Paris: Designation Bureau Assemblee Nationale

Demande d’ouverture d’une session extraordinaire : « C’est une nécessité que le Parlement reprenne son rôle », estime le président du groupe écologiste au Sénat 

50 jours après la démission du gouvernement de Gabriel Attal et dans l’attente de la nomination d’un Premier ministre, la demande de l’ouverture d’une session parlementaire se fait de plus en plus pressante. Celle-ci permettrait aux parlementaires de se prononcer sur un certain nombre de sujets brûlants comme la préparation du budget, mais également pour adopter une motion de censure contre un futur gouvernement.
Henri Clavier

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Les consultations traînent et les parlementaires s’impatientent. Alors que le gouvernement est démissionnaire depuis 50 jours et que le Président de la République consulte depuis dix jours, sénateurs et députés souhaitent désormais reprendre la main et demandent l’ouverture d’une session parlementaire extraordinaire. Une idée d’abord proposée par Marine Le Pen à la sortie de son entretien avec Emmanuel Macron, lundi 26 août. Depuis, la présidente du groupe Rassemblement national à préciser sa demande en adressant une lettre ouverte aux chefs des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat pour ouvrir une session extraordinaire. Les communistes et le groupe écologiste ont récemment repris la proposition d’ouvrir une session parlementaire extraordinaire. « Ce n’est pas au Président de la République de se substituer à l’Assemblée nationale », écrivent les députés écologistes qui dénoncent « une situation démocratiquement intenable » dans un communiqué du 2 septembre.  

Pour rappel, le Parlement siège en session ordinaire du premier jour ouvré d’octobre jusqu’au dernier de juin. Pour ouvrir une session en dehors de ces délais, le Premier ministre ou la majorité absolue des députés doit en faire la demande. Néanmoins, pour demander l’ouverture d’une session extraordinaire, les parlementaires doivent se mettre d’accord sur un ordre du jour 

Remettre le Parlement au centre  

« L’ouverture d’une session extraordinaire est indispensable, notre pays en a besoin, il y a des urgences », assure Cécile Cukierman, sénatrice communiste de la Loire et présidente du groupe CRCE-k. « Il y a une vraie urgence, on va également faire la même demande au Président du Sénat pour l’ouverture d’une session extraordinaire. C’est une nécessité que le Parlement reprenne son rôle », abonde le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard. Avec cette démarche, les parlementaires désirent inverser le rapport de force et remettre le Parlement au centre du jeu politique.  

L’ouverture d’une session extraordinaire permettrait aussi de contrôler le gouvernement, pour l’instant démissionnaire. « Je souhaite qu’on ait une session extraordinaire, ne serait-ce parce que nous ignorons le moment où sera formé un gouvernement, et qu’il ne serait pas anormal d’avoir des questions d’actualité », déclarait Olivier Faure sur BFMTV, lundi 2 septembre. En cas d’ouverture d’une session extraordinaire, une séance de questions au gouvernement devra obligatoirement être organisée. L’occasion d’insister sur le caractère inédit de la situation. « Ça montrera l’impossibilité de continuer comme ça, imaginons une séance de questions au gouvernement avec Gabriel Attal, à la fois Premier ministre et député, qui pourrait se poser une question à lui-même ? Ça ne marche plus », déplore Guillaume Gontard. Ce dernier se dit également confiant quant à la capacité de réunir 289 députés pour demander l’ouverture d’une session exceptionnelle.  

Quel ordre du jour pour une session extraordinaire ?  

En ce qui concerne l’ordre du jour d’une éventuelle session extraordinaire, un débat sur les finances publiques et sur le financement de la sécurité sociale est proposé par le RN. A gauche, on y voit également l’opportunité de réfléchir à la création de nouvelles recettes fiscales dans un contexte d’aggravation du déficit public. « On peut aussi envisager l’abrogation de la réforme des retraites », insiste Cécile Cukierman. Néanmoins, le président socialiste de la commission des finances du Sénat, Claude Raynal, estime qu’il faut « d’abord nommer un Premier ministre avant d’ouvrir une session extraordinaire ».  

Alors que la position des parlementaires LR sur le soutien à une coalition semble évoluer, une éventuelle  nomination de Xavier Bertrand à Matignon pourrait précipiter la convocation d’une session extraordinaire. « Il faudra absolument organiser une session extraordinaire pour un discours de politique générale », assure Alain Joyandet (LR), sénateur de Haute-Saône et soutien de longue date d’une coalition entre LR et le bloc central. En cas de nomination d’un Premier ministre, la demande d’organisation d’un discours de politique générale semble inévitable. « Je demanderai une session extraordinaire » car « dans les circonstances politiques actuelles nous ne pouvons pas ne pas entendre et questionner le Premier ministre qui serait nommé et son gouvernement », affirmait la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, dimanche sur France Inter. Une position pas forcément partagée par l’ensemble du bloc central. « Pour moi c’est non, c’est parce qu’ils veulent critiquer, hurler, crier contre Macron. C’est une manière de faire monter la pression », estime François Patriat, président des sénateurs Renaissance.  

« Je veux savoir quelle politique on nous propose et ensuite on verra pour une motion de censure »  

En cas d’ouverture d’une session extraordinaire faisant suite à la nomination d’un nouveau Premier ministre, la question de l’adoption d’une motion de censure devrait rapidement se poser. « Il faudra surtout un discours de politique générale, je veux savoir quelle politique on nous propose et ensuite on verra pour une motion de censure », explique Cécile Cukierman. Dans cette configuration, la menace d’une censure immédiate du nouveau gouvernement pourrait inciter le Président de la République à refuser la convocation du Parlement. En effet, si la demande peut être faite par le Premier ministre ou une majorité de députés, c’est le chef de l’Etat qui signe le décret de convocation. En 1960 et en 1987, le Président de la République avait d’ailleurs refusé d’organiser une session supplémentaire malgré la demande des députés. Par ailleurs, si l’attente se prolonge, les écologistes pourraient soutenir la proposition de La France insoumise d’engager une procédure de destitution d’Emmanuel Macron. « La question peut commencer à se poser à partir du moment où on est face à un Président de la République qui refuse de nommer un Premier ministre », estime Guillaume Gontard. 

Dans la même thématique

ISSY-LES-MOULINEAUX: France 24, press conference
3min

Parlementaire

France Médias Monde : les sénateurs alertent sur la baisse des crédits dans un contexte de guerre informationnelle

Dans un communiqué, la commission des Affaires étrangères du Palais du Luxembourg déplore le « désarmement informationnel » engagé par le budget 2025 avec une réduction de 10 millions d’euros à l’audiovisuel extérieur. En conséquence, les élus ont voté un amendement de transfert de crédits de 5 millions d’euros de France Télévisions à France Médias Monde (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya).

Le

Demande d’ouverture d’une session extraordinaire : « C’est une nécessité que le Parlement reprenne son rôle », estime le président du groupe écologiste au Sénat 
7min

Parlementaire

Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

Le