Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Colère des agriculteurs : les LR mettent sur la table une nouvelle proposition de loi pour « arrêter d’emmerder les paysans »
Par François Vignal
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Au chevet des agriculteurs. Alors que la contestation du monde agricole ne faiblit pas, les LR entendent se montrer aux côtés des agriculteurs. Histoire d’enfoncer le clou sur les critiques contre le gouvernement et ne pas laisser le RN profiter de la situation.
Les sénateurs LR, accompagnés de leur tête de liste aux européennes, François-Xavier Bellamy, ont tenu ce mercredi matin une conférence de presse au Sénat pour présenter leurs réponses au « mal-être » agricole. A six mois du scrutin, la dimension européenne et « la surtransposition » sont au cœur des revendications.
« Ils sont dingues ces types-là ! Ils veulent affamer le monde ? » demande Bruno Retailleau
« L’agriculture française est en danger de mort. Nous ne sommes pas surpris. Cette révolte ne pouvait qu’arriver », commence François-Xavier Bellamy (voir la vidéo). « Dès 2020, avec le projet « farm to fork », en application du Green deal, nous avons tiré la sonnette d’alarme », souligne l’eurodéputé LR. Il peste contre les « surtranspositions » des règlements européens, comme sur certains types de néonicotinoïdes, qui étaient utilisés par les producteurs de betterave. « Il n’y a aucune raison d’imposer aux agriculteurs français des règles plus dures qu’aux autres agriculteurs européens », affirme-t-il. Le chef de file des eurodéputés LR relève un point, symptomatique selon lui de la situation. « Depuis 2019, la France est devenue déficitaire dans sa balance agricole pour les produits alimentaires, hors vins et spiritueux », alerte François-Xavier Bellamy, qui ajoute :
A ses côtés, Anne Sander, autre eurodéputée LR, ajoute que si les LR se sont « opposés à ce texte « de la ferme à la fourchette », on s’oppose pour construire une autre majorité, contrairement au RN ». Loin derrière Jordan Bardella dans les sondages, les LR ne veulent pas se laisser dépasser par l’extrême droite sur le sujet agricole, alors qu’ils l’investissent depuis longtemps.
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Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, voit dans la situation un parallèle avec l’industrie. « J’ai vu en 30 ans la France se désindustrialiser. On sait ce que cela nous a coûté. (…) Et on recommence exactement le même processus avec l’agriculture », alerte le sénateur LR de Vendée, qui pointe les causes : « L’étau européen » entre « un maximum de libéralisation à l’extérieur et de normes à l’intérieur », et « la macronie » et sa « tartufferie ». « S’ils avaient réussi à faire ce qu’ils avaient voulu, on se retrouvait avec 24% de jachère. Mais ils sont dingues ces types-là ! Ils veulent affamer le monde ? » s’indigne le président du groupe LR.
« Nous annoncions, un peu comme pour les gilets jaunes, la crise avant l’heure »
Sur la question agricole, le Sénat a multiplié les rapports ou textes. « Dès 2019, la commission des affaires économiques a pris en compte la question du mal-être des éleveurs, dans un contexte d’agribashing. Puis en 2023, une proposition de loi transpartisane, en faveur de la compétitivité de la ferme France, a été adoptée », souligne Dominique Estrosi Sassone, présidente LR de la commission des affaires économiques.
Autrement dit, « au Sénat, nous n’avons pas attendu la crise pour montrer que le déclin était de plus en plus important. Nous annoncions, un peu comme pour les gilets jaunes, la crise avant l’heure », ajoute le sénateur LR de la Haute-Loire, Laurent Duplomb. Cet éleveur de vache laitière appelle déjà le gouvernement à puiser dans les 26 articles de la proposition de loi, alors que l’exécutif a repoussé la présentation de son projet de loi d’orientation agricole, pour l’enrichir d’un volet simplification des normes.
« 42 propositions pour répondre à la crise »
Mais face à la gronde, les sénateurs veulent en remettre une couche. « Nous sommes en mesure de proposer 42 propositions pour répondre à la crise », annonce Laurent Duplomb, qui a déposé une nouvelle proposition de loi, dont il est le premier signataire. Regardez :
Le texte a quatre ambitions : « Supprimer le harcèlement et les stigmatisations. On ne peut plus accepter les intrusions » sur les exploitations, souligne le sénateur LR de la Haute-Loire ; « Détendre le système normatif » et « corriger les erreurs », ajoute Laurent Duplomb, qui parle de « commission de désherbage des normes » ; « Simplification administrative » en « supprimant des règles absurdes » ; et « redonner les moyens du retour de notre compétitivité ».
« Nous avons des réponses à apporter. Il suffit que le gouvernement accepte de les prendre »
« Nous avons des réponses à apporter. Il suffit que le gouvernement accepte de les prendre », lance le sénateur. Le texte, dont l’encre est encore fraîche – son écriture a été terminée en urgence dans la nuit – n’est pour l’heure pas inscrit à l’ordre du jour. Il faut attendre six semaines pour pouvoir le déposer, dans une éventuelle niche LR. Mais il permet dans l’immédiat de mettre la « pression » sur le gouvernement et de cranter des positions.
Si ce sont notamment les normes environnementales qui sont visées par les LR, Bruno Retailleau assure qu’il ne s’agit pas de faire abstraction de l’enjeu climatique. « Bien sûr qu’il faut aller vers une agriculture de plus en plus durable, de conservation, mais on ne peut pas avoir d’interdiction sans solution alternative », répond le président du groupe LR. « Le fait d’avoir supprimé la cinquième famille de néonicotinoïdes crée une concurrence déloyale. Si tout le monde en Europe faisait la même chose, peut-être que ça pourrait marcher », ajoute Laurent Duplomb, mais pour l’heure, il appelle à ne pas être « naïf ». Le sénateur conclut : « Arrêter d’emmerder les paysans, ça ne coûte pas cher ».
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