Budget : le Sénat inclut les yachts, jets privés et bitcoins dans le calcul de l’IFI

Les sénateurs ont adopté un amendement centriste qui transforme l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive, contre l’avis du gouvernement. Les sénateurs ont par ailleurs rejeté la taxation des superprofits… à seulement une voix près.
François Vignal

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Si la pédagogie est l’art de la répétition, les sénateurs l’appliquent à l’examen du budget. Comme l’année dernière, la Haute assemblée, à majorité de droite et du centre, a adopté ce samedi le remplacement de « l’IFI en IFI », soit la transformation de « l’impôt sur la fortune immobilière » en « impôt sur la fortune improductive », a expliqué le sénateur centriste, Bernard Delcros, qui a défendu cet amendement au nom de son groupe Union centriste.

Votée déjà il y a un an, la mesure n’avait pas résisté à la navette parlementaire, le gouvernement y étant formellement opposé. On peut imaginer qu’il en sera de même cette année et qu’il ne retiendra pas l’amendement dans le 49.3, probablement utilisé à nouveau pour l’adoption définitive du texte.

« Un yacht, un avion, une voiture, les objets précieux, les bitcoins ne sont pas soumis à cet impôt »

Cet amendement entend élargir l’assiette de l’actuel IFI, qui avait remplacé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), supprimé par Emmanuel Macron. « C’est bien l’objet de la réforme de l’ISF, que de taxer les biens non productifs, et de pouvoir exonérer de l’impôt les biens productifs », a souligné Bernard Delcros, « malgré tout, cette réforme n’a pas du tout atteint son objectif, bien au contraire ». Le sénateur centriste donne un exemple : « Aujourd’hui, restaurer un bien immobilier pour faire un logement social est soumis à l’IFI, mais un yacht, un avion, une voiture, les objets précieux, les bitcoins ne sont pas soumis à cet impôt ».

Avec cet amendement, ils le seront. La disposition prévoit d’inclure aussi dans le calcul de l’impôt les terrains constructibles, « lorsqu’ils ne sont pas affectés à une activité économique », « les liquidités et placements financiers assimilés (compte courant, livrets, fonds monétaires, etc.) ou encore « les droits de la propriété littéraire, artistique et industrielle, lorsque le redevable n’en est ni l’auteur, ni l’inventeur ».

« Renforcer la fiscalité sur le patrimoine à l’échelle des particuliers jouera contre l’attractivité du pays », met en garde le ministre Thomas Cazenave

Le rapporteur du budget au Sénat, le sénateur LR Jean-François Husson, a émis « un avis de sagesse » sur l’amendement « Vermeillet », première signataire de l’amendement, « qui est, si je fais un peu d’histoire, l’amendement Vermeillet/de Montgolfier », du nom de l’ancien rapporteur général de la commission des finances. Dès 2019, le Sénat avait d’ailleurs déjà adopté son amendement visant à inclure yachts et autre jet privés dans le calcul de l’IFI.

Pour le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, une telle réforme de l’IFI n’a pas lieu d’être. « Notre objectif reste un objectif d’attractivité et de soutien de l’activité économique. La transformation de l’IFI, c’est pour encourager l’investissement. Et on ne s’est pas trompé. Regardez nos résultats économiques », avance le ministre, selon qui « renforcer la fiscalité sur le patrimoine à l’échelle des particuliers jouera contre l’attractivité du pays ».

Vote à égalité d’un amendement sur la taxe sur les superprofits

Par ailleurs, des amendements de la gauche (socialistes, communistes, écologistes) visant à supprimer la « flat tax » ou à créer un ISF climatique, ont eux été rejetés.

Comme l’année dernière également, l’amendement sur la création d’une taxation exceptionnelle des superprofits des entreprises, qui avaient suscité de grands débats jusqu’au sein de la majorité présidentielle, a fait son retour. Les communistes, la majorité du groupe RDSE et le groupe Union centristes ont déposé des amendements sur le sujet, tous rejetés. Mais le dernier, celui de la sénatrice centriste Sylvie Vermeillet, a fait l’objet d’un vote à égalité, 22 pour et 22 contre, malgré l’avis défavorable du rapporteur LR et du ministre, lors d’un vote à main levée puis d’un « assis/debout », pour vérifier. Ce qui revient au rejet de la taxation des superprofits… à une voix près.

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. 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Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. 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