conclure, ayant utilisé son temps imparti.

Prenant la parole contre la motion, la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel, a été à son tour interpellée par Stéphane Ravier. « Assois-toi et ferme là ! » lui a lancé un sénateur écologiste. « Sortez-le ! » a demandé un autre, avant que la présidente ne doive appeler au calme. « Vous avez un seul mérite, Monsieur Ravier. C’est la constance que vous avez à pouvoir nous démontrer que nous avons raison à vous donner tort ». Elle lui a rappelé que « vous êtes aujourd’hui minoritaire en France. Nous sommes majoritaires. C’est pour cela qu’il faut inscrire l’IVG dans la Constitution ».

Pour la commission des lois, la rapporteur LR Agnès Canayer a exprimé son avis défavorable, souhaitant continuer le débat, tout comme le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti. « On a envie de consacrer l’IVG, c’est une journée historique ! » a lancé le ministre, qui a raillé le sénateur d’extrême droite : « Merci pour votre intervention, elle était très utile. Elle illustre qu’il y a encore aujourd’hui des gens qui souhaitent s’opposer à l’IVG ».

17h14

Les « incertitudes rédactionnelles » ne peuvent « pas retarder l’adoption d’un texte conforme » à celui des députés, pour la rapporteure Agnès Canayer

S’exprimant au nom de la commission des lois, la sénatrice (LR) Agnès Canayer a indiqué que le texte soumis au vote ce 28 février était « proche du texte adopté par le Sénat en février 2023 ». Reprenant « 95 % » de la version sénatoriale, la formulation choisie par le gouvernement a été un élément d’appréciation important pour la commission, dans la recherche d’un compromis, selon la rapporteure. « La commission des lois a considéré que les incertitudes rédactionnelles ne pouvaient pas retarder l’adoption d’un texte conforme », a-t-elle ajouté, même si le texte a une portée avant tout « symbolique » et n’est pas l’assurance d’une « garantie juridique absolue ».

« J’entends les pressions fortes qui pèsent sur chacun d’entre nous. Il appartiendra à chacun d’entre nous de se déterminer », a-t-elle conclu.

16h50

Eric Dupond-Moretti : « Et si nous adoptions ensemble ce texte, il est grand temps n’est-il pas vrai ? »

« Et si nous adoptions ensemble ce texte, il est grand temps n’est-il pas vrai ? ». Le garde des Sceaux, Éric Dupond Moretti a conclu son intervention de 20 minutes dans la discussion générale par une injonction aux sénateurs de voter conforme le projet de loi.
Éric Dupond-Moretti a bien conscience qu’il existe une réticence de la part de certains élus de la majorité sénatoriale de droite qui souhaitent amender le texte. « Ce texte est une proposition de compromis qui reprend quasi intégralement la proposition de la chambre haute », a rappelé Éric Dupond-Moretti. L’année dernière, la chambre haute avait adopté une proposition de loi LFI amendée par Philippe Bas. « Le projet de loi présenté est à 95 % celui du Sénat », a-t-il évalué.
Seule différence notoire réside dans l’emploi du terme « garantie » qui fait craindre à certains élus de droite la création d’un droit opposable à l’IVG. « Il ne crée en aucune manière un droit opposable […] il permet de rendre clair l’objet de cette révision constitutionnelle qui n’est pas simplement d’attribuer une compétence au législateur qu’il avait déjà. Mais de guider l’exercice de sa compétence dans le sens de la protection de cette compétence […] Le gouvernement souhaite protéger la liberté de recourir à l’IVG et non pas de l’étendre », a voulu rassurer le ministre.

« Je ne serais jamais le procureur du procès en ringardise que certains veulent instruire contre le Sénat »

Éric Dupond-Moretti a également répondu à ceux qui estiment que le droit à l’IVG n’est pas menacé en France et que ce débat est importé des Etats-Unis. « Ce n’est pas sur Fox News mais bel et bien en France, sur une chaîne française, qu’avant-hier, encore on associait le nombre d’avortements aux nombres de morts du cancer et du tabac ». Une référence à l’infographie diffusée dimanche sur CNews. « On n’écrit pas seulement la Constitution pour le présent mais surtout pour l’avenir ».

Enfin, Éric Dupond-Moretti est revenu sur la pression qui pèse sur les élus à quelques minutes du vote. « Je ne serais jamais le procureur du procès en ringardise que certains veulent instruire contre le Sénat. Le ministre a rappelé le rôle du Sénat lors de l’examen de la loi Veil. « A l’époque le Sénat était en avance », a-t-il loué, rappelant que le Sénat voulait supprimer le caractère provisoire de la loi et avait ajouté le remboursement de l’IVG par la Sécurité Sociale contre l’avis du gouvernement.

16h45

A l’ouverture des débats dans l’hémicycle du Palais du Luxembourg, et d’un vote crucial pour l’inscription de IVG dans la Constitution, le garde des Sceaux  a exhorté le Sénat à être « collectivement à la hauteur de l’attente populaire ».

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« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

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