NANTES : NGO Attac against CETA .

CETA : Pourquoi le gouvernement refuse pour le moment de soumettre le traité de libre-échange au vote du Parlement ?

Après le rejet de la ratification du CETA au Sénat au mois de mars, les députés ont adopté une résolution pour pousser le gouvernement à inscrire la ratification du traité à l’ordre des débats à l’Assemblée. Une situation qui met le gouvernement en difficulté, alors qu’il préfère attendre faute de majorité.
Rose Amélie Becel

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Sept ans après son entrée en vigueur, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada n’a jamais été aussi contesté en France. La gronde est d’abord venue du Sénat, où la ratification du CETA a été rejetée en mars dernier. Déplorant l’absence de réaction de l’exécutif après ce camouflet, les députés ont voté ce 30 mai une résolution appelant à l’inscription de la ratification à l’Assemblée nationale au plus vite. De son côté, la majorité présidentielle favorable au traité préfère attendre, faute de majorité.

Chronologie d’une contestation qui met le gouvernement en mauvaise posture, à dix jours des élections européennes.

Un accord partiellement en vigueur depuis 2017

En septembre 2014, le gouvernement canadien et le président du Conseil européen dévoilaient le contenu du CETA. L’accord de libre-échange concerne l’écrasante majorité des échanges commerciaux, puisqu’il supprime près de 98 % des droits de douane entre les deux territoires. Le traité est officiellement signé entre le Premier ministre canadien Justin Trudeau et le président du Conseil européen Donald Tusk en 2016, puis est voté en 2017 par le Parlement européen.

Mais, selon la règle européenne, l’entrée officielle du texte en vigueur ne peut se faire qu’après sa ratification par les parlements de tous les États membres. Pour le moment, seul douze pays sont parvenus à l’ultime étape de la promulgation du traité, après un vote des parlementaires. En attendant la conclusion de tous ces votes au niveau national, le CETA est tout de même provisoirement appliqué, puisque 90 % du contenu de l’accord dépend de la compétence exclusive de l’Union européenne.

Coup de théâtre : après la ratification à l’Assemblée en 2019, le Sénat rejette l’accord en 2023

En France, la ratification de l’accord de libre-échange est votée une première fois à l’Assemblée nationale en juillet 2019. Mais, dans un pays encore marqué par la crise des gilets jaunes et face à la colère du monde agricole, le vote de justesse par les députés et les vives contestations qui s’en suivent poussent le gouvernement à patienter avant d’inscrire la ratification du texte à l’ordre du jour du Sénat.

Presque cinq ans plus tard, dans le contexte d’une nouvelle crise agricole, ce sont finalement les sénateurs communistes qui prennent le taureau par les cornes : profitant de leur niche parlementaire, ils inscrivent la ratification du texte à l’ordre du jour du Sénat le 21 mars dernier. Coup de théâtre, grâce à une étonnante alliance avec une majorité de sénateurs Les Républicains, les élus communistes parviennent à faire rejeter la ratification. « L’Assemblée nationale se prononcera le moment venu », avait simplement affirmé le ministre chargé du Commerce extérieur après le vote, laissant planer le doute sur une inscription prochaine à l’ordre du jour au palais Bourbon.

À l’Assemblée nationale, une résolution presse le gouvernement d’inscrire de nouveau la ratification à l’ordre du jour

Dans une interview au Figaro quelques jours plus tard, Franck Riester affirmait que le traité ne serait pas inscrit à l’Assemblée nationale « avant les européennes ». « Ce sujet nécessite un temps de débat apaisé. Nous ne souhaitons pas, comme nous l’avons vu au Sénat, que certains groupes d’opposition instrumentalisent ce débat légitime à des fins électoralistes », avait-t-il dénoncé.

Mais, une fois de plus, les parlementaires communistes ont profité de leur niche pour inscrire le sujet dans les débats, ce 30 mai. Cette fois-ci, il ne s’agit pas du projet de loi de ratification en lui-même, mais d’une résolution via laquelle les députés appellent le gouvernement à inscrire le débat sur l’adoption du traité à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Avec 151 voix pour, seulement 4 voix contre et une large abstention sur les bancs macronistes, la résolution est largement soutenue par les députés. Un nouveau coup de pression pour l’exécutif, même si ce vote purement consultatif ne le contraint pas à agir.

Au Sénat, le groupe communiste se félicite de ce « revers de plus pour le gouvernement » et s’interroge : « À quand un vote définitif ? » Malgré l’appel quasi-unanime des parlementaires, le gouvernement préfère encore attendre. Franck Riester affirme désormais vouloir attendre un bilan provisoire de la Commission européenne, prévu pour fin 2024, avant de demander un nouveau vote.

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