Dans le cadre de l’examen du budget, la majorité sénatoriale a voté une baisse de crédits de 80 millions d’euros pour l’audiovisuel public, qui touchera surtout France Télévisions et Radio France. Le fruit d’un compromis avec Rachida Dati, qui visait 100 millions d’euros d’économies. Selon la ministre de la Culture, ce coup de rabot est la conséquence « de l’accord qui a pu être obtenu avec d’autres formations politiques », autrement dit le PS.
Budget de la culture : le Sénat adopte dans la confusion des crédits en légère hausse
Par Romain David
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Le Sénat a adopté ce vendredi matin les crédits dévolus à la culture dans le projet de loi de finances 2025 (PLF), au terme d’une séance assez confuse, marquée par le dépôt à la dernière minute d’amendements du gouvernement minorant certains des engagements pris sous Michel Barnier, au grand dam des élus. Plusieurs sénateurs de gauche sont notamment intervenus pour dénoncer le bouleversement des équilibres financiers, aboutissant ainsi à une copie budgétaire devenue difficilement lisible.
« Je n’y comprends rien, j’aimerais qu’on m’explique », s’est notamment agacée la sénatrice écologiste Monique de Marco, tandis que son collègue communiste Pierre Ouzoulias a pris la parole pour rappeler que « l’intelligibilité des débats dans l’hémicycle était une obligation constitutionnelle ».
« Je ne sais pas si la tâche est aisée d’expliquer ce qui n’est pas forcément simple… », a ironisé Laurent Lafon, le président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, sollicité par ses collègues pour tenter de clarifier les débats. Pour comprendre l’origine de ce méli-mélo législatif, il convient de reprendre le parcours inédit de ce PLF.
« Nous sommes passés du rab au rabot »
Dans la version initiale du budget présentée cet automne, le montant global des crédits alloués à la culture s’élevait à 3,9 milliards d’euros, en très légère augmentation par rapport à 2024 (+ 2 %). Devant le Sénat, le gouvernement s’était engagé à verser par voie d’amendement une rallonge de 300 millions d’euros essentiellement fléchée vers la préservation du patrimoine, alors que 20 % des 45 000 monuments historiques de France seraient en mauvais état, selon les chiffres du ministère. Mais un arbitrage rendu en décembre est venu porter un premier coup de rabot de 100 millions d’euros aux crédits du ministère.
Après une suspension des travaux budgétaires de plus de six semaines, conséquence de la censure du gouvernement Barnier, les amendements gouvernementaux ont été réécrits par l’exécutif dans la nuit de jeudi à vendredi, intégrant à la baisse déjà prévue une nouvelle minoration de 50 millions d’euros cette fois, que la ministre de la Culture, Rachida Dati, a en partie justifié par « le retard pris avec la censure ». « L’idée n’est pas de dépenser en dix mois ce que nous souhaitions faire en douze », a expliqué la locataire de la rue de Valois, alors que le vote d’une loi spéciale, fin décembre, a permis de reconduire pour ce début d’année les crédits de 2024 en l’absence de budget voté.
« Ce budget, entre Bercy et le ministère de la Culture, c’est l’ascenseur émotionnel. Nous sommes passés du rab au rabot et finalement au rabot du rab ! », a résumé avec un certain agacement la sénatrice centriste Sonia de la Provôté.
« On ne savait pas pour quoi on allait voter, un budget en hausse ou en baisse ? »
À chaque fois, la commission a voulu limiter la casse avec des sous-amendements de revalorisation, qui ont également mis à l’épreuve les capacités de calcul des parlementaires, pris de court par ces ajustements de dernière minute. « Je vous avoue qu’à ce stade de la discussion, je n’ai pas refait les totaux », a fini par avouer le sénateur macroniste Bernard Buis.
Si bien qu’au moment du vote des crédits, l’ensemble de la gauche a préféré s’abstenir. « Tout le monde était perdu. On ne savait pas ce pour quoi on allait voter, un budget en hausse ou en baisse ? Ni vers quelles missions exactement sera fléché l’argent », a reconnu un élu auprès de Public Sénat quelques heures après la fin de séance. « C’est aussi extrêmement confus de notre côté », admet un administrateur du Sénat, déboussolé par ce jeu complexe d’additions et de soustractions qui empêche pour l’heure de donner un chiffrage précis du budget de la culture tel que voté par les sénateurs. « On peut dire que les crédits sont globalement en hausse, mais dans une moindre mesure que ce qui avait été annoncé avant la censure ». Laurent Lafon confirme également un « delta positif ». Selon l’Agence France Presse, l’enveloppe culture du PLF serait désormais portée à 4,45 milliards d’euros au lieu de 3,9 milliards.
Création d’un fonds d’urgence pour les festivals
Dans le détail, ce budget prévoit la création d’un fonds de soutien d’urgence aux structures de création culturelle à travers le territoire. « Ce n’est pas un fonds de compensation, c’est un fonds de soutien pour sauver du spectacle vivant ou de la création artistique, capitale pour nos politiques culturelles publiques », a expliqué Rachida Dati, qui a notamment cité en exemple le Festival d’Aix-en-Provence. Un sous-amendement de Laurent Lafon a permis d’élargir l’enveloppe de ce fonds, d’abord fixée à 25 millions d’euros, à 40 millions via une ponction sur le budget du Pass Culture.
Moins de 24 heures après la suppression du Service national universel (SNU), ce dispositif culturel voulu par Emmanuel Macron a également été passé à la moulinette sénatoriale, avec une minoration totale de 35 millions d’euros sur les 210 millions d’euros de crédits qui lui sont attachés. « Le Pass culture est-il irréprochable ? Certainement pas. Si le Pass doit être ajusté et reformé, ce dispositif a néanmoins le mérite de permettre à des milliers de jeunes d’accéder à la culture », aura tenté de défendre Bernard Buis. « Comme le SNU, je pense que le Pass culture vit ses dernières heures… », a prophétisé Pierre Ouzoulias après la séance.
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